Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690
(1901)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 2627.
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couvre ce qu'on ne deméleroit pas si aisement par des notes vagues, comme sont des simples lettres. Je voy que M. Newton se sert des minuscules pour les differencesGa naar voetnoot4), mais quand on vient aux differences des differences, et au delà, commè il peut arriver, il faudra encor changer, de sorte qu'il me semble qu'on fait mieux de se servir d'une expression qui s'etend à tout. Cependant quand on est accoustumé à une methode on a raison de ne la pas changer aisement, quoyque on conseilleroit peut estre à d'autres, qui n'en ont encor aucune, de se servir de celle qui paroist la plus naturelle. Aussi sans quelque chose d'approchant de mon expression, je ne scay si on s'aviseroit d'exprimer les courbes transcendentes comme la Cycloide ou la quadratrice, par des equations entre x et y abscisse et ordonnée, ou il n'entre aucune inconnue que ces grandeurs ou leur affectionsGa naar voetnoot5). Mais peut estre qu'il y a aussi quelques avantages dans vostre expression qui me sont encor inconnus, et je seray ravi d'en estre instruit, estant plus porté a prositer de vos lumieres, qu'à vouloir contester avec vous. Je croy d'avoir trouvé les deux lignes que vous m'aviés proposées dans vostrelettre de Voorbourg. Appellant AB, x, CB, y et DB devant estre 2xxy - aax / 3aa - 2xy je trouve x3y/h = = b2xy/.Ga naar voetnoot6) où 2xy est l'exposant de la grandeur bGa naar voetnoot7). C'est une equation transcendente, ou les inconnues entrent dans l'exposant; h est une grandeur arbitraire, qui fait varier la courbe infinites fois; a est l'unité, et le logarithme de l'unité icy est o; et b est une grandeur dont le logarithme est l'unité. J'ay parlé quelques fois dans les Actes de Leipzig | |
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de ces equations à exposans inconnus, et quand je les puis obtenir, je les prefere à celles qui ne se forment que par le moyen des sommes ou differencesGa naar voetnoot8). Aussi peuvent elles estre toujours reduites aux equations differentielles, mais non pas vice versa. Je voudrois bien sçavoir si les lignes que vous m'avés proposées peuvent avoir quelque usage. En considerant vostre chiffre de la ligne de la chaine pendante, j'y trouve quelque rapport à mon calcul, mais aussi quelque difference. Car au lieu de l'equation xxyy = a4 - aayy, je voy dans mon calcul reduit à certains termes, xxyy = a4 + aayy, qui sert à arriver à la ligne de question, et quoyque cette ligne soit du nombre des transcendantes, je ne laisse pas (supposita ejus constructione) d'en pouvoir donnerGa naar voetnoot9) non seulement les touchantes, mais encor la dimension de la courbe, la surface du solide de sa rotation et la dimension de l'espace compris de la courbe et de l'axe; et le calcul m'offre tout cela comme de soy même. De la maniere que vous en parlés, Monsieur, je ne doute point que vous n'ayiez tout cela, et quelque chose de plus. Mais comme je me haste a present à vous repondre, je ne m'y arresteray pas presentement. Je n'ay pas non plus que vous, Monsieur, raison d'estre trop content de Mr. D.T. car il m'est arrivé plus d'une foy qu'il a oublié d'avoir vu aupres de moy des echantillons des choses qu'il a données par apres. Je m'estois avisé de forger des courbes indeterminées, designées par une expression generale, comme a + bx + + cy + dxx + exy + fyy etc. = o et de determiner par ce moyen s'il est possible de trouver des quadratrices ordinaires des courbes données, c'est à dire s'il y a moyen de trouver une quadrature generale de la courbe donnée pour toutes ses portions. J'en avois dit quelque chose à M. Tschirnhaus, et je sus surpris de voir plusieurs années apres, qu'il en parloit comme de son invention dans les Actes de LeipzigGa naar voetnoot10). Par malheur il poussa sa methode trop loin, il s'imagina de pouvoir demonstrer par là encor les impossibilités des quadratures particulieres. Mais je luy donnay une instance, qui l'obligea à chercher des faux fuyans assés estranges, et qui n'auroient pas servi, si j'avois voulu le pousserGa naar voetnoot11). J'avois aussi certaines notions | |
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philosophiques, que j'ay remarquées depuis dans sa Medicina Mentis. Considerant, par exemple, autrefeis la demonstration pretendue de M. Des Cartes sur l'existence de Dieu, qui a esté inventée premierement par S. Anselme, je voyois que l'argument est effectivement demonstratif, quand on accorde que Dieu est possible. Cela me fit remarquer, qu'on ne scauroit se fier sur une demonstration lors qu'on n'est pas asseuré de la possibilité du sujet. Car s'il implique contradiction ce qu'on demonstrera de lui, pourra estre vray et faux en mesme temps. Cela me donna occasion de faire cette distinction entre les definitions reelles et nominelles, que les nominelles se contentent de nous donner moyen de discerner ou reconnoistre la chose definie, si elle se rencontroit; mais les reelles doivent faire connoistre de plus, qu'elle est possible. Et je jugeay aussi que c'estoit là le moyen de discerner les idées vraies et fausses; ne demeurant pas d'accord du principe de M. Des Cartes, que nous avons l'idée des choses dont nous parlons, lors que nous nous entendons. Sur cette reflexion, qu'il faut tacher de connoistre les possibilités de notions, Mr. D.T. a basti une partie de sa Medicina Mentis. Je luy envoyay aussi des remarques apres la publication de son ouvrage, où je luy fis voir, que sa regle de determiner les tangentes par les foyers ne pouvoit reussir que rarement, dont je luy donnay un exemple. Je remarquay aussi que son denombrement des lignes courbes de chaque degré ne va pas bien. Je me mis à chercher une meilleure regle pour determiner les tangentes par les foyers et filets et je la trouvay; mais pour la publication, j'ay esté prevenu par Mr. Facio DuillierGa naar voetnoot12), dont je ne suis pas fort faché; car il me semble, qu'il a bien du merite. Je vous diray pourtant ma maniere: j'avois trouvé et demonstré ce principe general, que tout mobile ayant plusieurs directions à la fois, doit aller dans la ligne de direction du centre de gravité commun d'autant de mobiles qu'il y a de directions, si on s'imaginoit le mobile unique multiplié autant de fois pour faire reussir entierement, et en meme temps chacune; et que la vistesse du mobile dans cette direction composée doit estre à celle du centre de gravité de la siction, comme le nombre des directions est à l'unité. Cela posé, je consideray que le stile, qui tend les filets, peut estre conçu comme ayant autant de directions (egales en vitesse entre elles) qu'il y a de filets. | |
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Car comme il les tire il en est tiré. Ainsi sa direction composée, qui doit estre dans la perpendiculaire à la courbe, passe par le centre de gravité d'autant de points, qu'il y a de filets; qui sont les intersections d'un cercle (décrit du point de la courbe) avec les filets. Mais il est temps de finir, et de me dire, comme je le puis et dois, avec toute la sincerité et toute la reconnaissance possible
Monsieur
Vostre treshumble et tresobeissant seruiteur Leibniz.
P.S. Ne continuerés vous pas, Monsieur, de nous donner quelque chose de temps en temps du grand nombre des belles pensées que vous avés? Ne fait on pas quelques découvertes en Hollande ou en Angleterre? Mons. Hudde ne songet-il plus aux sciences? Mons. ArnaudGa naar voetnoot13) est il en Hollande?
a Hanover ce 3/13 d'octobre 1690. |
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