Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690
(1901)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 2570.
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dites dans la page 64 et ailleurs que ICGa naar voetnoot3) sera la refraction du raion RC, quoi que IC ne soit pas perpendiculaire sur l'onde IK. Car il est assez particulier que IKGa naar voetnoot4)
frappe l'oeilGa naar einda) non pas suivant les perpendiculaires à elle méme, mais suivant les paralleles à la ligne que son extremité I decrit. Cette difficulté pourra bien s'évanouir à une seconde lecture, puis qu'aussi bien il est facile de remarquer dans l'onde IK une disposition à se jetter de côté. Je voudrois pourtant Monsieur que dans votre Theorie on s'imaginat que les ondes de lumiere se font dans un milieu fort rare et dont les parties sont fort écartées entre elles, à peu prez comme les ondulations du son se font dans l'air. Quelque vitesse qui resulte de là dans les parties de l'ether elle ne me paroitra jamais excessive. Si je conçoi bien un mouvement 600000 fois plus lent que celui du son lequel mouvement se peut voir dans le bout de l'aiguille à secondes de certaines montres de poche, et si je conçois d'autres mouvemens plus lens que celui là, qui est trez sensible, tels que sont ceux des autres aiguilles, et en particulier le mouvement annuel d'une aiguille tant soit peu moindre, lequel mouvement seroit 600000 fois plus lent que celui de l'aiguille des secondes; enfin si je conçoi tous les autres mouvemens possibles en descendant à l'infini jusques au parfait repos, pourquoi ne concevrois je pas aussi un mouvement 600000 fois plus promt que celui du son ou meme incomparable- | |
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ment plus grand? Surtout la grandeur des mouvements qui me sont connus ne limitant point le pouvoir de la nature, et trouvant d'ailleurs entre eux une si grande disproportion. Ce n'est pas que je voulusse admettre de tels mouvemens sans necessité, mais je croi qu'on ne peut s'empêcher de les recevoir. Et
Vous même Monsieur Vous verrez bien qu'il les faut admettre si Vous vous souvenez que quand Vous calculates la vitesse de la matiere qui cause la pesanteur Vous supposates que la quantité de cette matiere qui se trouve dans un espace égal à la masse solide de plomb fut la même precisement que la quantité du plomb, par ce qu'autrement votre calcul devroit étre corrigéGa naar voetnoot5). En effet soit D la densité du plomb et d la densité de votre matiere qui cause la pesanteur, la quelle densité est dans la verité beaucoup moindre que la premiere. Que l'on prenne un egal volume de plomb et
de votre matiere, et que les differentes parties de l'un et l'autre tournent autour du centre de la terre; le plomb avec la vitesse u et votre matiere avec la vitesse V. La force centrifuge du plomb sera u2D, et la force centrifuge de votre matiere V2d. Et pour faire qu'elles soient égales l'une à l'autre ou que le plomb puisse décrire un cercle autour de la Terre il faudra que la vitesse de votre matiere soit à la vitesse du plomb comme la racine de D à la racine de d. Par consequent si le plomb est 10000 fois plus massif que votre matiere il faudra que la vitesse du plomb soit à la vitesse de votre matiere comme √1 à √10000 ou comme 1 à 100. Or votre matiereGa naar eindb) comparée au plomb est extrement rare, vû les autres matieres et les autres mouvemens que l'on y peut supposer entremêlez. C'est ainsi Monsieur que si votre vaisseau de la page 142Ga naar voetnoot6) est separé en diverses parties qui n'aient point de communication entre elles par exemple en 4 par le moien de deux planchettes situées selon les diametres qui coupent KK par des angles de 45d et que le corps L que je suppose de plomb soit attaché par un fil vers le centre D; la force centrifuge de L sera peut étre dix fois plus grande que celle de l'eau qui l'environne immediatement nonobstant la meme | |
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vitesse du mouvement circulaire; et le fil par cette tension pourra venir à se casser. Mais si la masse du plomb n'est que 1 millionieme de l'espace qu'il occupe comme je croi qu'on peut fort bien le supposer, et si les corps pesans pesent à proportion de leur masse, un corps tout à fait solide en suivant les mêmes suppositions sera 1000000 de fois plus pesant que le plomb et 10000000000 de fois plus dense que votre matiere, et il aura la même force centrifuge s'il tourne avec une vitesse 100000 fois moindre. Par ces deux calculs la vitesse de votre matiere vient 100 fois ou 100000 fois plus grande que Vous ne l'avez supposée, et peut étre encore excede-t-elle de beaucoup ces nombres. Je Vous ai quelquesois entretenu Monsieur de ma Theorie de la pesanteur que j'ai dans l'esprit depuis trois ans et que je n'ai entierement debrouillée que depuis votre depart de Londres. Je vois bien par le tour que Vous avez pris Monsieur dans vos recherches que vous l'avez entrevûë. Mais les memes raisons qui m'ont fait beaucoup d'embarras dans mon travail pendant tout ce temps là vous l'ont fait rejetter comme une Theorie impossible. Je la deduis Geometriquement d'une supposition qu'il y ait dans tous les espaces du monde une matiere déliée ou si l'on veut plusieurs ordres de telles matieres dont les parties soient fort agitées indifferemment en tous sens. Je suppose que ces parties aient leurs mouvemens en ligne droites fort libres et qu'ainsi le monde ne contienne que trez peu de matiere. Et je trouve qu'il se produit autour de tous les corps grossiers une force de pesanteur, soit que ces corps soient en repos ou en mouvement, même dans des orbes circulaires ou elliptiques &c. et que cette pesanteur est dans les grandes distances reciproquement comme les quarrez des distances memes. Tout cela se deduit de la supposition que les particules de cette matiere perdent quelque chose de leur mouvement quand elles tombent directement sur un corps grossier et à proportion dans les autres cas. Mais ce qu'elles perdent se retrouve quelquefois ou dans le fremissement qu'elles conservent quelque temps aprez le choc et qui passe dans des matieres plus deliées ou dans les mouvemens circulaires qui se produisent et qui se peuvent perdre dans les memes matieres. Ce qui m'a empêché pendant si longtemps de reconnoitre que cette hypothese pouvoit étre la veritable, c'est que je m'imaginois que la matiere que je suppose s'epaissiroit trop vers les corps grossiers, vers la terre par exemple, et que cela étoit contre la bonne Philosophie. Aussi je me suis tourné de tous costez pour éviter la force de cette objection là, qui s'est evanouie d'elle même quand je l'ay examinée de prez. En effet soit CGa naar voetnoot7) un globe en repos entierement solide ou du moins qui ne se laisse point traverser par notre matiere, autour du quel soit notre matiere dispersée egalement de toutes parts mais en repos; et que tout d'un coup ses parties soient mises dans une grande agitation indifferemment en tous sens. Premierement à cause l'agitation égale de toutes parts et par consequent des chocs | |
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égaux ce globe ne sera chassé hors de sa place. Soit prise sur sa surface une particule infiniment petite ZZ à la quelle soit menée le plan tangent AB et de ZZ comme centre soit descrite la spere APQBRSA. Soit cette sphere divisée en une infinité de pyramides comme PZZQ, qui sont tronquées en ZZ infiniment prez du sommet: ces pyramides auront ainsi leurs bases convexes PQ infiniment petites: qu'on suppose les pyramides prolongées de côté et d'autre à l'infini. Comme je suppose que la matiere agitée en tous sens est divisée en parties extraordinairement
petites et que leur mouvement est tres prompt, il y a toujours dans une pyramide comme PZZQ un assez grand nombre de corpuscules qui passent continuellement selon la longueur de la pyramide et qui vont tomber sur la petite surface ZZ. On peut distinguer dans la meme pyramide et dans celles qui sont également inclinées sur ZZ diverses classes de corpuscules selon leur grosseur, leur figure, leur vitesse, leur mouvement circulaire, leur ressort, et la maniere dont se fait leur choc sur la petite surface ZZ. Ces classes étant distinguées quoi qu'elles soient toutes jointes dans la pyramide PZQ par exemple elles s'écarteront apres la reflexion, chaque classe pourtant gardant toujours sa reflexion particuliere. Or dans cette reflexion il y a diverses choses qui empechent ordinairement que la vitesse des particules aprez le choc ne soit si grande qu'auparavant. Et premierement leur ressort et si l'on veut celui du corps Z n'étant pas entierement parfait avec une parfaite dureté la reflexion diminue de la vitesse avec laquelle ils devroient s'eloigner du plan ZZ: ce qui arriveroit encore si le ressort étoit parfait et que les particules ne fussent pas parfaitement dures mais pliantes et capables de fremissement. A cela il faut joindre le frottement que l'on peut supposer en ZZ pendant le choc. Et ce frottement donnant un mouvement circulaire aux corpuscules, qui n'avoient que le mouvement progressif, diminue par là ce dernier. Dans les cas où les particules ont déja un mouvement circulaire il est évident que s'il n'est pas exactement conservé (auquel cas la reflexion se fera comme s'il n'y avoit eu que le ressort qui eut agi en Z sans frottement) il est augmenté sans comparaison plus souvent que diminué. Il est bien évident que chaque classe des particules qui tombent sur ZZ non seulement par la pyramide PZQ mais par toutes les autres qui remplissent l'espace autour de Z, il est, évident dije que chaque classe en particulier fait le long de sa pyramide un vent ou un courant vers ZZ, dont la force est dans la meme pyramide reciproquement comme le quarré de la distance à ZZ. Et cela parce que ce courant gardant toujours la meme vitesse s'epaissit dans cette proportion. Joignez plusieurs de ces classes qui fassent dans la meme | |
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pyramide un vent ou un courant plus fort contre ZZ, et la force de ce courant sera toujours dans la meme pyramide reciproquement comme le quarré de la distance. De meme joignez plusieurs classes reflechies dans une meme pyramide quoi que venant peut etre avant la reflexion de pyramides differentes, et la force du courant qu'elles produiront et qui s'éloignera de Z sera dans la meme pyramide reciproquement comme le quarré de la distance. Or comme ce que je dis d'une pyramide se doit entendre de toutes voila dans chaque pyramide deux courans opposez. Mais à tout prendre celui qui vient de ZZ étant par les raisons qui ont été dites plus foible que celui qui va contre ZZ qui est toujours le meme dans les pyramides qui environnent ZZ, s'il en est deduit il restera un courant qui ira vers ZZ, et qui aura toujours dans la meme pyramide une force qui sera reciproquement comme le quarré de la distance. Mais dans des pyramides differentes la force de ce courant pourra étre differente, et l'on pourroit rechercher quelle elle resulteroit dans les differentes pyramides si les corpuscules étoient des globes egaux qui se mussent avant le choc indifferemment en tous sens avec une égale vitesse et sans mouvement circulaire. Il faudroit neanmoins que leur ressort fut connu aussi bien que les regles de la reflexion quand il se produit des mouvemens circulaires par le choc. A present si l'on acheve le globe ZZ et qu'on examine ce qui arrive sur les autres parties de sa surface, il est bien evident qu'a de grandes distances de ce globe d'où son diametre paroitra petit la force du courant qui tend vers C sera reciproquement comme le quarré de la distance au centre, et que cette force sera uniforme tout autour du globe, d'où il paroit enfin que ce courant perpetuel vers le globe C causera dans les corps ronds homogenes et de meme grosseur comme NN qu'il trouvera sur son chemin, si on y en suppose quelques uns une pesanteur vers ce meme globe qui sera dans les grandes distances reciproquement comme le quarré des distances mêmes. Que si le globe C au lieu d'avoir une solidité parfaite a beaucoup de pores et qu'il donne comme tous nos corps terrestres un passage fort libre à la matiere agitée en tous sens le raisonnement precedent aura lieu pour les particules qui se reflechiront sur les parties exterieures ZZ du globe. Mais outre ces particules là il y en aura d'autres qui ressortiront par ZZ aprez avoir diversement traversé le globe; quelques unes l'auront traversé directement sans rien rencontrer; d'autres auront heurté dans leur chemin contre des parties interieures, et seront venues à ZZ par des chemins plus ou moins détournez. Toutes ces particules doivent étre de nouveau distinguées dans leurs classes differentes, et il faut negliger toutes celles qui traversent le globe sans le toucher. Les autres perdent encore de leur mouvement en frappant contre les parties du globe: d'où l'on deduira comme ci dessus que dans une même pyramide le courant qui vient contre ZZ est toujours plus fort, que celui qui s'en èloigne, et que par l'excez de sa force il produit une pesanteur vers ZZ qui est dans la meme pyramide reciproquement comme le quarré de la distance. Et on trouvera encore que dans les grandes distances la pesanteur | |
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contre le globe se trouve étre reciproquement comme les quarrez de la distance au centre C. On objectera que suivant l'hypothese que je propose le mouvement de la matiere agitée se perdra et que cette matiere s'épaissira extremement autour de C. A cela je répons diverses choses mais principalement ce qui suit. La meme classe qui se meut le long d'une meme pyramide comme PZQ se reflechit dans une seule pyramide TZV qui peut avoir un peu plus de largeur vers la baseGa naar eindc). Pendant un temps égal à PZ avant la reflexion, les parties reflechies viennent par exemple de Z en tu seulement au lieu de venir en TV. Mais ces parties reflechies vont constamment avec une même vitesse en s'éloignant de Z et font place aux autres qui leur succedent: de sorte qu'il se fait seulement la condensation qui se produit en reduisant la matiere de TZV en tZu, ce qui étant une fois fait, et cela arrive presque en un moment, la nouvelle condensation demeure la même sans plus augmenter. L'espace TV tu s'augmente toujours et s'éloigne incessamment de C. Je Vous en dis trop Monsieur dans une lettre et trop peu pour Vous donner une juste idée de mon hypothese, qui a quelque chose de bien simple, et qui paroit etre beaucoup dans l'esprit de la nature, et qui respire la maniere aisée dont Dieu se sert pour executer des choses admirables. Vous voiez aussi Monsieur jusques où il peut étre vrai que les corps pesent à proportion de leur masse, sur quoi je croi que nous manquons d'experiences exactes. Mais s'ils sont composez d'un tissu fort rare, et si leurs particules sont fort rares elles memes et composées d'autres particules qui soient toujours dans les differens corps terrestres d'une grosseur à peu prez égale la pesanteur ne s'éloignera pas d'etre proportionelle à la masse. Pour moi j'aime mieux avoir rendu raison de cette diminuation admirable de la pesanteur que d'avoir montré comment les corps devoient peser exactement a proportion de leur masse. C'est à Vous à present Monsieur de juger si je me suis approché de la verité, mais je ne pretens pas dans cette lettre Vous dire tout ce qui appuie mes conjectures. Je marquerai seulement en passant que Mr. NewtonGa naar voetnoot8) trouve que l'experience s'accorde avec cette pensée, que dans le choc direct des corps a ressort, par exemple celui du verre la vitesse respective avant le choc garde avec la vitesse respective aprez le choc une raison donnée par exemple de 16 à 15. Mr. Newton Mr. recevra parfaitement bien tout ce que Vous avez dit. Je l'ai trouvé tant de fois pret à corriger son livre sur des choses que je lui disois que je n'ay pû assez admirer sa facilité, particulierement sur les endroits que Vous attaquez. Il a quelque peine à entendre le François mais il s'en tire pourtant avec un Dictionaire. Je ne me souviens point distinctement Monsieur de ce que Vous dites touchant vos copistes | |
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de Paris. Il me semble pourtant qu'ils disoient avoir fait une copie pour un autre que Vous, mais c'étoit peut étre par votre ordre. Ils ne m'avoient rien dit de particulier de vostre explication de la Lumiere, dont je n'ai eu d'idée que depuis que j'ai lû votre livre. Je verrai Monsieur Boyle de votre part Monsieur. Il ne fait pas des morceaux de glace fort épais avec le sel armoniac, qu'il emploie si je ne me trompe. Mais aiant mis sa matiere avec de l'eau dans une bouteille ou un grand matras, le thermometre baisse environ jusqu'au point de la gelée et plus bas; et au dehors du vaisseau qui a été mouillé on peut racler avec un couteau de petites écailles de glace, mais qui sont extremement minces. Peut étre aurai je l'honneur de Vous voir Monsieur avant la fin de Juin. Cependant Monsieur je Vous demande pardon de l'embarras que je Vous ai donné par la faute que j'ai faite de negliger de Vous écrire. Soiez persuadé Monsieur de l'estime et de la veneration que j'ai pour Vous; et de ma reconnoissance pour toutes vos bontez. Si Vous me faites l'honneur de m'écrire mon addresse est chez Monsr. Tourton et Compagnie. Monsieur Hampden Vous remercie trez humblement Monsieur et Vous salue. Il me dit qu'il Vous écrira lui même. Je suis avec un trez profond respect
Monsieur Vostre treshumble et tresobeissant seruiteur N. Fatio de DuillierGa naar eindd)
A Monsieur Monsieur Huggens de Zulichem à la Haie. |
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