Oeuvres complètes. Tome VIII. Correspondance 1676-1684
(1899)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 2185.
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L'usage des lunettes d'approche, appliquees aux instruments, et celuy des horloges a pendule y servent a faire des observations incomparablement plus exactes et plus aisées, que n'ont esté celles des anciens et de Tycho Brahé, qui manquoient de ces deux inventions. L'on y a augmenté le nombre de nouvelles decouvertes dans les astres, par le moyen des grands Telescopes de 36 et 45 pieds que le Roy a fait venir de Rome en recompensant liberalement ceux qui les avoient faits. L'on a confirmé la verité de l'hypothese de l'anneau qui environne le globe de Saturne, le faisant paroistre souvent comme avec deux anses, et disparoissant a chaque 15me année. Et outre le satellite de cette planete qui avoit desià esté decouvert l'on en a remarquè encore deux autres moins grandes. L'on a observé et depeint avec beaucoup de soin le corps de la lune avec toutes ses taches et inegalitez semblables a nos montagnes. Les nouvelles estoiles, les cometes, les taches du Soleil quand il s'en est presentè, ont esté observées avec pareille diligence. Comme aussi les eclipses du Soleil et de la Lune, et surtout les eclipses de satellites de Jupiter dans l'ombre de cette planete, si utiles pour determiner les longitudes ou differences des meridiens de differents endroits de la terre. L'on a mesme trouvé dans ces Eclipses de quoy prouver par des raisons tres fortes que la lumiere ne traverse pas d'un lieu a un autre en un instant, comme des Cartes et plusieurs philosophes avec luy l'ont creu, mais que pour passer depuis le soleil jusqu'a nous il luy faut près d'un quart d'heure, et depuis les etoiles fixes peut estre 10 ou 12 ans, a raison de leur grande distance. L'on est apres (et c'est un des plus considerables travaux a quoy l'observatoire doit servir) à faire une description nouvelle du ciel ou toutes les estoiles fixes soient mises exactement dans leurs places, qui est le fondement de toute l'astronomie. Et a restablir sur les observations la theorie des planetes pour faire des Tables et des Ephemerides plus justes, qu'on n'a encore eues jusqu'icy. L'on a envoiè des horloges a pendule sur mer avec des personnes pour les gouverner, et pour essaier leur utilité a la mesure des Longitudes sur mer, estant constant, que si elles pouvoient aller dans les vaisseaux de mesme que sur terre, l'on auroit par la ce secret si utile et tant recherchè. Les derniers de ces essais n'ont par estez entierement sans succes, mais parce que les pendules souffrent necessairement de l'agitation d'un vaisseau, il y a plus d'esperance de reussir avec des balanciers avec un ressort spirale, mais construits en grand volume parce que la justesse croit a mesure, et il vaudroit bien la peine de faire cette espreuve. L'on a encore envoiè des personnes experimentées a la Caienne pour y faire des observations astronomiques aux quelles ce climat donne lieu. et pour celles qui demandent des observateurs en differents endroits de la terre, qui observent en mesme instant. Et pour se pouvoir servir avec plus de seurité des observations de Tycho Brahé l'on a donnè commission pour aller reconnoistre l'Isle de Huene ou ce celebre astronome a demeurè, estant necessaire d'en scavoir au juste la hauteur du pole | |
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et la distance d'entre le meridien de son observatoire dont a peine il reste des vestiges et celuy du nostre. La relation de ce voiage et celuy de la Caiene s'impriment presentement. L'on a mesurè avec beaucoup d'exactitude la grandeur de la Terre et l'on a trouvè sa circonference de 20541600 toises de Paris. Et afin de faire connoistre seurement cette mesure a la posteritè l'on a determinè par le moyen des pendules qui est une mesure durable a jamais la longueur de ces toises. L'on a construit une carte fort exacte des environs de Paris a quelques 10 lieues tout autour. L'on a fait faire des modelles de quantité de machines, qui sont en usage tant de moulins que de celles qui servent a l'elevation des eaux et a plusieurs autres usages. L'on a appliqué la geometrie a la recherche des causes dans les matieres physiques; estant receu presque par tous les philosophes d'aujourdhuy qu'il n'y a que le mouvement et la figure des corpuscules dont tout est composè qui produisent tous les effects admirables que nous voions dans la nature. La quelle opinion ayant estè grandement confirmée par la philosophie de des Cartes on ne s'est pourtant point attachè ni a ses sentiments ni a celle d'aucun autre philosophe pour donner rien a leur authoritè. Et mesme comme des Cartes faute d'experiences et d'assez meure consideration, s'est mepris en plusieurs choses l'on a expliquè quelques parties de la physique plus veritablement qu'il n'a fait. comme sont les loix du mouvement dans la rencontre du corps, le meteore des couronnes et des Parelies, et je puis dire la mesme chose pour ce qui est de la nature et des effects de la lumiere et des refractions, de quoy l'on verra comme je crois, des preuves dans le Traitè de Dioptrique que l'Academie examine presentement, et qui sera bientost mis au jour. Parmy les experiences et observations de Physique l'on en a fait quantitè par le moyen des microscopes qui ont depuis peu receu une augmentation considerable et une forme nouvelle. L'on a fait aussi les experiences qui concernent l'air par le moyen de la machine qui sert a le tirer hors des vaisseaux de verre qu'on y applique dessus, et ou l'on enferme toute sorte de sujects comme des animaux des liqueurs des fruits et plusieurs autres choses. Les quelles experiences et la pression et ressort de l'air qu'on prouve par leur moyen ont estè entierement inconnues dans le temps passez. Le Roy a fait venir pour l'usage de l'Academie un grand miroir concave de trois pieds de diametre, qui a la force, estant exposè au soleil de faire fondre en tres peu de temps du fer de la brique et tout ce qui resiste le plus au feu. Lequel miroir a servi a plusieurs autres experiences. Je n'entreray pas dans le detail de toutes les inventions et machines comme des niveaux de barometres, d'instruments astronomiques etc. qui sont toutes inserees dans les Registres. Je ne rapporterat point sussi ce que ceux de l'Academie ont mis au jour, les traitez de geometrie et d'autres sujects qu'ils ont escrits, ni les problemes qu'ils ont traitez et resolus. Je diray seulement qu'il y a de leur productions | |
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qui font assez voir qu'on scait beaucoup plus en geometrie que l'on n'a sceu dans tous les siecles dont nous ayons memoire. Les inventions que d'autres personnes qui n'estoient point de l'Academie avoient trouvées, et proposees au Roy ou a Monseignr. Colbert, ont estè souvent renvoirées a l'Academie, pour estre examinées, ce qui a esté fait, avec une entiere equitè, quoyque parfois les autheurs amoureux de leur imaginations [et] conceptions se soient plaints. L'on voit au reste que de l'institution de l'Academie il est entr'autres arrivé ce bien que tous les bons esprits de ce temps non seulement en France mais par toute l'Europe, se sont reveillez et encouragez soit par l'emulation soit par la consideration de la recompense qu'ils voient pouvoir esperer en se signalant par dessus les autres. Ce qui doit contribuer de plus en plus a l'accroissement des sciences que l'on peut dire qu'elles n'ont jamais esté cultivées de mesme ni n'estre montées a un tel degrè de perfection qu'elles le sont du temps du regne de Sa Majesté, par l'aide et la protection qu'elle leur donne. |
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