Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665

[p. 226]

N^o 1326.
R. Moray à Christiaan Huygens.
6 fevrier 1665.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Elle est la réponse aux Nos. 1301 et 1311. Chr. Huygens y répondit par le No. 1339.

A Whitehall ce 27. Janvier 1665.

Monsieur

De la facon que Je me trouue presque tousiours interrompu en vous escriuant il y a apparence que chacune de vos lettres men coustera pour le moins deux ou trois. Mais ces interruptions, me redoublent l'apetit descrire, comme si lon me faisoit leuer de Table deuant que d'auoir bien commencé à manger. la satisfaction que vous témoignez receuoir en lisant mes lettres, tout mal basties qu'elles sont m'y pousse bien fort, d'une part; et d'ailleurs le contentement que Je recois par ce Commerce my porte auec violence, puisque peu s'en faut que Je ne me persuade que Je vous entretiens de bouche tout le temps que J'ay la plume en la main. il faut donc que Je reprenne le fil de vos dernieres ou Jay brisé la semaine passee¹⁾.

Puisque vou comprennez bien ce que Jay voulu dire dans mes precedentes²⁾ de la Refraction du Soleil, il n'est pas necessaire que Je m'en explique d'auantage.

Ce que vous dites du calcul qu'il faudra pour trouuer la hauteur du Soleil par l'heure de lhorologe &c. n'est pas grande chose, et a mon auis il vaudra bien la peine puisque si Je ne me trompe il ny a point d'autre moyen si exacte ni si facile.

Le Quadrant de Monsieur Hook est presque acheué, nous le deuons voir Mercredy prochain³⁾, et vous en aurez apres la description.

Quoy que ce Quadrant fera fort bien laffaire, en prennant les secondes minutes des degrez de Hauteur, neantmoins Je crois que nous tascherons d'auoir un Quadrant a Soleil qui monstrera les secondes minutes des heures aussi, asin de voir de temps en temps la variation des refractions &c.

J'attends par Vostre premiere les Instructions⁴⁾ que vous auez publiees touchant l'Vsage des Horologes a pendule. Aussi tost que la Patente aura passe le seau nous en publierons icy de semblables Jnstructions.

1) Voir la Lettre N^o. 1318.

2) Consultez la Lettre N^o. 1280 et la Lettre N^o. 1301 de Chr. Huygens.

3) Ce ne fut que dans la séance du 22 février 1665 (V. st.) que Hooke montra ce quadrant; le rayon n'en était que de 17 pouces; chaque degré (et non pas ‘minute’ comme le dit Birch) du limbe mesurait ⅓ de pouce, et pouvait se diviser en six parties. Le tout était construit avec une extrême précision.

4) Voir l'ouvrage cité dans la Lettre N^o. 1290.

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La Calesche de Monsieur De Son, a deux flesches fixéz a l'essieu des Rouës, en sorte que les bouts en sortent par derriere l'essieu de 3 à 4 pieds comme peut estre vous comprendrez par ce meschant crayon que Je vous detrace bien à la haste.

Tout le Corps et l'Essieu en sont de fer. depuis 1.1 iusqu'a 3.3 il y a 15. ou 16. pieds. les Flesches, à lendroit marqué 4.4. se separent en deux branches, dont l'une s'attache a lEssieu et l'autre sen va dessoubs l'Essieu en montant et finit en spirale, le tout estant comme un Ressort sur le bout du quel pend le Corps de la Caleche fait comme celuy dun Carosse ordinaire pour deux persones. les deux bouts 3.3 ne sont quenuirons de la hauteur de 5 pieds comme les Rouës, et les deux ressorts ou branches de fer marquez 2.2 portent le deuant du Corps de la Caleche et ne sont pas plus hauts que lEssieu, auxquels il est attaché court, les deux branches 2.2 estant enclauees dans l'endroit ou les Flesches sont diuisez en branches au lieu marqué 4 4.

Je Crois que vous comprendrez assez bien par cecy ce que cest que cette Calesche. la Distance depuis 2.2. à 3.3. est de 6. a 7. pieds, et lun et l'autre distant de l'Essieu en telle proportion que le Centre du poids de la calesche et ce qui est dedans gist au deuant de l'Essieu enuirons 6. poulces. Mais vous y verrez assez sans que Je perde du temps a vous le descrire plus exactement. Au reste il est fort doux. le poids gist au dessus de lessieu quelque 15. ou 16. poulces. de sorte que de soy mesme il est plus aisé a verser que la Chaise Roulante, mais ne le scaura pourtant faire a moins que le Cheual tombe du Costé non plus que l'autre, estant attaché beaucoup plus ferré a la selle que n'est la Chaise roulante.

Vostre pensee touchant les petits Thermomettres est bonne. ils peuuent servir a mille petites experiences comme celle que vous marquez. Comme a mesurer le degré du sang qui est nouuellement tiré dune veine, de l'urine nouuellement uuidé et plusieurs autres dont nous auons autre fois parlé dans nostre Assemblee⁵⁾.

5) Nous n'avons pas trouvé de traces de ces expériences.

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Nous auons des Thermometres faits en spiral qui tournent autour dun Essieu, dont le moindre Mouuement marque sur un grand cercle un grande espace. Mais il n'est pas assez delicat. Mais celuy que vous dites auoir este fait a Florence n'aura pas este fait de la sorte, seulement le tuyau en a este contourné en spirale, ce qui est assez difficile a faire en ensorte qu'il ny ait point dinegalité.

Quant a la mesure vniuerselle du froid Monsieur Hook croit en estre venu à bout si ce n'est qu'un mesme degré de froid n'est pas tousiours capable dengendrer de la glace. Mais il a marqué dans ses Thermometres l'endroit ou est la superficie de la liqueur si bien qu'il a bien rencontre en plusieurs experiences. en ayant dressé plusieurs Thermometres sur le mesme pied et dans les mesmes proportions du Tuyau et du Globe. il croid qu'il ne reste plus de difficulté. Mais nous ne demandons pas qu'il nous en rende comte qu'il n'en ait fait toutes les experiences quil pourra faire durant cet hyuer. Cependant il en a fait faire quelques uns pour moy dont Je tascheray de vous faire tenir un par Sir Guillaume Dauidson que Je vous ay cy deuant⁶⁾ nommé, et qui vous apportera aussi les Obseruations Microscopiques⁷⁾ de Monsieur Hook.

Monsieur le Doctor Wren a entre les mains toutes les obseruations que nous auons euës de toutes parts de la Comete et nous en doibt dire ses pensees bientost. Je vous en feray part, sans vous en dire autre chose iusqua ce que Je les aye, sinonque les Vostres comme aussi les Nostres ne saccordent point auec les predictions de Monsieur Auzoust, qui nous en a enuoyé plusieurs copies. la Comete se voit



encore icy. Je la vis auanthier situee a l'egard des Cornes d'Aries⁸⁾ à peu pres comme cy dessoubs, mais sans queuë et comme de la mesme Grandeur que la moindre des deux dites Cornes. Mais au reste il faut sen remettre a Monsieur Wren.

Jl me reste encore plusieurs choses a vous dire sur le suiet de vostre derniere du 16.

Je seray aise de voir vos remarques sur les predictions de Monsieur Auzout.

Le defaut que vous trouuez dans une des examples donnees dans le papier que Je vous ay enuoyé⁹⁾ touchant l'usage des Horologes a pendule, n'est pas, à mon auis, considerable: et si vous l'obseruez bien, veu qu'il y a un melange de trois exemples à la fois, que de la facon qu'elle est couchee le calcul en est plus courte qu'il n'en auroit esté si elle auoit esté faite comme vous dites, qui est a la verité la methode la plus naturelle et plus facile lors qu'il ne sagit que du calcul dune Monstre seule ou de plusieurs estans adiustees. puisquau lieu de trois additions quil au-

6) Consultez la Lettre N^o. 1318.

7) C'est-à-dire, sa ‘Micrographia.’

8) L'étoile la plus proche de la comète est γ, la suivante β et la plus éloignée α du Bélier.

9) Avec sa lettre du 16 décembre 1664 (V. st.), que nous ne possédons pas.

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roit falu faire pour reduire les trois montres a la vraye heure du Soleil la ou les montres auront este adiustees au Soleil, il ne fait que soubstraire une fois du Soleil, les minutes et secondes marquees pour le iour dans la Table, pour rendre le comte egal. et puis y ayant par supposition une des 3 montres ou Horologes qui vas trop viste, il faudroit soubstraire de la vistesse et puis adiouster au demeurant les minutes et secondes de la Table, ce qui auroit estè un peu plus embarrassant. Enfin, de la facon que ces Jnstructions ordonnent ladiustement des Horologes, est qu'en scachant, la vraye heure par le soleil, pour bien placer les Jndices de l'Horologe, il en faut soubstraire les minutes et les secondes marquees pour ce iour là. Mais cest trop dit sur si peu de chose. Seulement il seruira que cela na pas este fait par megarde.

Tout le monde vous remercie pour la diuision qui marque les troisiesmes minutes pour mesurer la vistesse des corps descendants. Je lay donné a Monsieur Hook: qui dit apres lauoir examiné que les diuisions sont faites a ce qu'il en peut sçauoir comme il lentendoit, en disant qu'elles sont faites dans la proportions des Sines. C'est a dire que prennant une ligne droite egale a la portion du cercle donne pour la plus grande excursion du pendule, et la diuisant dans la proportion des sines, puis marquant cette portion de cercle comme si cestoit cette ligne courbee les marques ou diuisions y marquees seront celles qui sont requises.

Me voycy a lordinaire contrainct de coupper icy. Jauois quelques autres choses a vous dire qui me fourniront assez de matiere pour une autre lettre¹⁰⁾ la semaine qui vient. Je suis de tout mon coeur

Monsieur

Vostre tres humble tresobeissant et tres affectionné seruiteur R. Moray.

Sans relire.

A Monsieur Monsieur Christian Hugens de Zulichem A la Haye.

XX

2 β

10) Consultez la Lettre N^o. 1329.