Oeuvres complètes. Tome VII. Correspondance 1670-1675
(1897)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 2057.
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est quelque chose de reel, qui se peut donner en lignes. Mais il ne s'ensuit pas que l'operation par son piu di meno est bonne. Car quoyque il dise à la fin de la page 294 que ces racines sont venues de l'equation ce n'est pas pourtant sans supposition. Il paroist aussi par la page 293. qu'il ne pouuoit pas resoudre par cette methode l'equation y3 Π 12 y + 9, dont la racine rationelle est fausse ou negative, sçavoir - 3. Il trouve neantmoins en essayant, par une autre methode (: tirée aussi de Cardan:) que l'equation se peut diviser par y + 3, ne scachant pas que par cette même raison - 3 en est la racine fausse: et il trouue par ce moyen la vraye 1½ + √ 5¼ la quelle estant composée d'un nombre et d'une racine quarrée ne pouuoit pas estre tirée des formules de Cardan: parce que les racines qu'on a par ces formules sont tousjours ou irrationelles cubiques ou nombres. D'ou vient qu'il a crû que les formules de Cardan ne servent pas en cette rencontre, et ne sont pas generales. Ainsi je croy d'avoir demonstré le premier (1) que les formules de Cardan sont absolument bonnes et generales, soit extrahibles, soit non extrahibles; soit vrayes, soit fausses ou negatives (2) que nous avons par ce moyen la resolution generale de toutes les equations cubiques. (3) J'ai trouvé le premier qu'on peut former des racines composées non extrahibles de tous les degrez pairs, qui contiennent des imaginaires, et dont neantmoins la realité peut estre renduë palpable sans extraction: pour faire juger que la realité de telles formules n'est pas bornée par l'extrahibilité: dont l'exemple de la formule qui vaut √6, est une preuue tres considerable (4) je demonstre, ce que personne a demonstré encor, que toute l'equation cubique qui peut estre deprimée contient une racine rationelle pourveu que l'equation même soit proposée en termes rationaux. D'ou il s'ensuit que celle qui ne peut estre divisée par l'inconnue + ou - un diviseur rationel du dernier terme, est solide. Proposition tres importante, puisqu'elle nous donne un moyen asseuré de scavoir si un probleme est solide en effect ou s'il l'est seulement en apparence. Monsieur Des Cartes ne parle pas si positivement, car il ditGa naar voetnoot5), qu'il faut examiner toutes les quantités qui peuuent | |
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diviser le dernier, qu'il suppose estre un entier et rationel: et il semble qu'il n'ose pas dire, tous les nombres, ou toutes les quantitez rationelles. De sorte qu'il nous laisse en doute, s'il ne faut pas aussi examiner les diviseurs irrationels: soit qu'il n'avoit point de demonstration assez convaincante pour les diuiseurs rationels à l'exclusion des irrationels; soit qu'il n'ait negligé de parler plus exactement. De la vient aussi qu'on peut demonstrer en cinquieme lieu (5) par la seule analyse, sans aide de Geometrie, que toute l'equation cubique est possible, pourveu qu'elle soit conceue en termes possibles. De plus (6) l'obstacle qui a embarassé principalement la resolution des equations par racines irrationelles estant levé, ceux qui chercheront des formules pour les plus haut degrez, ne seront plus rebutez par la rencontre des irrationelles, au lieu que sans cela ils chercheront envain des expressions differentes de celles qu'ils ont deja trouuées. D'ou vient que des personnes fort habiles en ces matieres ont crû avant cela qu'on ne scauroit trouuer une expression generale pour tout un degrez: persuasion qui les obligeroit à examiner inutilement toutes les formules, et toutes les combinaisons possibles des irrationelles, pour chercher des expressions particulieres pour certains cas qui semblent n'estre pas compris dans la generale. (7) Lorsqu'on aurait trouué les racines irrationelles des equations, tous les problemes qui peuuent estre reduits à une equation reviendront seulement à deux problemes de Geometrie, sçavoir à la section de l'angle, et à celle de la raison. J'entends par la section de la raison, ou si vous voulez, des Logarithmes, qui répondent en quelque façon aux arcs; l'extraction des racines. (8) Vous connoistrez mieux tout ceci par l'écritGa naar voetnoot6), que je vous ay fait voir, et vous jugerez par les autres, que vous avez veu de même, de ce que j'appelle section des puissances, et de cette Table de Theoremes, qui peut estre continuée à l'infini, et qui a de grands usages, tant pour resoudre quelques equations affectées, que pour donner des abregez considerables dans le calcul, lorsqu'il s'agit de purger une equation des quantitez irrationelles, et de calculer par les puissances des grandeurs composées. Et comme ces theoremes donnent aussi la resolution de quelques formules des equations affectées de tous les degrez à l'infini, vous trouverez en (9) lieu, que c'est la premiere fois qu'on donne la resolution de quelques equations indeprimables plus que solides, par les irrationelles de leur propre degrez, puisqu'on n'en a pas encor trouué aucun exemple dans le 5me de- | |
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gré seulement, bien loin d'avoir donné une table, qui passe par tous les degrez à l'infini, comme j'ay faitGa naar voetnoot7). Enfin, il n'y a personne, qui puisse mieux juger que vous de la qualité de deux inventions que je n'ay pas encor expliquées, qui sont (10) l'une de la Methode de tirer en nombres veritables ou approchans, les racines des binomes, ou il entre des imaginaires: et l'autre du compas des equations, qui donne sans aucun calcul, tout à la fois, toutes les racines d'une equation proposée de quelque degré et de quelque formule d'un degré donné qu'elles puissent estre; soit geometriquement en lignes soit arithmetiquement en nombres approchans, dont on peut incontinent tirer les veritables s'il y en a, sans aucun calcul. Il semble qu'apres cet instrumentGa naar voetnoot8) il n'y a quasi plus rien à desirer pour l'usage que l'Algebre peut ou pourra avoir dans la méchanique et dans la practique. Il est croyable que c'estoit le but de la Géometrie des anciens, (: au moins de celle d'Apollonius:) et la fin des lieux qu'ils avoient introduits; par ce qu'ils avoient reconnûs que peu de lignes determinent en un instant ce que de grands calculs en nombres ne scauroient faire, qu'apres un long travail, capable de rebuter le plus ferme. Ils n'avoient pas poussé la chose fort loing: Mr. Des Cartes a suivi leur tracesGa naar voetnoot9), et a donné une methode de digerer par ordre les courbes et de les accommoder aux problemes. Mais il ne s'y est pas pris de la maniere la plus simple et la plus naturelle pour ce qui est de les accommoder aux equations; d'ou vient que pour ces sursolides par exemple, il aura déja besoin quasi d'autant d'instrumens differens qu'on luy proposera de problemes. J'ay eu le bonheur de rencontrer le chemin que la nature semble avoir fait exprés. Les constructions s'y font sans calculs, et sans autre preparation que celles de changer les ouvertures des parties d'un meme instrument; le quel, à raison de sa grandeur, sert à toutes les equations imaginables. Vous m'exhortez, Monsieur, de publier ces pensées et quelques autres, que vous avez veu de moy, du temps passé. Si vous témoignez d'estre encor de cette | |
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même opinion, j'y travailleray tout de bon, et le sentiment que vous en avez me tiendra lieu d'approbation generale, dont je me flatte apres la vostre.
Au reste je suis Monsieur
Vostre treshumble et tresobeissant serviteur Leibniz. |
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