Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690
(1901)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 2628.
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à Paris, j'espererois qu'il me pourroit servir en Physique comme vôtre premier present me fit avancer en Geometrie. Mais je suis distrait par des occupations bien differentes qui semblent me demander tout entier. Et ce n'est que par échappades que je puis m'en écarter quelques fois, cependant le plaisir et l'utilité qu'il y a à communiquer avec vous me fait profiter de l'occasion. J'ay lù vôtre ouvrage avec la plus grande avidité du mondeGa naar voetnoot5); je l'avois fait chercher à Hambourg il y a déjà quelques mois, mais on me manda, que quelque peu d'exemplaires qui y estoient venus estoient déjà disparus. L'usage que vous faites des ondes pour expliquer les effects de la lumiere m'a surpris, et rien n'est plus heureux que cette facilité, avec laquelle cette ligne qui touche toutes les ondes particulieres et compose l'onde generale satisfait aux loix de reflexion et de refraction connues par l'experience. Mais quand j'ai vû que la supposition des ondes spheroidales vous sert avec la même facilité à resoudre les phenomenes de la refraction disdiaclastique du cristal d'Islande, j'ay passé de l'estime à l'admiration. Le bon Pere PardiesGa naar voetnoot6) parloitaussi d'ondes, mais il estoit bien éloigné de ces considerations comme vous avés remarqué vous même p. 18. où vous dites qu'on le pourra voir si son écrit a esté conservé. Mais sans chercher cet écrit on le pourra juger par un petit livre de dioptrique du Pere AngoGa naar voetnoot7) | |
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Jesuite, qui avoue d'avoir eu les papiers du P. Pardies entre les mains, et d'en avoir puisé la consideration des ondes. Mais lors qu'il pretend d'en tirer la regle des sinus pour la refraction (car c'estoit là, où je l'attendois), il se trompe fort, ou plustost il se mocque de nous en forgeant une demonstration apparente qui suppose adroitement ce qui est en question. Je voudrois que vous eussiés voulû nous donner au moins vos conjectures sur les couleurs et je voudrois sçavoir aussi quelle est vôtre pensée de l'attraction que M. Newton reconnoist après le P. GrimaldiGa naar voetnoot8) dans la lumiere à la p. 231 de ses PrincipesGa naar voetnoot9), item quelles sont les experiences nouvelles sur les couleurs que M. Newton vous a communiquées, si vous trouvés à propos d'en faire part. Le crystal d'Islande n'a-t-il rien fourni de particulier sur les couleurs? Apres avoir bien consideré le livre de M. Newton que j'ay vû à Rome pour la premiere fois, j'ay admiré comme de raison quantité de belles choses qu'il y donne. Cependant je ne comprends pas comment il conçoit la pesanteur, ou attraction. Il semble que selon luy ce n'est qu'une certaine vertu incorporelle et inexplicable, au lieu que vous l'expliqués tres plausiblement par les loix de la mecanique. Quand je faisois mes raisonnemens sur la Circulation harmoniquéGa naar voetnoot10), c'est à dire, reciproque aux distances, qui me faisoit rencontrer la regle de Kepler (du tems proportionel aux aires), je voyois ce privilege excellent de cette espece de circulation: qu'elle est seule capable de se conserver dans un milieu qui circule de même, et d'accorder ensemble durablement le mouvement du solide et du fluide ambiant. Et c'estoit là la raison Physique que je pretendois donner un jour de cette circulation, les corps y ayant esté determinés pour mieux s'accorder ensemble. Car la circulation harmonique seule a cela de propre que le corps qui circule ainsi, garde precisement la force de sa direction ou impression precedente tout comme s'il estoit mû dans le vuide par la seule impetuosité jointe à la pesanteur. Et le même corps aussi est mû dans l'ether comme s'il y nageoit tranquillement sans avoir aucune impetuosité propre, ny aucun reste des impressions precedentes, et ne faisoit qu'obeïr absolument à l'ether qui l'environne, quant à la circulation (le mouve- | |
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ment paracentrique mis à part), car comme j'avois monstré dans les Actes de Leipzig, p. 89 au mois de Ferier 1689, la circulation D1M2 ou D2M3Ga naar voetnoot11) estant harmonique, et M3 L parallele à ☉ M2, rencontrant la direction precedente M1M2 prolonguée en L, alors M1M2 est égale à M2L (ou à GM1Ga naar voetnoot12) le graveur a oublié la lettre G entre T2 et M2 marquée dans ma description) et par consequent la direction nouvelle M2M3 est composée tant de la direction precedente M2L jointe à l'impression nouvelle de la pesanteur, c'est à dire à LM3, que de la velocité de circuler de l'ether ambiant D1M3Ga naar voetnoot13) en progression harmonique jointe à la velocité paracentrique déjà acquise M2D1Ga naar voetnoot14) en progression quelconque. Mais quelque autre circulation qu'on suppose hors l'harmonique, le corps gardant l'impression precedente M2L ne pourra pas observer la loy de la circulation D1M2 que le tourbillon ou l'ether ambiant luy voudra prescrire, ce qui fera naître un mouvement composé de ces deux impressions. C'est pourquoy les corps circulans tant liquides que solides après bien des combats et contestations ont esté enfin reduits à cette seule espece, où ils s'accordent avec ceux qui les environnent, et où chacun ne va que comme seul ou comme dans le vuide. Cependant je ne m'estois pas avisé de rejetter avec M. Newton l'action de l'ether environnant. Et encor à present je ne suis pas encor bien persuadé qu'il soit superflu. Car bien que M. Newton satisfasse quand on ne considere qu'une seule planete ou satellite, neantmoins il ne sçauroit rendre raison par la seule trajection jointe à la pesanteur, pour quoy toutes les planetes d'un même systeme vont à peu pres le même chemin et dans le même sens. C'est ce que nous ne remarquons pas seulement dans les planetes du soleil, mais encor dans celles de Jupiter et dans celles de Saturne. C'est une marque bien evidente, qu'il y a quelque raison commune qui les y a determinées, et quelle autre raison pourroit-on apporter plus probablement, que celle d'une espece de tourbillon ou matiere commune, qui les emporte? Car de recourir à la disposition de l'auteur de la nature, cela n'est pas assés philosophique, quand il y a moyen d'assigner des causes prochaines; et il est encor moins raisonnable d'attribuer à un hazard heureux cet accord des planetes d'un même systeme, qui se trouve dans tous ces trois systemes, c'est a dire dans tous ceux qui nous sont connus. Il m'etonne aussi que M. Newton n'a pas songé à rendre quelque raison de la loyde la pesanteur, où le mouvement Elliptique m'avoit aussi mené. Vous | |
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dites fort bien, Monsieur, pag. 161Ga naar voetnoot15) qu'elle merite qu'on en cherche la raison. Je seray bien aise d'avoir vôtre jugement sur ce que j'avois pensé là dessus, et que j'avois gardé pour une autre fois, quand j'avois donné mes premieres pensées dans les Actes comme j'ay declaré sur la fin. En voicy deux voyes, vousjugerés laquelle vous semble preferable, et si on les peut concilier: concevant donc la pesanteur comme une force attractive qui a ces rayons à la façon de la lumiere, il arrive que cette attraction garde precisement la même proportion que l'illumination. Car il a esté demonstré par d'autres que les illuminations des objets sont en raison reciproque doublée des distances du point lumineux, d'autant que les illuminations en chaque endroit des surfaces spheriques sont en raison reciproque des dites surfaces spheriques par lesquelles la même quantité de lumiere passe. Or les surfaces spheriques sont comme les quarrés des distances. Vous jugerés, Monsieur, si on pourroit concevoir, que ces rayons viennent de l'effort de la matiere qui tache de s'cloigner du centre. J'ay pensé encor à une autre façon qui ne reussit pas moins, et qui semble avoir plus de rapport à vôtre explication de la pesanteur par la force centrifuge de la circulation de l'ether, qui m'a tousjours parue fort plausible. Je me sers d'une hypothese qui me paroist fort raisonable. C'est qu'il y a la même quantité de puissance dans châque orbite ou circonference circulaire concentrique de cette matiere circulante; ce qui fait aussi qu'elles se contrebalancent mieux et que chaque orbe conserve la sienne. Or j'estime la puissance ou force par la quantité de l'effect, par exemple la force d'élever une livre à un pied est le quart de la force capable d'élever une livre à quatre pieds, à quoy on n'a besoin que du double de la vistesse; d'où il s'ensuit que les forces absolues sont comme les quarrés des vistesses. Prenons donc par exemple deux orbes ou circonferences concentriques; comme les circonferences sont proportionelles aux rayons ou distances du centre, les quantités des matieres de châque orbe fluide le sont aussi; or si les puissances de deux orbes sont égales, il faut que les quarrés de leur velocités soyent reciproques à lcur matieres, et par consequent aux distances; ou bien les velocités des orbes seront en raison reciproque soubsdoublée des distances du centre. D'ou suivent deux corollaires importans, tous deux verifiés par les observations. Le premier est, que les quarrés des temps periodiques sont comme les cubes des distances. Car les temps periodiques sont en raison composée de la directe des orbes ou distances et de la reciproque des velocités; et les velocités sont en raison soubsdoublée des distances; donc les temps periodiques sont en raison composée de la simple des | |
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distances et de la soubsdoublée des distances; c'est à dire les quarrés des temps periodiques sont comme les cubes des distances. Et c'est justement ce que Kepler a observé dans les planetes du soleil, et ce que les découvertes des satellites de Jupiter et de Saturne ont confirmé merveilleusement, suivant ce que j'avois vû remarqué par M. Cassini. L'autre Corollaire est celuy dont nous avons besoin pour la pesanteur, sçavoir que les tendences centrifuges sont en raison doublée reciproque des distances. Car les tendences centrifuges des circulations sont en raison composée de la directe des quarrés des velocités et de la reciproque des rayons ou distances. Or icy les quarrés des velocités sont aussi en raison reciproque des distances, donc les tendences centrifuges sont en raison reciproque doublée des distances justement comme les pesanteurs doivent estre. Voila à peu près ce que j'avois reservé à un autre discoursGa naar voetnoot16), lorsque je donnois mes essais au public, mais il y a de l'avantage à vous faire part des pensées qu'on a, puisque c'est le moyen de les rectifier. C'est pourquoy je vous supplie de me faire part de votre jugement la dessus. Après ces heureux accords vous ne vous étonnerés peutestre pas, Monsieur, si j'ay quelque penchant à retenir les tourbillons et peutestre ne sont-ils pas si coupables, que M. Newton les fait. Et de la maniere que je les conçois, les trajections mêmes servent à confirmer les orbes fluides deferans. Vous dirés peutestre d'abord, Monsieur que l'hypothese de quarrés des vistesses reciproques aux distances ne s'accorde pas avec la circulation harmonique. Mais la réponse est aisée: la circulation harmonique se rencontre dans châque corps à part, comparant les distances differentes qu'il a, mais la circulation harmonique en puissance (où les quarrés des velocités sont reciproques aux distances) se rencontre en comparant des differens corps, soit qu'ils décrivent une ligne circulaire, ou qu'on prenne leur moyen mouvement (cest à dire le resultat equivalent en abregé au composé des mouvemens dans les distances differentes) pour l'orbe circulaire qu'ils décrivent. Cependant je distingue l'ether qui fait la pesanteur (et peutestre aussi la direction ou le parallelisme des axes) de celuy qui defere les planetes, qui est bien plus grossier. Je ne suis pas encor tout à fait content des loix Elastiques qu'on donne, car il semble que l'experience ne s'accorde pas assés avec la regle, que les extensions des cordes (par exemple) sont comme les forces qui les tendent. C'est pourquoy j'en desire sçavoir vôtre sentiment. Quant à la resistence du milieu je crois d'avoir | |
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remarqué que les theoremes de M. NewtonGa naar voetnoot17) au moins quelques uns que j'avois examinés s'accordoient avec les miensGa naar voetnoot18). Ce qu'il appelle la resistence en raison doublée des velocités (en cas des temps égaux) n'est autre que celle, que j'appelle la resistence respective, qui m'est en raison composée des velocités et des elemens de l'espace, sans considerer si les temps sont pris égaux ou non, de sorte que je crois que je ne me suis point éloigné encor de ce que vous en avés donné; mais il me faudroit du temps pour y mediter. |
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