Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695
(1905)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 2785.
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de raisonner chaque fois qu'on escrit, sans esperer de response qu'apres 5 ou 6 semaines, lors qu'on a derechef oublié où on en estoit. Je repasseray pourtant sur les articles de vos responses sans m'etendre, et sans pretendre mesme que vous m'envoiez des repliques. Mais auparavant je repondray à ce que vous m'avez demandè, et vous diray que assurement il n'y a point de prix proposè par Mrs. les Estats à l'invention du mouvement perpetuel, quoyque je scache que plusieurs l'ont creu, parce que des gens peu scavans en ces matieres se sont imaginé que de cette invention s'ensuivoit celle des longitudes, qui est une consequence sans fondement. Du mouvement perpetuel ils esperoient un mouvement egal et de là des horloges justes, mais je voisGa naar voetnoot3) qu'avec des horloges tres justes, l'affaire des longitudes souffre encore trop de difficultè à cause des accidents, et du soin et de l'exactitude qu'il faut à les gouverner. Celuy pour qui est cette information ne doit pas entendre les principes de l'art, s'il croit pouvoir effectuer un tel mouvement mechanice, car pour physico-mechanice il semble tousjours qu'il y ait quelque esperance, comme en emploiant la pierre d'aimant. Je passe à vostre premiere lettre, où j'ay estè bien aise de voir que vous estes assez de mon sentiment en ce qui est de la cause de la Pesanteur. Mais quand vous dites que les efforts centrifuges de la matiere peuvent estre considerez comme des raions d'attraction qui partent du centre, à l'egard des corps qu'ils y font aller, je ne vois aucune raison de cette uniformitè, ni que par consequent elle puisse servir à prouver la proportion des pesanteurs double, renversée des distances du centre. La quelle d'ailleurs je tiens estre telle, tant à l'egard des planetes principales, qui pesent vers le soleil, qu'à l'egard des lunes qui pesent vers les planetes. Pour ce cours particulier de la matiere dans le Tourbillon du Soleil, qui serviroit à conserver le parallelisme à l'axe de la Terre, je le trouve peu compatible avec le mouvement circulaire de la mesme matiere en tous sens, qui fait la Pesanteur, et avec cela nullement nécessaire. Par ce que le globe terrestre estant de la grandeur qu'il est, l'axe de son mouvement doit naturellement garder le parallelisme, et il est assez difficile d'expliquer pourquoy il se detourne encore tant qu'il fait, suivant ce qui paroit par la Precession des Equinoxes. Car pour ce qui est de l'experience d'une boule qu'on jetteroit en l'air, je ne doute pas qu'elle ne fust contre vous, si on la pouroit jetter en sorte qu'on ne imprimast pas de circulation à l'axe. Ma raison pourquoy je crois que la rondeur de la goute d'eau est plustost causée par un mouvement au dedans, que par l'impulsion de la matiere autour, c'est que l'impulsion egale par dehors doit faire precisement le mesme effect à enfoncer les | |
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parties de la goute et à changer sa figure, que feroit la pression egale d'une matiere qui l'environnerait de tout costè. Mais par les principes de Mechanique une telle pression ne doit point causer du changement à la figure de la goute ni la rendre spheriqueGa naar voetnoot4), quoyque plusieurs le croient faussement; donc ce n'est pas l'impulsion de la matiere par dehors qui la reduit à cette figure. Je n'insiste plus à demander la conciliation du Tourbillon deferant avec les Ellipses de Mr. Newton, quoyque je ne la trouve point dans vostre dernier raisonnement. Plusieurs avec moy la croient impossible. Il est vray que ces Tourbillons à la maniere de des Cartes seroient commodes pour expliquer quelques phenomenes, comme, entre autres, pourquoy les Planetes circulent toutes d'un mesme sens; mais ils sont incommodes pour d'autres, sur tout pour l'excentricitè constante des mesmes Planetes et de leur acceleration et retardement veritable dans leurs orbes. Car, pour le premier, il semble que la matiere du tourbillon devroit il y a longtemps s'estre reduite à une conversion reguliere quant à la rondeur, et par consequent aussi les Planetes, puis qu'elles nagent dedans. Et pour le second, en posant que leur mouvement demeure excentrique, elles devroient dans leur aphelies et parelies s'accomoder à la vitesse du Tourbillon, ce qu'elles ne font pas, selon ce que je l'ay examinè autrefoisGa naar voetnoot5). Outre qu'il seroit mal aisè de dire comment les cometes peuvent passer si librement à travers un tourbillon capable d'emporter les Planetes, ce qui dans l'hypothese de Mr. Newton est sans difficultè. Croiez, je vous prie, Monsieur, que je ne me pique nullement de soutenir les opinions que j'ay une fois embrassées, mais que je ne cherche uniquement que quelques raions de verité, si nos disputes en pourroient mettre en evidence. J'ay fort considerè ce que vous dites au sujet de mes atomes de duretè infinie, scavoir | |
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que vous avouez bien, qu'il y auroit de l'absurditè à donner à tous les corps primitifs un certain degré de fermetè ou resistence à estre rompus, mais qu'il n'y a point d'absurditè de proposer differens degrez dans plusieurs corps, scavoir primitifs, car c'est de quoy il s'agit. Il me semble pourtant qu'il est plus aisè d'accorder la duretè parfaite et infinie pour tous, que cette varietè de forces pour differents corps. Car il est plus difficile de concevoir les raisons de ces differentes duretez, que d'en admettre une seule infinie. Ce seroit imaginer plusieurs especes de matiere premiere au lieu que je n'en ay besoin que d'une. Vous alleguez apres cela, comme une difficultè contre les atomes, l'adhesion qui se feroit par leurs surfaces plattes. Je respons qu'elles devroient avoir estez faites expres ces surfaces, ce que je ne vois pas pourquoy il auroit plustost lieu là, que dans le sable de la mer où l'on n'en trouve point. Et il ne me semble point du tout que ce soit un grand postulatum de vouloir qu'il n'y ait point d'atomes avec des surfaces plattes, mais qu'il le seroit d'avantage d'en supposer, puis qu'il faut une direction et intention expresse pour former une surface platte avec la derniere exactitude. Mais quand la dixieme partie des atomes seroient des cubes parfaits, l'application juste de leurs surfaces consistant in indivisibili, et ces corps estant en grand mouvement, je n'apprehenderois pas encore qu'ils s'allassent joindre à composer des masses. Vous trouvez encore un inconvenient en ce que les atomes ne seroient pas susceptibles des loix du mouvement, parce que deux egaux concourant directement avec forces egales, devroient perdre leur mouuement, puisqu'il n'y a que le ressort, dites vous, qui fasse rejailler les corps. Mais c'est ce que je ne crois nullement pour des raisons que je publieray un jourGa naar voetnoot6); et quelque explication que vous vouliez donner de la cause du ressort, vous seriez bien embarassè en posant que les derniers petits corps (car ceux qui font ressort sont composez) ne rejalissent point en se rencontrant, mais qu'ils demeurent joints, car de la s'en suivroit la perte de tout mouvement relatif dans la matiere de l'universGa naar voetnoot7). Ce qui me fait a moy le plus de peine dans la supposition des atomes, c'est que je suis obligè de leur attribuer à chacun quelque figure et qu'elle sera la cause de la varietè infinie de ces figures. mais quelle est la cause des differentes figures du sable de la mer, lequel j'admire toutes les fois que j'en regarde avec le microscope, chaque grain estant un caillou de cristal, qui ne croit ni ne diminue et a estè tel qui scait par combien de siecles. C'est que le Createur les a fait une fois naitre telles, et de | |
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mesmes pour les atomes. Au reste vous ne deviez pas m'attribuer que je conçois que le seul attouchement fait l'office d'un gluten, à rendre les corps composez fermes et durs, puisque j'avois ecrit dans ma lettre precedente que j'expliquois la cohesion des corps par une pression de dehors et par quelque autre chose. Laquelle pression je vois que vous emploiez de mesme. Ce que vous adjoutez du mouvement conspirant m'est tout à fait inintelligible. J'ay rendu à Mr. de Beauval vos notes sur des Cartes. Je pourray une autre fois vous parler des endroits ou je ne suis pas d'accord avec vous. Passons maintenant à la Geometrie, où il n'y a rien à contester. J'ay renouvellè depuis quelques moisGa naar voetnoot8) la correspondance avec Mr. le marquis de l'Hospital, à l'occasion d'un joli Probleme qu'il m'envoiaGa naar voetnoot9), qui estoit de trouver une ligne droite egale à la portion donnée de la ligne Logarithmique, sans autre aide que de la ligne mesme. Il avoit pris un detour pour cela, où il y avoit bien de subtilitèGa naar voetnoot10), et quoyque j'aye trouvè du depuis un autre chemin plus courtGa naar voetnoot11), je compte pour beaucoup qu'il ait inventè et tentè le premier ce probleme. Mais il est capable d'en resoudre de plus difficiles, et se sert adroitement de vostre nouveau Calcul. Il m'a envoièGa naar voetnoot12) les solutions de toutes les questions que cy devant je vous ay proposées touchant les quadratures et les soutangentes, me les ayant demandées expresGa naar voetnoot13). Et il en a souhaitè apres cela de plus difficilesGa naar voetnoot14). En quoy je n'ay pas manquè de le contenter, luy ayant envoiè depuis peuGa naar voetnoot15) ces 2 soutangentes pour trouver leurs courbes: aay+yyx/ax-yx-ay et yx3/3x3+3aay-2xyy. Il m'a demandè si j'avois quelque methode pour quand les soutangentes sont √ay+xx ou 2y3/yy+2yx-xxGa naar voetnoot16) ou yy-xy/a, qui est celle de la courbe de Mr. de BeauneGa naar voetnoot17), dont Mr. des Cartes fait mention dans sa 79.e lettre du 3.e volume. J'ay avouè que je n'en avois pointGa naar voetnoot18), et je tiens ces questions tres difficiles, dont je souhaite fort d'avoir vostre sentiment. Pour moy je ne veux pas me donner la peine de les chercher, parce que je crois que toute la difficultè est desia surmontée, soit par Mr. le Marquis luy mesme, soit par Mr. Newton, (dont on m'assureGa naar voetnoot19), | |
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que le Traitè la dessus est imprimè depuis peu dans le Traitè d'Algebre de Mr. Wallis), ou par vous, Monsieur, qui avez extrèmement approfondi cette matiere, où je ne suis que novice. J'ay pourtant rencontrè depuis quelque temps une source peu connueGa naar voetnoot20) mais que vous n'ignorez pas sans doute, d'où l'on peut tirer la solution de beaucoup de Problemes, qui regardent les Tangentes renversées, quadratures, centres de gravité etc. Elle donne sans peineGa naar voetnoot21) la quadrature que je vous ay proposée cy devant et celle de la courbe xxy-aay ∞ 2aaxGa naar voetnoot22), qui me l'a estè par Mr. le MarquisGa naar voetnoot23), avec plusieurs autres. Entre les quelles est aussi
la quadrature assez remarquable de la courbe dont l'equation est x3+y3∞ xynGa naar voetnoot24), que Mr. des Cartes raporte dans sa lettre 65 du 3.e vol., et qu'il a considerée, aussi bien que Mr. Hudde, pour autre chose. Je trouve que le contenu de la feuille A dans cette figure est ⅙ nn ou ⅓ du quarré de son diametre. Que l'espace infini B entre les continuations de la courbe et son asymptote, est encore de la mesme grandeur. Et qu'enfin la dimension generale des segments est aussi fort simple, qui s'exprime par un seul terme. Je vous entretiendray une autre fois d'une quadrature physico-mathematique de l'HyperboleGa naar voetnoot25) que j'ay rencontrée il n'y a guere, dont la speculation a quelque chose de plaisant. Ainsi vous voiez, Monsieur, que je ne cesse de mediter et d'apprendre tousjours quelque chose. J'ay lu avec plaisir vos lettres à Mr. PelissonGa naar voetnoot26), dans l'une desquelles vous dites assez fortement leurs veritez à Mrs. les Catholiques. On voit dans ses reponses comment ils emploient les douceurs, les louanges et tout ce qui peut servir pour tascher de vous attirer à leur parti, sans que je croie que cela vous tente le | |
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moins du monde, ne pouvant m'imaginer comment une personne d'esprit peut se soumettre à croire des absurditez et les niaiseries qu'enseigne cette Religion, ni comment un homme de bien peut approuver la cruautè dont elle use à contraindre et forcer les consciences. Je suis avec passion. |
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