Selon le compte qu'il faisoit, il doit vous avoir vu depuis son retour en Allemagne et estre passé en suite chez luy à Leipsich. J'ay taschè depuis ma dite lettre d'entendre vostre calculus differentialis, et j'aytant fait que j'entens maintenant, mais seulement depuis 2 jours, les exemples que vous en avez donnez, l'un dans la Cycloide, qui est dans vostre lettre, l'autre dans la recherche du Theoreme de Mr. Fermat, qui est dans le Journal de Leipsich de 1684Ga naar voetnoot4). Et j'ay mesme reconnu les fondements de ce calcul et de toute vostre methode, que j'estime estre tres bonne et tres utile. Cependant je crois encore d'avoir quelque chose d'equivalent, comme je vous ay escrit dernierement, et la raison qui me le persuade, c'est non seulement la solution que je trouvay de vostre Problème de la Ligne courbe pour la descente egaleGa naar voetnoot5), mais aussi l'examen, que j'ay fait de la Tangente d'une autre Courbe fort composée, dont vous m'envoiastes la constructionGa naar voetnoot6) il y a desja plusieurs années. Car par ma methode je trouve cette mesme construction et toutes les autres dans les lignes qui se forment de mesme, sans que les quantitez irrationelles m'embarassent, et a tout cela je ne me sers d'aucun calcul extraordinaire ni de nouveaux signes. Mais pour juger mieux de l'excellence de vostre Algorithme, j'attens avec impatience de voir les choses que vous aurez trouvées touchant la ligne de la corde ou chaine pendante, que Mr. Bernouilly vous a proposee a trouverGa naar voetnoot7), dont je luy sçay bon gré, parce que cette ligne renferme des proprietez singulieres et remarquables. Je l'avois considerée autrefois dans ma jeunesse, n'ayant que 15 ans, et j'avois demontré au Pere Mersenne que ce n'estoit pas une Parabole, et quelle maniere de pression il faloit pour faire la paraboleGa naar voetnoot8). Cela a fait que j'ay estè tentè maintenant d'examiner le Probleme de Mr. Bernouilly, et voicy le chifre de ce que j'y ay trouvéGa naar voetnoot9). Je l'ay escrit en sorte que vous pourrez a peu pres l'interpreter
| |
de quoy Mr. D.T. pourroit bien estre cause, qui depuis mon livre imprimè, a fait inserer dans ce Journal quelque chose touchant la ligne de reflexion du miroir concave, qui se trouve de mesme chez moyGa naar voetnoot13), et que j'avois proposè dans l'Academie a Paris il y a plus de 12 ans. Il me souvient qu'en ce temps là je montray a Mr. D.T. quelques figures de ces lignes de reflexion et refraction, et je crois, que de là vient la ressemblance de nos inventionsGa naar voetnoot14), mais que cela soit dit entre nous s'il vous plait. Il est peut estre desia faschè contre moy, quoy que j'aye plus grande raison de l'estre contre luy, pour n'en avoir pas usè civilement a mon endroit, lorsque je luy eus envoiè quelques remarques sur sa Medicina mentis et corporisGa naar voetnoot15). Cela n'empesche pas que je n'estime son esprit et son scavoir, et s'il peut montrer qu'il a veritablement trouvè ce qu'il a avancè touchant l'invention des quadratures, ou de leur impossibilitèGa naar voetnoot16), je diray qu'il a fait une des belles decouvertes qu'on puisse faire dans la geometrie. Honorez moy d'un mot de response et croiez que je suis entierement
Monsieur
Vostre tres humble et tres obeissant seruiteur Hugens de Zulichem. |
-
voetnoot1)
- Leibnizens Mathematische Schriften, Band II, p. 46, et Der Briefwechsel von G.W. Leibniz, p. 598.
-
voetnoot2)
- Chr. Hugenii Exercitationes Mathematicae etc. Fasc. I, p. 29.
Nous suivons le texte de Gerhardt, qui d'ailleurs diffère peu de celui de la minute. Celle-ci porte la date du 10 octobre.
-
voetnoot3)
- Dans le livre G des Adversaria, p. 57 recto, on trouve notées plusieurs communications faites oralement par Spener à Huygens. Elles portent la suscription: Communicata a Dno. Joh. Jacobo Spener Saxone 7 sept. 1690. Il y est fait mention d'une masse d'argent de la valeur de 22 millions qu'on aurait trouvée, il y a 400 ans, dans les mines de Meissen, de la composition du soufre propre à couler les boules de Guericke pour les expériences électriques (13 grains de sal tartaris sur une livre de soufre), d'une expérience pour faire luire de la poudre très divisée de soufre en la projetant sur une barre de fer modérément chauffée, de la construction d'un four chimique à fort tirant d'air, qui emporte les vapeurs nuisibles des métaux, de la forme cristalline du basalte, de la cristallisation arborescente qui se développe sur des gouttelettes de mercure déposées au fond d'une solution d'une demi once d'argent dans l'eau forte étendue d'une livre d'eau. Selon Spener les montagnes de Meissen sont composées entièrement de pierres de 6 à 3 pieds, ou moins encore, dont les angles s'adaptent les uns aux autres si étroitement qu'on ne trouve dans les interstices qu'un peu de terre grasse; les cristaux ne croîtraient que dans quelques cavités souterraines, dans
lesquelles se trouve l'eau qui apporte les matières solides, lesquelles, par quelque précipitation, font naître et augmenter les cristaux. De même, les veines de métal naîtraient dans les cavités. Spener avait dit aussi que dans les mines près de Freiburg, nommées Hoghe Bircke, où l'on trouve de l'étain, il était descendu jusqu'à une profondeur de 2400 pieds.
Au même endroit du livre G des Adversaria on rencontre une expérience de Spener, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir dans une note de la lettre de Huygens à Leibniz, du 18 novembre 1690.
-
voetnoot7)
- Le problème de la chaînette fut
proposé par Jacques Bernoulli dans les ‘Acta’ du mois de mai 1690, à la fin de l'article cité dans la pièce No. 2491, note 2.
Il fut énoncé dans les termes suivants:
‘Problema vicissim proponendum hoc esto: Invenire, quam curvam refer at funis laxus et inter duo puncta fixa libere suspensus. Sumo autem funem esse lineam in omnibus suis partibus facillime flexilem.’
-
voetnoot9)
- Voir, pour l'explication de ce chiffre, l'Appendice I, et, pour la manière dont les théorèmes qu'il renferme, ont été déduits par Huygens, l'Appendice II de cette lettre. Ce dernier Appendice contient la solution du problème de la chaînette, telle que Huygens l'avait composée vers la fin de septembre 1690, ‘sans beaucoup de peine et dès les premiers jours’. Voir sa lettre à Leibniz du 1er septembre 1691.
-
voetnoot10)
- Voir l'article des Acta de juillet 1690, intitulé: ‘Ad ea, quae Vir Clarissimus J.B. mense Majo nupero in his Actis publicavit, Responsio’. Dans cet article Leibniz répondit à l'appel de Jacques Bernoulli qui, en posant le problème de la chaînette, s'était adressé plus particulièrement à ‘l'auteur du calcul différentiel’, dans les termes suivants: ‘Paulo autem implicatius est hoc problema illo priore meo’ (le problème de la courbe isochrone; voir la pièce No. 2489) ‘et singularem quendam Methodi nostrae usum ostendet; itaque operae pretium putavi, ante publicationem solutionis meae dare spatium aliis quoque exercendae artis. Hoc enim velut lapide lydio cognoscemus optimas Methodos; quod plurimum refert ad scientiae perfectionem: praesertim cum hic non prolixo calculo, sed artificio tantum sit opus. Inprimis autem Nobilissimus D.T. qui praeclara in hoc genere spondet (vid. Act. Feb. hujus anni p. 68, 69) rogandus est, ut suae quoque Methodi vires hic experiri velit. Quod si ante anni exitum nemo solutionem a se repertam esse significabit, ego meam Deo volente dabo’. Comme on sait, von Tschirnhaus n'a pas répondu à ce défi. Des solutions furent envoyées, dans le délai fixé, par Jean Bernoulli et par Huygens. Elles parurent avec celle de Leibniz dans les ‘Acta’ de juin 1691.
-
voetnoot11
- Leibniz a annoté ici: ‘il faut écrire ⅙ ec au lieu de ⅔ ec suivant la lettre du 19 novembre de cette année’, (voir la Lettre de Huygens à Leibniz du 18 novembre 1690).
-
voetnoot12)
- Un exposé assez étendu du Traité de la lumière et du Discours sur la cause de la pesanteur a paru dans les ‘Acta’ d'octobre et de novembre 1690. On peut consulter encore, sur les raisons qui firent attribuer par Huygens ce retard à von Tschirnhaus, l'Appendice III de cette lettre, la pièce No. 2626.
-
voetnoot14)
- Consultez les annotations de Huygens, datées du 7 avril 1691, que nous reproduisons comme Appendice III de cette lettre.
-
voetnoot15)
- Voir la Lettre No. 2452 et la réponse de von Tschirnhaus, notre No. 2457. Il est toutefois difficile de comprendre comment cette réponse pouvait être qualifiée comme incivile; mais peut-être s'agit-il plutôt des remarques de von Tschirnhaus, communiquées par P. van Gent à Huygens, dans la Lettre No. 2471, qui se rapportaient aussi à une erreur commise par von Tschirnhaus dans la ‘Medicina mentis’.
-
voetnoot16)
- Consultez l'article de von
Tschirnhaus d'octobre 1683, cité dans la Lettre No. 2324, note 19. Les assertions contenues dans cet article avaient souvent été renouvelées par von Tschirnhaus sous des formes plus ou moins explicites dans divers articles des ‘Acta eruditorum’, dans lesquels, toutefois, l'explication complète était différée à des occasions futures.
|