Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690
(1901)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 2582.
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chez Monsieur Wrenn celui qui étoit pour lui, mais Monsieur Wrenn n'y étoit pas et je n'ay encore pû le trouver depuis ce temps là. J'ai fait avertir Mylord Pembrock Monsieur que vous lui envoyiez un exemplaire de vos Traittez, mais que Monsieur de Zulichem ne l'avoit point encore reçu. Comme Vous me défendez Monsieur de Vous parler de ma Theorie de la pesanteur je ne tacherai pas ici de la justifier entierement ni de répondre à toutes vos objections. Je dirai seulement Monsieur qu'elle ne partent apparemment que de l'obscurité qui pouvoit étre dans ma derniere lettre, car elles ne me touchent pas et Vous l'auriez bien vû si Vous aviez entendu ma pensée. Je suppose que ma matiere est agitée indifferemment en tous sens et je suis bien eloigné de croire qu'elle se meuve principalement selon les pyramides que je supposois dans ma demonstration; mais dans cette demonstration je considere l'effet d'une portion extraordinairement petite de cette matiere et qui est precisement celle qui se meut le long des pyramides, c'est à dire celle qui vient frapper contre la Terre et elle suffit pour mon dessein. Ce que Vous me dites Monsieur que j'ai besoin dans ma Theorie de l'aneantissement de la matiere qui vient frapper par exemple contre la Terre me suffit pour deffendre ce que
je Vous avois écrit. Car soit C le centre d'une hyperbole equilatere At; soit CAZ son axe prolongé; A son sommet; CT une assymtote; Zt une ordonnée à l'axe, qui étant prolongée coupe l'assymptote en T. Si CA represente la vitesse des particules de ma matiere, qui venant frapper contre la Terre (car comme je l'ai dit toutes les autres particules ne doivent point étre considerées) et qui étant en même temps aneanties suffiroient pour produire la pesanteur telle que nous la voions, je dis que la pesanteur sera la même si TZ est la vitesse de ces memes parties qui viennent choquer contre la Terre, et Zt leur vitesse apres la reflexion. Or on peut prendre TZ si grande que l'on veut, et par consequent augmentant la vitesse la même pesanteur subsistera avec si peu que l'on voudra de perte de mouvement. Dans ma Theorie supposant le Soleil et les Planetes tels qu'ils sont c'est à dire faciles à étre penetrez par la matiere generale qui cause la pesanteur, une portion si petite que l'on voudra de matiere étant suffisamment divisée et suffisamment agitée pourra produire toutes les pesanteurs qui sont dans nôtre Systeme et cela avec si peu que l'on voudra de perte de mouvementGa naar voetnoot6), et à proportion pour les Etoiles fixesGa naar einda). | |
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Dans la même Theorie, qui, comme Vous voiez, Monsieur, établit le monde extraordinairement vuide de matiere, supposant que les corps durs qui n'ont pas de ressort ne rejaillissent point dans leurs chocsGa naar eindb) et qu'il n'y a point de ressort qu'en vertu de l'agitation d'une matiere dure sans ressort et bien plus déliée que ne peuvent étre les parties élastiques, il ne se perdra dans un temps immense qu'une partie si petite que l'on voudra du mouvement qui est dans le monde. Or on a sujet de soupçonner que les corps durs ne rejaillissent qu'en vertu de leur ressort, et si cela est il me semble qu'il n'est pas possible dans d'autres suppositions que les miennes, de faire voir comment le monde s'entretient depuis si longtemps sans une perte sensible et presque totale de son mouvement. Pour ce qui est de toutes les objections qu'on peut me faire j'y ai une réponse generale qui m'a souvent fait trouver la solution de quelques difficultez qui me venoient dans l'esprit quand je lisois des ouvrages de Mathematique c'est que l'on peut hazarder de croire que je ne me suis pas trompé dans mes raisonnemens; et quand on fera cette supposition et qu'on la prendra comme un principe pour developper ce que je veux dire, les objections aisées à venir dans l'esprit se dissiperont d'elles mêmes avec un peu d'application. En effet il n'est pas croiable qu'aiant medité sur ce sujet depuis si longtemps elles m'eussent échappé: et si elles ne m'ont pas échappé je ne suis nullement d'humeur à les dissimuler, même en cas que je n'y aie pas de solides réponses. Dans cet esprit là, Monsieur, qui est celui où j'ai toujours été à votre egard, comme je le devois par toutes sortes de raisons, Vous voiez bien monsieur que ce que Vous avez pris comme une objection à vôtre Traitté de la pesanteur dans ma premiere lettreGa naar voetnoot7) n'en étoit pas une contre Vous, ce que je croi d'ailleurs avoir assez indiqué, puis que toute sa force ne vient presque que de la grande rareté de l'ether, que Vous n'admettez pas dans votre reponse quoi que Monsieur Newton pretende l'avoir démontréeGa naar voetnoot8), en consequence du peu de resistence de l'éther au mouvement des Cometes et des Planetes. Mais comme je suis porté à croire que le monde est presque absolument vuide de corpsGa naar eindc), et qu'en un espace absolument vuide rien n'empêche que la vitesse des corps ne soit aussi immense que l'on voudra, j'ai essaié de faire voir que vôtre Theorie n'excluoit pas necessairement une plus grande vitesse et une plus grande rareté que Vous n'aviez supposées: neanmoins je n'ai pas dit les raisons que j'avois pour établir une si grande rareté, les quelles me paroissent avoir beaucoup de force, même quand j'entre dans toutes vos explications: mais ce n'est pas ici le lieu d'en parler davantage. L'objection la plus sensible qui se presente contre mon hypothese est que ma matiere devroit s'épaissir extraordinairement autour de la Terre, et vous croiez Monsieur que je | |
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n'ai pas repondu à cette objection. Mais, pour ne pas repeter ce que j'ai deja dit dans ma premiere lettre, on verra quand on voudra l'examiner que dans ma demonstration la condensation de la matiere n'augmente point de plus en plus autour de la terre au dela d'un certain degré; mais que la condensation determinée qui se fait presque en un moment auprez de la Terre, et qui est si petite que l'on veut, y demeure toujours la même et se répand incessamment plus loin, neanmoins sans devenir plus grande, quoi qu'elle s'étende de plus en plus en de nouveaux espacesGa naar eindd). Voila Monsieur ce que j'ai crû Vous devoir ecrire, où Vous pouvez remarquer l'égard que j'ai eu pour les objections que Vous m'avez fait l'honneur de me proposer, puis que je ne les ai pas voulu negliger toutes au point de ne leur donner aucune réponse; et Vous pouvez voir en même temps que je me suis fort resserré, pour m'accommoder autant que je pouvois à ce que Vous souhaittiez de n'entendre plus parler de cette Theorie. Je Vous assure Monsieur que je n'en suispoint amoureux ni entêté, quoi que je ne puisse m'empecher de lui voir un trez grand air de vraisemblance. Il y a déja longtemps que ces études ne me touchent plus autant qu'elles faisoient autrefois et ce n'est pas un effort mediocre qu'il me faut faire pour mettre mes pensées sur le papierGa naar voetnoot9). Mais il y auroit de l'injustice à ne Vous en pas rendre conte, quand elles ont tant soit peu d'apparence de verité. Je Vous demande pardon Monsieur de l'embarras que je Vous ai donné de répondre à une mauvaise objection touchant la réfraction du cristal d'Islande. Cela ne seroit pas arrivé si la lettre que vous m'aviez écriteGa naar voetnoot10) n'eut pas demeuré si longtemps entre les mains de Monsieur de Zulichem, mais dabord que je l'eus je me pressai de Vous ecrire incessamment afin que ma lettre put venir assez tot chez Monsieur de Zulichem pour partir avec son paquet, et ainsi je manquai de temps pour rechercher moi meme la réponse à cette objection. Si ma premiere lettre avoit pû Vous donner quelque idée Monsieur que j'eusse manqué à repondre à l'estime et à la veneration que j'ai toujours eue pour Vous, je ne manquerois pas de la desavouer comme une chose qui n'auroit pas de rapport avec mes propres pensées. Monsieur Boyle, Monsieur Hambden et Monsieur Lock Vous font leurs complimens. Monsieur Newton Monsieur m'a assuré qu'il prenoit en fort bonne part tout ce qui est dans le Traitté de la cause de la pesanteur. Monsieur Halley m'a donné le nom de quelques unes des liqueurs froides qui ont servi à produire du feu en presence de la Societé Roiale, sans aucun mélange d'étoupes ou de cotton ni d'aucune chose semblable; | |
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car cette experience y a été faite separement avec plusieurs differentes liqueurs. Les huiles de bois qui sont fort pesantes, telles que sont les huiles de buys et de sassafras et l'huile de guaiac peuvent être prises pour une des liqueurs, mais l'huile de Carué est la seule huile legere que l'on ait trouvé qui fasse le même effet. Sur une de ces huiles on verse une eau forte extremement rectifiée et faite de parties egales de nitre et d'huile de vitriol: Et on en verse jusques à ce que le feu se mette au mélange, ce qui se fait bien promptement. Celui qui a fait voir toutes ces experiences à la Societé est un Chymiste nommé Monsr. Molt. Je soupçonne Monsieur que ce qui Vous a empêché d'entendre ma démonstration est ce que je disois que la pyramide TZV peut étre plus large vers la base que la pyramide PZQ. Mais cette plus grande largeur ne fait nullement la rorce de ma démonstration,
et je ne l'ai admise que parce que ma matiere étant divisée en ses differentes classes les particules d'une même classe ne peuvent pas étre entre elles exactement de la même grosseur, de la meme figure, et avoir le même ressort, la meme vitesse et le même mouvement sur leurs centres, ni s'appliquer exactement de la même maniere à la petite surface ZZ, qui ne peut d'ailleurs être exactement plane. Or toutes ces causes concourent à faire que la même classe aprez la reflexion s'écarte dans une pyramide tant soit peu plus large qu'avant la reflexion. Avant que de finir Monsieur je dois Vous dire que quand je reçus votre premiere lettreGa naar voetnoot11) je travaillois encore à mes recherches touchant la cause de la pesanteur, et que ce n'étoit que depuis trez peu de jours que j'avois vû que les objections qui auparavant me sembloient la détruire n'avoient veritablement aucune force contre elle. Je resolus donc de Vous en ecrire tandis que votre Traitté n'étoit pas encore public, quoi que je l'eusse vû entre les mains de Monsieur Hampden. Votre lettre Monsieur me trouva dans cette disposition, et je ne Vous cacherai point que je crus que ma réponse, où j'expliquois mon hypothese, viendroit assez tot pour Vous donner lieu d'augmenter les Additions, qui sont à la fin de vos Traittez. C'est à cela en partie qu'il faut attribuer mon empressement. Quand Vous aurez compris mes demonstrations, Monsieur, qui ont dans mon esprit un degré d'évidence aussi grand qu'il soit possible, Vous jugerez s'il Vous plait si cet empressement etoit respectueux, et s'il partoit d'un coeur qui Vous fut entierement attachéGa naar einde). Monsieur Boyle n'a point pu se souvenir quelle étoit cette autre chose qu'il | |
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Vous avoit promise, et dont Vous me marquiez Monsieur que Vous ne Vous souveniez plus vous même. Je suis avec un profond respect
Monsieur Vostre tres humble et tres obeissant seruiteur N. Fatio de Duillier. A Monsieur Monsieur Hugens de Zulichem a La Haye. |
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