Oeuvres complètes. Tome VIII. Correspondance 1676-1684
(1899)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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faire imprimer un jour. Mais j'ay fort avancé depuis ces sortes de recherches et je croy qu'on pourroit venir a bout de la pluspart des choses, qui paroissoient jusqu'icy au dessus du calcul: par exemple, les quadratures, et Methodus Tangentium inversa et les racines irrationelles des equationsGa naar voetnoot7) et l'arithmetique de DiophanteGa naar voetnoot8). Car j'ay des methodes generales qui donnent la pluspart de ces choses, d'une maniere aussi determinée que celle dont l'Algebre ordinaire se sert pour arriver à une equation. Et je ne crains pas de dire, qu'il y a moyen d'avancer l'Algebre au de là de ce que Viete et Mr. Descartes nous ont laissé, autant que Viete et Descartes ont passé les anciens. Mais comme ces Methodes generales menent ordinairement a de grands calculs, lors que les conditions du probleme ne fournissent pas quelque adresse singuliere, j'ay projetté un moyen pour les abreger. Ce sont certaines Tables qu'on pourroit faire calculer en lettres, et qui seroient aussi importantes en Algebre que les tables des Sinus et des Logarithmes le sont dans le calcul ordinaire: de plus elles ne seroient pas difficiles à faire: car on y trouveroit bien tost des progressions. Si ces tables estoient faites, les operations d'Algebre s'y trouveroient pour la pluspart; et si on les joignoit aux methodes que j'ay, il resteroit peu à faire en cette matiere. Si vous avés quelque beau probleme, qui dépende á Methodo Tangentium inversa, je serois bien aise de voir si j'en pourrois venir à bout. J'ay demonstréGa naar voetnoot9) l'impossibilité du triangle rectangle en nombres dont l'aire soit un quarré autrement que M. FrenicleGa naar voetnoot10): et pour les racines irrationelles des equations, j'ay une voye demonstrative pour y arriver; mais la chose est plus difficile que lon ne pense. J'en avois communiqué mes essais que vous avés veu à Paris, et les pensées que j'avois alors, à une personne tres ingenieuseGa naar voetnoot11) qui y a fort travaillé de- | |
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puis, et croyoit d'en estre venue à bout, mais je ne trouvay pas mon compte dans les lettres qu'elle m'en écrivit: ainsi j'en remets l'execution aux TablesGa naar voetnoot12). Il y a encor une espece de calcul, qui m'arreste, mais aussi personne ne s'en est servi. Il seroit pourtant utile à certaines choses. En voicy un exemple. Soit xz + zx égal à b, et xx + zz égal à c. Or b et c estant données, on demande x et z. Prenons un exemple plus aisé xx - x est égal à 24, on demande la valeur de x et l'on trouvera que c'est 3, car 33 - 3 est 27 - 3, c'est à dire 24. Voila donc une equation qui est nullius certi gradus cogniti, et dont le degré même est demandé. On pourroit bien décrire des lignes, dont l'intersection pourroit donner la solution de ces problemes, mais je demande une solution qui me donne la valeur de l'inconnue. Je vous supplie, Monsieur, d'y songer un peu. Car vous voyés que ce sont des veritables problemes determinés, et il faut bien qu'il y ait une methode dans la nature pour les resoudre. Mais apres tous les progres que j'ay faits en ces matieres, je ne suis pas encor content de l'Algebre, en ce qu'elle ne donne ny les plus courtes voyes, ny les plus belles constructions de GeometrieGa naar voetnoot13). C'est pourquoy lors qu'il s'agit de cela, je croy qu'il nous faut encor une autre Analyse proprement geometrique ou lineaire, qui nous exprime directement, situm, comme l'Algebre exprime magnitudinem. Et je croy d'en voir le moyen, et qu'on pourroit representer des figures et mesme des machines et mouvemens en caracteres, comme l'Algebre represente les nombres ou grandeurs; et je vous envoye un essayGa naar voetnoot14) qui me paroist considerable; il n'y a personne qui en puisse mieux juger que vous Monsieur et vostre sentiment me tiendra lieu de celuy de beaucoup d'autres. | |
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Je vous envoye aussi un peu de ce feu corporel, qu'on peut à bon droit appeller lumiere perpétuelleGa naar voetnoot15) (car estant gardée comme il faut, elle dure plusieurs années sans se consumer) c'est une petite piece mais belle: car on n'en fait pas tousjours de semblables: et ordinairement la matiere vient en petits grains seulement. Elle est enveloppée dans une vessie et celle-cy est mise dans de la cire afin que rien n'exhale, et que la piece ne prenne pas feu par le mouvement et la friction, comme cela arrive aisément. Un tel morceau peut suffire à quantité d'experiences, car la moindre particelle est capable de rendre les choses rayonnantes; et quand on la manie avec les mains, elles en restent luisantes plusieurs heures, et cependant il n'y a rien de visible dessus, qui paroisse au jour. On peut écrire avec cela en lettres luisantes, et quelques heures apres quand elles paroistront mortes, estant frottées derechef, elles se font voir de nouveau. Je tiens qu'il y a un veritable feu enfermé la dedans: mais pas assez ramassé pour se faire toucher: quand on souffle contre la lumiere disparoist, et revient incontinent après. Ce qui est remarquable. Cependant jay veu que le seul vent a allumé un morceau de papier, qui m'avoit servi à nettoyer les doigts en vuidant le recipient, lorsque j'avois fait ce feu. On allume aisément la poudre à canon au soleil et par le mouvement, un peu de ce phosphore en estant mêlé parmy. Il seroit bon de l'essayer dans le vuide. Au reste je me rapporte aux experiences, que j'auois mandées à Monsieur le duc de Cheuureuse. Pour mieux conserver ce morceau, il faut verser un peu d'eau dessus, et au reste le tenir dans un petit verre bouché. Sans cela il s'exhale à l'air. Dans l'eau il jettera des éclairs par intervalles, particulierement lors qu'on la remue, ou lors qu'on l'échauffe un peu en le touchant avec la main; mais estant sec et à l'air il luit continuellement. Vous n'avés pas sujet de le ménager trop car je vous en puis faire avoir d'autres, puisque j'en puis faire. Je vous supplie, Monsieur, d'en monstrer l'effect chez Mons. Colbert et Mons. le duc de Cheuureuse; et à l'AcademieGa naar voetnoot16). Si vous trouués qu'on l'agrée, je suis prest à communiquer la composition à l'Academie qu'oyqu'elle m'ait cousté beaucoup de peine. | |
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Je vous supplie, Monsieur de me mander quelque chose de ce qui se passe de curieux chez vous. Monsieur Brosseau, resident de mon Prince demeurant à la rue des rosiers derriere le petit S. Antoine fera tenir la lettre. Vous aurés entendu parler de l'entreprise de M. BecherGa naar voetnoot17) en Hollande, de tirer l'or du sable. Il y a des personnes qui en ont bonne opinion. Vous scavés que M. Hudde est un des commissairesGa naar voetnoot18). M. Becher dit qu'il traite aussi avec les francois. Je serois bien aise de sçavoir si vous en avez ouy parler à Paris. pour moy je doute du succes. Car je croy de sçauoir à peu près en quoy consiste son experience. il y a un vestige d'or: mais je ne scay s'il y a de quoy gagner, car il pretend qu'il y aura plus en grand qu'en petit à proportion, ce qui est paradoxe. Je suis avec zele,
Monsieur
Vostre treshumble et tresobeissant serviteur Leibniz.
P.S.Ga naar voetnoot19) Ce que vous avés fait monsieur en ma consideration du temps passé, m'encourage à adjouter cecy. le phosphore dont je vous envoye un echantillon pourra vous donner occasion de parler derechef de moy chez Mons. Colbert et j'espere | |
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que M. l'Abbé Gallois y contribuera. il est vray que je ne suis pas a present en estat de demeurer en france: neantmoins j'ay une pensée que vous trouveres peut estre raisonnable, et l'Academie pourroit scavoir par moy de temps en temps des choses qui meritoient d'estre scües. Cela estant jugés s'il ne se pourroit faire que je fusse considere comme un membre honnoraire de l'Academie, quoyque absent ou au moins si on ne me pourroit prouuer une autre semblable avantage en cette consideration. peut estre que ce que j'ay fait en d'autres matieres pourroit encor paroistre propre à estre un jour.....les choses qui appartiennent à l'Academie et particulierement ma Cuadrature Arithmetique dont j'ay laisse meme le M.S. à Paris en cette consideration dans le quelle est demonstree à la facon des Geometres, avec quantite de propositions considerables, qui ont connexion avec elle, si vous trouués Monsieur que la communication du secret de la lumiere constante y puisse contribuer, je ne manqueray pas de le vous envoyer et vous pouuez compter la dessus comme si vous l'aviés en main. Mais si je vous connois, je croy que vous ne feres pas moins de cas de cette ouuerture d'une nouuelle Analyse veritablement Geometrique qui peut estre aura un jour des suites extraordinaires. |
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