Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695
(1905)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 2727.
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de tout reproche. Et comme mon malheur n'est pas fort grand, il m'est aisé de practiquer en cette rencontre les regles de Cardan de utilitate ex adversis capiendaGa naar voetnoot3). Je veux pourtant dire quelque chose à vos raisons. J'avois promis de vous donner la solution d'un certain probleme et vous me promistes en échange la solution d'un autre par la methode de M. Facio. J'ay satisfait à ma promesse, car je puis dire en verité, que pour le resoudre, je n'eus besoin que precisement de ce que j'ay mis dans mon papier, car je reduisis le probleme à une quadrature qui me paroissoit sauter aux yeux, sans avoir besoin d'une methode particuliere pour les quadratures, je devois donc attendre quelque chose de reciproque. Il est vray que cette methode est bornée, mais ne mandâtes vous pas, Monsieur, que celle de M. Facio l'est aussi? Si on me donnoit un probleme du sixieme degré à resoudre, et que je l'eusse reduit à une equation du cinquieme degré, qui fut divisible en cette rencontre, on auroit tort de me demander une methode generale de donner les racines du cinquieme degré; parce qu'elles ne sont pas tousjours divisibles. Il me semble qu'on devroit se contenter de la Methode, que j'aurois donnée de reduire au cinquieme degré une infinité des cas du sixieme. Si vous ou M. Facio avés déja sçu avant mon papier cette methode de reduire aux quadratures tous les problemes que j'y enseigne d'y reduire, j'avoue que Vous n'aurés rien appris de nouveau. Mais il me semble que vous ne dites pas cela. Et moy j'estime assés cette methode, ou cette vuë, pour quitter de bon coeur la pensée de la troquer contre celle de M. Facio. Si quelqu'un peut donner l'art de reduire tousjours la Converse des Tangentes aux Quadratures il donnera ce que je souhaitte le plus en cette matiere, et je donneray volontiers en échange ma methode des quadratures. Quoyque j'aye une autre Methode qui reussit lors que la courbe, dont la proprieté des tangentes est donnée depend de la Geometrie ordinaire, j'aime pourtant mieux la voye des quadratures, parce qu'elle sert tant pour les courbes transcendantes que pour les ordinaires. Je m'estonne que mes caracteres vous pouvoient encor paroistre difficiles puisque Vous aviés déja compris les elemens de ce calculGa naar voetnoot4), que j'avois donné dans les Actes de Leipzig. Je m'etonne aussi que vous avez crû d'apprendre de moy la Methode de trouver la courbe dont il s'agissoit independamment des quadratures, puisque vous sçaviés déja par mes precedentes, que j'aimois à me servir de la voye des quadraturesGa naar voetnoot5). Et puisque vous aviés voulu vous charger de recevoir quelque chose de la part de M. Fatio, j'avois droit de croire | |
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que Vous seriés autorisé de donner reciproquement. Et c'est pour tout cela que cet échange par l'entremise d'un tiers auroit esté le plus raisonnable. Enfin vous dites que puisque je ne donne qu'une partie de ma methode, il n'est pas juste que je reçoive celle de M. Facio toute entiere. Mais je reponds, que cette partie de la mienne vaut peut-estre bien la sienne toute entiere. Et c'est assés qu'elle suffit dans une infinité de rencontres et mêmes dans les transcendentes, ou la sienne et aucune autre donnée jusqu'icy n'avoit servi. Pour ne pas dire, qu'encore la methode de M. Facio est divisible en parties, puisque vous me mandâtesGa naar voetnoot6) qu'a force d'y mediter depuis il l'avoit poussée bien avant. Mais quelle qu'elle puisse estre, je desire que la mienne ne soit plus communiquée en échange. Je me souviens qu'autres fois lors que je consideray la cycloide, mon calcul me presenta presque sans meditation la pluspart des decouvertes qu'on a faites la dessus. Car ce que j'aime le plus dans ce calcul, c'est qu'il nous donne le même avantage sur les anciens dans la Geometrie d'Archimede, que Viete et des Cartes nous ont donné dans la Geometrie d'Euclide ou d'Apollonius; en nous dispensant de travailler avec l'imagination. Je viens maintenant à vôtre precedenteGa naar voetnoot7), je crois bien que Vous avés vû [que]Ga naar voetnoot8) le cercle qui se decrit du point de la courbe evolue, et dont le rayon est la moindre droite qu'on peut mener de ce point à la courbe decrite; mais peut-estre n'aviés vous pas songé d'abord à le considerer comme la mesure de la courbure, et moy lorsque j'avois consideré le plus grand cercle qui touche la courbe interieurement comme la mesure de la courbure ou de l'angle de contact, je ne m'etois pas avisé de songer aux evolutions. Je conçois fort bien que vôtre maniere de reduire la chainette à la quadrature de l'Hyperbole est differente des nostres. Je tascheray de publier un jour ma methode des reductions, qui est generale intra certos limites. Je les ay déja franchis mais je n'ay pas encore eu le loisir de pousser la chose, et c'est ce que je souhaiterois de faire avant que de la publier. Quand j'avois parlé de querelle, il me semble que mes paroles marquoient assés que je ne la mettois pas au nombre de celles qu'on prend à coeur, aussi l'appellay je (ce me semble) petite querelle. Quand M. Bernoulli avoit envoié a Messieurs de Leipzig, ce qu'il donnoit sur la loxodromie, il n'avoit pas encor vû ce que j'avois donné la dessus. J'ay vû autres fois les Exercitations de Jacobus Gregorius, et peut-estre que vous me les aviés monstrées vous mêmeGa naar voetnoot9). Mais il faut que je n'aye pas consideré | |
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alors avec attention ce qu'il avoit dit de la loxodromie, car il ne m'en estoit resté aucune idée. Il est seur qu'Albert Girard estoit un grand Geometre pour son temps; et il se peut qu'il ait remarqué quelque rapport entre les Logarithmes et les Loxodromies. Quand même on a trouvé les regles parfaites, je ne laisse pas d'estimer les moins parfaites sur des matieres difficiles, parce qu'elles peuvent servir en d'autres cas; c'est pourqnoy je trouve que vôtre methode pour la somme des secantes meriteroit encor d'être publiée avec sa demonstration. La remarque du defaut des Tables des Snellius est considerable. J'avois mis autres fois dans mon traité de la Quadrature Arithmetique la quadrature de l'espace de la Logarithmique par la soutangente ou par le quarré de l'Hyperbole, qui en resulteGa naar voetnoot10). Mais suivant mon calcul il me semble que ce sont des choses qui s'entendent presque d'elles mêmes. Car dans la Logarithmique est dy = y/a dx; donc les dx (elemens de l'abscisse x) estant constantes, les dy (elemens de l'ordonnée y) sont proportionelles aux y, et par consequent les y sont en progression geometrique lorsque les x sont en progression arithmetique. C'est à dire les x sont les Logarithmes des y. Donc la courbe est la Logarithmique. Or cette même equation fait connoistre, que dx = ady/y, ou x = a∫ dy/y ou=a∫dy:y, ce qui fait voir comment cette même Logarithmique depend encor de la quadrature de l'Hyperbole et comment sa soutangente a se rapporte à cette hyperbole. Quand je parle de la perfection de la Geometrie et de l'Arithmetique, je l'entends avec quelque latitude. Je crois qu'on pourroit parvenir à pouvoir donner tousjours la methode des solutions, ou à en demontrer l'impossibilité mais ce ne sera pas toujours par les meilleures voyes. Par exemple il faudroit qu'on pût tousjours trouver s'il est possible de resoudre les problemes semblables à ceux de Diophante en nombres rationaux, ou de donner des Quadratures par la Geometrie ordinaire. Et je croy que cela se peut tousjours. Mais quant au point de trouver les chemins les plus courts je croy que les hommes auront encor à chercher pour long temps. Je n'ay rien encor vû de M. Rolle, si non dans le Journal des SçavansGa naar voetnoot11). Je suis de vôtre sentiment, qu'il faudroit suivre les projets de Verulamius sur la physique en y joignant pourtant un certain art de deviner, car autrement on n'avancera gueres. Je m'etonnerois si M. Boyle qui a tant de belles experiences, ne seroit arrivé à quelque theorie sur la Chymie, apres y avoir tant | |
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medité. Cependant dans ses livres et pour toutes consequences qu'il tire de ses observations, il ne conclut que ce que nous sçavons tous sçavoir, que tout se fait mecaniquement. Il est peut-estre trop reservé. Les hommes excellens nous doivent laisser jusqu'à leur conjectures, et ils ont tort, s'ils ne veuillent donner que des verités certaines. Cela soit encor dit à Vous même, Monsieur, qui avés sans doute une infinité de belles pensées sur la Physique. Il me tarde de voir dans l'Histoire des ouvrages des Sçavans, ce que Vous y donnés sur la Musique; et je vous répond, que Messieurs de Leipzig seront ravis de mettre dans leur Actes ce que vous leur donnerés sur quelque matiere que ce soit. Il me semble que Mr. Bernoulli a des pensées un peu embarassées sur le centre d'oscillation, et je m'etonne qu'il se peut figurer que cette perte du mouvement, qu'il y trouve est employée sur l'axe bien que cette perte doit avoir lieu quand on suppose l'axe absolument inebranslable, ou il ne patit point. Je ne crois pas qu'après ce que vous avés donné sur cette matiere on ait besoin de chercher d'autres demonstrations. Qui est ce Mr. de l'Hospital dont parle M. Bernoulli? Que dites vous Monsieur, d'un petit livreGa naar voetnoot12) d'un nommé M. EisenschmidGa naar voetnoot13) de la figure de la terre il pretend prouver en comparant les differentes mesures de la terre données en des latitudes differentes (qu'il juge n'estre pas si fautives qu'on croyoit) que l'axe de la terre est le plus long diametre de la sphaeroide, au lieu que, selon VousGa naar voetnoot14) et Mons. NeutonGa naar voetnoot15), elle seroit plus enflée sous l'equateur. On m'a dit qu'un certain hommeGa naar voetnoot16) avoit proposé les longitudes et que vous aviés esté commis pour examiner sa proposition. Il me semble qu'on deuvroit surtout songer à pousser à bout ce qui se peut faire par vos horloges. Je vous avois prié un jourGa naar voetnoot17) de quelques observations sur les couleurs, que Mr. Newton vous avoit communiquées. Au reste je souhaitte que cette année vous soit heureuse avec une longue suite d'autres. Je suis faché que Mr. Roberval | |
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a plus vecu que Mr. des CartesGa naar voetnoot18). C'est pourquoy vous devés songer Monsieur, combien il nous importe de vous garder. Je suis avec passion.
Monsieur Vostre tres humble et tres obeissant serviteur Leibniz. |
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