No 1951.
Christiaan Huygens à H. Oldenburg.
24 juin 1673.
La lettre se trouve à Londres, Royal Society.
La minute se trouve à Leiden, coll. HuygensGa naar voetnoot1).
Elle est la réponse au No. 1946. H. Oldenburg y répondit par le No. 1954.
A Paris ce 24 juin 1673.
Monsieur
Je receus il y a trois jours la vostre du 2 juin, et j'ay estè bien aise d'y apprendre l'arrivée de mes exemplaires, de la distribution des quels je vous suis beaucoup obligè. Mais que veut dire que vous presterez le vostre a milord Brounker? aurois je fait une si lourde faute de ne luy en enuoier point, a qui je deuois avoir songez des premiers? Je vous ay pourtant envoyè 12 exemplaires et je ne scaurois me remettre a qui j'ay destinè le douzieme exemplaire que je vous ay envoyè, si Milord Brounker n'a pas estè du nombre. Quoy qu'il en soit je vous prie treshumblement, Monsieur, en cas qu'il n'y en ayt point eu pour luy, de l'asseurer que j'en ay beaucoup de confusion et que je ne manqueray pas de luy en envoier un par la premiere occasion, dont je pouray m'aviser. Il se pourroit faire, que j'eusse oubliè encore d'autres de mes amis, puisque j'ay estè assez estourdi, pour ne pas songer au president de la Societé Royale et vous m'obligerez s'il vous plait de m'en advertir.
Pour ce qui est de la demonstration que vous avez mise dans vostre Journal touchant l'isochronisme de la cycloideGa naar voetnoot2) il n'y a pas moyen d'y rien comprendre de la maniere qu'elle y est, de sorte qu'il faut bien attendre qu'on l'explique d'avantage, et mesme les figures qui y sont, et dont pourtant il n'est fait aucune mention, semblent indiquer que cette explication n'est que differée. Je me souviens que lors que j'eus communiquè chez vous par lettres l'invention de cette proprietè de la cycloide, Milord Brounker m'en envoya une demonstrationGa naar voetnoot3), et puis une autre meilleureGa naar voetnoot4), mais qui ne laissoit pas d'avoir encore quelqu'obscuritè pour moy, et ce sera cette derniere a ce que je puis juger qu'il aura voulu publier dans vostre Journal, c'est pourquoy, s'il en est besoing je rendray tousjours tes- | |
moignage que dès ce temps la il l'a trouvée. Mais a mon avis il ne s'agit pas en cecy de l'honneur de Milord Brounker, puisque ce n'est pas grande chose pour luy d'avoir fait la demonstration d'une proposition desia
trouvéeGa naar voetnoot5), ce que d'autres ont fait aussi comme le P. PardiesGa naar voetnoot6), de qui je ne puis m'empescher icy, de vous dire, que je regrette extresmement la perte. Le principal, et ce qu'il y a de plus difficile dans ces choses de Geometrie, c'est de les trouver comme scavent tres bien ceux qui s'en meslent.
Je ne scavois point, que Monsieur Hook avoit fait construire une pendule circulaire ni jamais on ne m'en a rien mandè mais bien de l'instrument que vous dites pour mesurer les temps des cheutes des corpsGa naar voetnoot7), Lorsque je vous envoyay ou a Monsieur le Chevalier Moray la cycloide divisée en tierces minutesGa naar voetnoot8). Monsieur Wren poura se souvenir, qu'estant a Londres (je ne scay si c'estoit a mon voyage de l'an 1663 ou a celuy d'auparavant)Ga naar voetnoot9) comme apres l'assemblée de la Societé Royale nous estions a faire collation a un cabaret la aupres avec plusieurs de ces Messieurs, je luy fis entendre cette invention d'horologeGa naar voetnoot10). De sorte que Monsieur Hook ne doibt pas soupçonner que je l'aye empruntée de luy. Mais parce que vous dites, que le temps des circuits, dans celuy qu'il auoit fait faire estoit reduit a l'egalité, je serois fort aise de scavoir de quelle maniere il s'y est
pris, car je ne pense pas que la proprietè de la paraboloide, dont je me suis servi pour cet effet, luy fust encore connue, la quelle depend de ces evolutions des lignes courbes, dont j'ay traittè dans mon livre de l'HorologeGa naar voetnoot11).
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dans ce dernier journalGa naar voetnoot17) comme aussi la description de son microscope, qui ne consiste qu'en une seule petite lentille, mais tres petite. Je ne scay si Monsieur Wallis et vos autres geometres ont examinè la Mechanique du P. Pardies, car apparemment ils vous auroient adverti, qu'il y a la dedans quelques demonstrations qui ne concluent pas fort bien, et mesme quelques paralogismes. Il avoit asseurement de meilleures choses a donner, et entre autres un petit traitè des Refractions qu'il m'a fait voir, et de belles speculations touchant le son et les flutes, trompettes &c. Je suis de tout mon coeur
Monsieur
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur Hugens de Zulichem.
Je n'ay pas maintenant assez de temps pour faire response a la lettre de Monsieur WallisGa naar voetnoot18) qui m'accuse à tort comme j'espere de luy faire avouer. |
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voetnoot1)
- Huygens en a lui-même gardé la copie, écrite d'une autre main que la sienne. Ce ne sont que les dernières phrases, à partir de celle où il est question de Leeuwenhoek, qui, dans la copie, sont écrites de sa main.
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voetnoot3)
- En février 1662. Consultez la Lettre No. 964, l'Appendice No. 965, et la critique de Huygens No. 976.
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voetnoot4)
- Consultez la Lettre No. 994 et l'Appendice No. 995. Sur cette dernière démonstration Huygens avait demandé des éclaircissements (voir la Lettre No. 1034) qui ne lui ont pas été donnés.
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voetnoot5)
- C'est bien le moindre reproche que Huygens pût faire à la prétendue démonstration de Lord Brouncker. De même que les deux précédentes (citées dans les notes 2 et 3), la démonstration, publiée sans nom d'auteur dans les Philosophical Transactions, est manquée, au point de ressembler à une mystification. Il suffira de dire que le temps de la descente le long d'un arc de cycloïde y est exprimé par le quotient d'une ligne par le carré d'une ligne. L'auteur ne donne aucun détail sur la manière dont il est arrivé à ce résultat, manifestement absurde.
Ecrivant pour lui-même quelques années plus tard, Huygens a été moins réservé que dans sa lettre à Oldenburg. Parmi ses manuscrits se trouve une feuille portant la suscription: Anecdota. En parlant de l'horloge à pendule Huygens dit: Sed praecipuum longè hic est Cycloidis inventum. Utinam vidisset Galileus. Brounckerus tentavit, vel angli, sibi hic aliquid decerpere, edita demonstratione, absque mei mentione, sed falsâ, cum et ante aliam quoque falsam ad me misisset.
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voetnoot10)
- Le pendule tautochroue conique a été inventé prequ'en même temps que le pendule cycloïdal: eodem fere tempore (Horol. Osc. Pars quinta, ligne 4), c'est-à-dire en 1659 (voir la Lettre No. 691). C'est ce qu'atteste encore un cahier où Huygens a inscrit ses premières découvertes, le codex No. 13 de la collection Huygens de Leiden. La planche vis-à-vis de cette page est le fac-simile de la page 38 de ce cahier où l'ou trouve réunies les figures relatives à ces deux inventions.
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voetnoot16)
- Antoni van Leeuwenhoek, fils de Philippus Antonius van Leeuwenhoek et de Margaretha van Bel, le célèbre naturaliste qui découvrit, en septembre 1676, les infusoires et les bactéries, naquit à Delft le 24 octobre 1632 et y mourut le 26 août 1723. Dans sa première enfance il perdit son père et fut mis à l'école de Warmond, puis à celle de Benthuizen. N'ayant reçu que l'instruction élémentaire de ces écoles de village, il entra, comme apprenti, à l'étude de son oncle, secrétaire et procureur à Benthuizen, puis, à seize ans, au comptoir d'un marchand de draps à Amsterdam. C'est dans cette ville, probablement sous l'influence de Swammerdam, apothicaire, père de l'anatomiste, que s'éveilla en lui la passion pour les sciences naturelles, qui l'anima pendant toute sa vie. En 1653 ou 1654, il s'établit à Delft, où il épousa, le 26 juillet 1654, Barbara de Mey, fille d'Elias de Mey et de Maria Viruly. De ce mariage il eut deux fils et trois filles dont, seule, Maria lui survécut. Il perdit sa femme le 11 juillet 1666 et se remaria avec Cornelia Swalmius qui lui donna un cnfant, mort en bas âge.
Jouissant d'une certaine aisance, il vécut sans emploi jusqu'en 1660, lorsqu'il fut nommé camérier de Messieurs le bailli et échevins de la ville, charge qu'il remplit jusqu'en 1699, mais dont on lui permit de toucher jusqu'à sa mort les appointements d'environ 300 slorins.
A Delft, il s'appliqua aux mathématiques, à l'astronomie, à la navigation, à la physique et s'exerça dans les arts mécaniques, spécialement à l'art de tailler et de polir les verres et au travail des métaux pour la construction de ses microscopes qu'il ne cessa, pendant toute sa vie, de persectionner. Le catalogue des instruments qu'il laissa à sa mort comprend 527 microscopes, tous construits et montés par lui. De plus, il en légua 26 à la Société Royale de Londres, à laquelle il avait communiqué ses premières découvertes, qui le créa membre dans sa séance du 29 janvier 1680 [V. st.] et dont il resta le zélé correspondant pendant un demi-siècle. Illettré, il dut faire traduire toutes ses lettres en latin par ses amis. Les dernières, dont sur son lit de mort il confia la traduction à Johannes Hoogvliet, chirurgien à Delft, furent publiées dans le Tome XXXII des Philosophical Transactions.
Ses innombrables découvertes se trouvent réunies dans l'ouvrage suivant:
Antonii à Leeuwenhoek, Regiae Societatis Anglicanae Socii Opera omnia seu Arcana Naturae, Ope exactissimorum microfcopiorum Detecta, experimentis variis comprobata, Epistolis, Ad varios illustres viros ut et Ad integram, quae Londini floret, sapientem Societatem, cujus Membrum est, datis, Comprehensa, & Quatuor Tomis distincta. Editio Novissima, prioribus emendatior, cum indicibus cuique Tomo accommodatis. Lugduni Batavorum, Apud Joh: Arnold. Langerak, 1722, 7 Tomes, en 4 vol. in-4o.
C'est probablement de son père que Huygens reçut les observations de Leeuwenhoek. L'Académie Royale des Sciences d'Amsterdam possède plusieurs lettres échangées entre Leeuwenhoek et Constantyn Huygens, père, et quelques unes de ce dernier à R. Hooke et Oldenburg, desquelles il ressort que les premières relations de Leeuwenhoek avec la Société Royale s'établirent par l'intermédiaire de Constantyn Huygens. Dans sa lettre du 24 avril 1674, Leeuwenhoek exprime sa satisfaction envers Constantyn Huygens de ce que celui-ci veut bien transmettre ses observations à son fils en France.
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