Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695
(1905)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 2759.
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viene du mouvement rapide de quelque matiere qui circule au dedans. Mais quand ce seroit un effet de mouvement en tous sens de la matiere qui est au dehors, il n'y auroit pas là d'operation de la force centrifuge en ce qui est de la goute. Je ne vois pas non plus comment la cause que je donne de la Pesanteur, puisse coincider avec l'attraction que vous concevez par des rayons emanants du centre. A demeurer dans mon principe, il faudroit que la vistesse de la matiere circulante fust plus grande vers le centre qu'aux endroits plus eloignez dans une certaine proportion, pour expliquer pour quoy les pesanteurs des Planetes contrebalancent leurs forces centrifuges, laquelle proportion je puis facilement determinerGa naar voetnoot4), mais je ne trouve pas jusqu'icy la cause de cette differente vistesse. Il est certain que les pesanteurs des Planetes estant posées en raison double reciproque de leur distance du soleil, cela, avec la vertu centrifuge donne les Excentriques Elliptiques de Kepler. Mais comment, en substituant vostre Circulation Harmonique, et retenant la mesme proportion des pesanteurs, vous en deduisez les mesmes Ellipses, c'est ce que je n'ay jamais pu comprendre par vostre explication qui est aux Acta de LeipsichGa naar voetnoot5), ne voiant pas comment vous trouvez place à quelque espece de Tourbillon deferent de des Cartes, que vous voulez conserver, puisque la dite proportion de pesanteur, avec la force centrifuge produisent elles seules les Ellipses Kepleriennes, selon la demonstration de Mr. NewtonGa naar voetnoot6). Vous m'aviez promis depuis longtempsGa naar voetnoot7) d'eclaircir cette dissiculté. Si par les Parallelismes des axes planetaires vous entendez la situation parallele que chacun de ces axes garde a soy mesme, il n'est pas besoin pour cela de Tourbillon, puisque c'est par les loix du mouvement que cela doit se faire. Je trouve, comme vous, plus à mon gré les Ellipses veritables que les Ellipsoïdes de Mr. CassiniGa naar voetnoot8), pour lesquelles je ne crois pas qu'il ait trouvè de raison physique, puis qu'il n'en a rien dit, et pour l'Astronomique, elle doit estre bien | |
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legere, vu le peu de difference entre les unes et les autres dans les cas des orbites Planetaires. Je pourrois vous marquer plusieurs objections contre la Terre Sphaeroide dans le sens de Mr. Eysenschmid, que j'escrivis en lisant son TraitéGa naar voetnoot9), mais il suffit de celle-cy pour le refuter. Cum ex auctoris ratiocinio tanta futur a sit differentia amplitudinis graduum in ellipsibus per binos Terrae Polos ductis, ut circa gradum 54 altitudinis poli, unus in terra gradus sit futurus 7½ milliarum Germanicorum, prope aequatorem vero milliarum 15, numquid putat hoc nautarum omnium experientia pridem comprobari debuisse, si verum esset? Il paroit docte au reste et escrit bien. Mais des gens comme Wasmuth et son eleve ne meritent pas qu'on en parle. Dans le Traitè de Craige, que Mr. Fatio m'a fait avoir, je vois qu'il a bien remarquè l'insuffisance de la methode de Mr. Tschirnhaus pour les quadratures. Aussi en a-t-il esté bien faschèGa naar voetnoot10). Le mathematicien de Zelande, qui donne dans son traité une Table de quadratures, s'appelle Hubertus HuigheniusGa naar voetnoot11), et le titre de son livre, Animadversiones quaedam circa propositionem quam ad rectilineas habent figurae curvilineae. Il croioit qu'à la longueur du calcul près, il avoit montrè le chemin pour arriver à la quadrature du cercle, de quoy je l'ay desabusè. Les objections de Mr. PapinGa naar voetnoot12) estoient contre l'un et l'autre de mes Traitez. Il est de ceux qui veulent avec Mr. des Cartes que l'Essence du corps consiste dans la seule etendue. Pour donner dans les Acta de Leipsich ce que j'ay encore touchant la Musique il faudroit qu'il fust precedé de ce qu'il y a dans le Journal de Mr. de Beauval, et je ne suis pas sort de loisir à le traduire. Ce Mr. OuvrardGa naar voetnoot13), de qui vous attendez la Musique, pretendoit de pouvoir montrer la composition en 24 heures. Je l'ay connu à Paris. Il fit imprimer un petit traitè assez extravaguant, où il vouloit qu'en matiere d'architecture on observast les proportions qui font les consonances, | |
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comme si l'oeil pouvoit reconnoitre quand on s'écarte de ces proportions, de mesme que l'oreille le fait au chant. J'ay vu encore quelques mois des Memoires de l'Academie de Paris, et j'approuve comme vous ce dessein, exhortant nos libraires de continuer à les copier, à quoy pourtant je ne les trouve pas fort disposez. Dans les Journaux des Scavants de l'année derniere 1691, il y a une observation curieuse que raporte Mr. de la Hire, touchant des pierres d'aimant, qui estoient crues sur du fer, au dedans des pierres dont estoit basti une pointe de clocher à ChartresGa naar voetnoot14). Vostre recherche de la quantité composée de a, b, c, d, semble assez difficile si on vouloit y trouver quelque maniere generale. Mais je doute si elle est fort utile, parce que dans tout ce que j'ay jamais calculé, il ne me s'est offert de pareil probleme. La quantité peut-estre n'est pas la seule qui satisfasse dans vostre cas. Il y auroit aussi à considerer quandGa naar voetnoot15) le probleme est possible ou non. Si j'en avois besoin, j'y songerois d'avantage.La raison qui m'oblige de poser des atomes infrangibles est que ne pouvant m'accommoder, non plus que vous, MonsieurGa naar voetnoot16), du dogme Cartesien, que l'essence des corps consiste dans la seule etendueGa naar voetnoot17), je trouve qu'il est necessaire, a fin que | |
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les corps gardent leur figure, et qu'ils resistent aux mouvements les uns des autres, de leur donner l'impenetrabilité, et une resistence à estre rompus ou enfoncez. Or cette resistence il faut la supposer infinie, parce qu'il semble absurde de la supposer dans un certain degré, comme si on disoit qu'elle egale celle du diamant ou du fer, car cela ne peut avoir de cause dans une matiere, où d'ailleurs on ne suppose rien que l'etendue. C'est pourquoy j'ay tousjours trouvè que c'est une erreur à Mr. des Cartes, quand il veut que ses petites boules du 2 elementGa naar voetnoot18) se soient faites par l'abbattement des anglesGa naar voetnoot19) et eminences qu'avoient de petits corps cubiques ou autrement formez. Car s'il faloit quelque force pour surmonter la resistence que faisoient ces angles et eminences à estre rompues, par où croioit il pouvoir limiter, et à quoy faire monter cette resistence? Et s'ils n'en faisoient aucune, en sorte que ces corps se laissoient tronquer et ecorner à la seule rencontre d'autres particules, pourquoy ne se laissoient ils pas enfoncer aussi, comme de l'argille humide, et comment gardoient ils leur figure apres qu'elle estoit devenue spherique? L'hypothese de la duretè infinie me paroit donc tres necessaire, et je ne conçois pas pourquoy vous la trouvez si estrange, et comme qui infereroit un continuel miracle. Car pour la difficultè de l'union qui arriveroit par la rencontre de deux surfaces plattes, vous la resolvez vous mesmeGa naar voetnoot20), et vous n'avez qu'a regarder les | |
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grains de sable avec un microscope et à voir si vous y trouvez des surfaces exactement plattes. Et quand il y en auroit aux atômes, il faudroit encore leur application juste, quod in indivisibili consistit. Je vous prie de considerer ces raisons que je viens d'exposer, et de me dire comment vous concevez que les parties des corps tout simples et primitifs coherent. Seroit-ce par vostre motus conspiransGa naar voetnoot21) de ces mesmes parties considerées comme reellement séparées, et voudriez vous comprendre les corps simples aussi bien que les composez dans l'article de vos ob- | |
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jections contre Des Cartes? J'avoue que je ne comprens nullement comment vostre pensée puisse subsister, ni dans les uns ni dans les autres. Voulez vous que les particules d'une barre de fer aient au dedans un motus conspirans, et que, non obstant cela, on ne trouve pas que rien se derange dans cette barre? Qui peut entendre cela? Et pourtant vous dites que cette exposition de la cohesion satisfait ensemble à la raison et aux sens. J'ay une maniere d'expliquer la cohesion des corps composez qui depend de la pression de dehorsGa naar voetnoot22) et encore d'autre chose. Mais en voila desia assez sur ce sujet. Mr. de Beauval m'a prestè vos RemarquesGa naar voetnoot23) sur les 2 premieres parties des Principes de des Cartes, que j'ay examinées avec plaisir. Il y a ample matiere de contredire à ce Philosophe, aussi voit on venir des objections de tous costez. Pour ce qui est de ses demonstrations metaphysiques de Existentia Dei, animae non corporeae et immortalisGa naar voetnoot24), je n'en ay jamais estè satisfait. Nous n'avons nullement cette idée entis perfectissimi. Je n'approuve non plus son ϰριτήριον VeriGa naar voetnoot25), et suis d'acord avec vous dans la pluspart de vos raisonnemens, quoy que non pas dans tous. Mais il seroit trop long d'entrer dans cette discussion. Je vois que vous alleguez souvent ce que vous auriez escrit ailleurs. Entendez vous parler d'autres traitez que ceux qu'on a veu dans les Acta de Leipsich? Sur la matiere du mouvement j'ay bien des choses nouvelles et paradoxes à donner, que l'on verra, quand je publieray mes demonstrations des ReglesGa naar voetnoot26) de la Percussion, inserées autrefois dans les Journaux de ParisGa naar voetnoot27) et de LondresGa naar voetnoot28). | |
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Je communiquay ces demonstrations à nos Mrs. de l'AcademieGa naar voetnoot29) et j'en envoiay aussi quelques unes à la Societé RoyaleGa naar voetnoot30), dans les quelles j'emploiay avec autre chose cette conservatio virium aequalium et la deduction au mouvement perpetuel, c'est à dire à l'impossibleGa naar voetnoot31); par où vous refutez aussi les regles de des Cartes, qui estant reconnues partout pour fausses et estant posées sans fondement, ne meritoient pas la peine que vous prenezGa naar voetnoot32). A ce que Mr. de Beauval m'a dit, vous souhaitteriez que vos remarques fussent adjoutées dans quelque nouvelle edition des Principes de des Cartes, à quoy je ne scay si les libraires voudroient consentir, parce que cela ne serviroit nullement à recommander cette Philosophie ni son Autheur. Elle seroient mieux avec le Voiage de Des CartesGa naar voetnoot33) que vous aurez lu, ou avec l'examen de Mr. HuetGa naar voetnoot34). Vous pourriez aussi fort bien les faire imprimer à part, en y faisant un titre et quelque peu de PrefaceGa naar voetnoot35). Ou si vous vouliez que le volume devint plus gros, vous n'auriez qu'a examiner de mesme la 3me et 4me Partie, auxquelles il y a pour le moins autant à reprendre, et encore les meteoresGa naar voetnoot36). Il semble que des Cartes ait voulu decider sur toutes les matieres de Physique et Metaphysique, sans se soucier s'il disoit vray ou non. Et peut-estre cela n'est pas inutile d'en user ainsi à des personnes qui se sont acquis une grande reputation d'ailleurs, parce qu'ils excitent d'autres à trouver quelque chose de meilleur. Il s'est abstenu pourtant de toucher à la production | |
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des plantes et des animaux, sans doute parce qu'il n'a pas vu moien de les faire naitre du mouvement et de la figure des particules, ainsi que le reste des corps qu'il considere. Il me tarde de voir quelle a estè vostre correspondance avec Mr. PelissonGa naar voetnoot37), que Mr. de Beauval m'a dit devoir paroitre au jour. J'aime à voir le raisonnement de ceux qui excellent dans les Mathematiques, sur quelque matiere que ce soit, et je pourray un jour vous en proposer quelqu'uneGa naar voetnoot38). Je suis avec une parfaite estime et affection etc. |
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