Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690

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N^o 2568.
Ph. de la Hire à Christiaan Huygens.
1^er mars 1690.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Elle est la réponse au No. 2557.
Chr. Huygens y répondit par le No. 2579.

A Paris à l'Obseruatoire le 1 Mars 1690.

Monsieur

Vous mauez fait un tres grand plaisir de me donner de uos nouuelles dont il y auoit tres longtemps que j'estois en peine, et je suis fort aise de connoitre que uous uous portez bien; J'attendois toujours que uous m'enuoyassiez par quelque commodité le reste de uos ecrits que uous mauiez fait esperer¹⁾, ce qui pourtant ne m'a pas empesché de faire imprimer ce que j'ay receu de uous tout corrigé et comme uous l'auez souhaitté²⁾, j'espere que uous serez content de limpression, iaurois souhaitté qu'il y en eut eu dauantage. Je n'ay rien pris dans nos registres pour y joindre suiuant ce que uous mauiez escrit que uous souhaittiez y faire plusieurs changemens et que uous ne seriez pas bien aise quon ait ces ouurages en l'estat ou uous les auiez mis autresois et sans y donner la derniere main. Vous mapprenez aussi que uous auez fait imprimer uostre dioptrique ce qui me rejouit fort esperant la pouuoir uoir bientost; mais j'aurois esté plus content si elle auoit esté imprimee dans nostre recueil. J'acheue de faire imprimer dans ce liure quelque fragmens de Mr. Picard³⁾ ce qui estant fait iy ajouteray pour finir quelques petits ouurages que la compagnie a trouué a propos que jy misse du mien⁴⁾. J'ay reserué les obseruations de M. Picard pour un autre uolume et j'ay affecté dans celuy cy de n'y rien mettre dastronomie, pour laisser la liberté tout entierre a M. Cassini de faire imprimer a la fin du liure des uoyages plusieurs ouurages qui sont desja fort auancez apres quoy ce liure de uoyages sera donné au public, il y a mis entrautres choses des tables fort amples pour les satellites de jupiter et de saturne⁵⁾. Cest a quoy Mr.

1) Voir les Lettres Nos. 2455 et 2525.

2) Voir la Lettre N^o. 2435, note 1.

3) Les cinq articles ‘De la pratique des grands Cadrans pour le calcul’, ‘De mensuris’, ‘De mensura liquidorum & aridorum’, ‘Experimenta circa aquas effluentes’ et ‘Fragmens de Dioptrique’.

4) Les ‘Divers Ouvrages de Mathematique et de Physique’ ne contiennent aucun article de de la Hire.

5) Voir les ‘Recueils d'Observations faites en plusieurs voyages, par ordre de sa Majesté, pour perfectionner l'astronomie et la géographie; avec divers Traités astronomiques, par MM. de l'Academie des Sciences. Paris, 1693. in-f^o. Le numéro 12 de cette collection contient:
Les Hypotheses et les Tables des satellites de Jupiter, réformées sur de nouvelles observations par M. Cassini.
Les ouvrages rassemblés dans les ‘Recueils’ ont été réimprimés dans les Mémoires de l'Academie des Sciences.

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Cassini est le plus occupé. Je doute encore si jajouteray a la fin de nostre recueil la maniere pour corriger ou pour connoitre lheure de la pendule auec une description de ma machine des Eclipses⁶⁾ que les R. peres jesuites ont fait imprimer pour la commodité de leurs missionaires au leuant, cette machine dont je doute que uous ayez entendu parler quoy qu'il y ait fort longtemps que je l'aye faite est fort commode pour les peuples orientaux a cause des années lunaires sur les quelles elle est construite ce n'est pas quelle ne soit aussi rapportée a nostre calendrier. Je lauois negligée a cause de celle de M. Roemer⁷⁾ qui me preuint quoyque j'y eusse trauaillé longtemps auant luy la mienne est plus simple et plus iuste que la sienne mais a loccasion des premiers uoyages que lon fit a Siam le Roy en fit faire pour faire present au Roy de Siam. Je souhaitterois Monsieur pour mon interest particulier que uous uoulussiez bien aussi menuoyer une description exacte auec une figure de uostre machine des planettes⁸⁾ que je tiens beaucoup plus juste que celle de Mr. Romer⁷⁾ et bien moins embarrassante. Je la ferois aussi imprimer auec uostre permission dans nostre recueil, car je ne uois pas que je puisse facilement l'aller uoir sur les lieux ce que je souhaitterois pourtant pouuoir faire. Pour ce qui est de mes tables astronomiques⁹⁾ cest un ouurage que je meditois il y auoit longtemps sans auoir uoulu en parler pour plusieurs raisons et j'ay hazardé cette premiere partie a cause que jauois peur destre preuenu ou arresté par quelques empeschemens qui auroient pu suruenir. Il nest pas necessaire que je uous marque ce qu'il y a de bon et de mauuais uous estes plus capable que personne den juger. Je uous puis seulement asseurer que toutes les obseruations des estoiles et du soleil que j'ay faites depuis m'ont confirmé dans ce que i'ay fait qui ne scauroit estre plus exact autant je le puis conjecturer a moins qu'on ne trouue dautres manieres dobseruer beaucoup plus fines que celles dont je me suis serui. Mais que pourraton jamais trouuer meilleur pour mesurer le temps, que uos horloges a pendule, je naurois jamais pû croire qu'on eut pu uenir a cette precision si je ne lauois connû par ma propre experience Je ne scaurois m'imaginer quil soit tres dissicile

6) Voir la Lettre N^o. 2515, note 4. De la Hire a donné la description de cette machine dans une brochure de 16 pages, citée dans la Bibliographie astronomique de Lalande sous le titre:
Trouver la correction des observations correspondantes devant et après midi. Description d'une machine qui montre les éclipses. Paris, 1689. in 4^o.

7) Voir la Lettre N^o. 2255, note 3.

8) l'Automaton Planetarium; voir les Lettres N^o. 2514, note 3, et N^o. 2255, note 5.

7) Voir la Lettre N^o. 2255, note 3.

9) Tabularum Astronomicarum pars prior, de motibus Solis & Lunae, necnon de positione fixarum, ex ipsis observationibus deductis; cum usu Tabularum. Adjecta geometrica methodus computandi eclipsium per solam triangulorum analysin ad meridianum Parisiensem. Auctore Ph. de la Hire, Regio Matheseos Professore ac Regiae scientiarum Academiae Socio. Parisiis, 1687. in-4^o.

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de donner des tables des aequations du centre d'une planete sans auoir aucun egard a la figure de son orbite quand on a un tres grand nombre de points obseruez comme j'ay car les interualles qu'il y aura entre les obseruations seront toujours faciles a remplir, si dailleurs on connoit bien le moyen mouuement. Les deux obseruations des eclipses de soleil qui sont arriuées depuis limpression de mes tables mont fait remarquer quelques petites corrections quil ma fallu faire aux mouuemens de la lune dont je ne pouuois rien scauoir dasseuré sans ce secours; car uous scauez Monsieur que pour ceux qui obseruent finement, les obseruations des Eclipses de soleil sont bien plus determinantes que celles de lune ou il sy mesle plusieurs elemens que lon ne pourra jamais demesler ny connoitre parfaittement. Je ne scaurois estre persuadé que les corps celestes doiuent se mouuoir sur des Ellipses et mesme je me trouue asseuré du contraire dans le soleil et dans la lune uous uoyez aussi que Kepler est obligé de mesler plusieurs autres mouuemens a son orbite elliptique de la lune pour rendre raison des apparences quil connoissoit, mais il est fort eloigné de celles qu'il ne connoissoit pas. J'ay beaucoup d'estime pour M. Flamsted; mais il me semble quil se tourmente bien en uain de uouloir mettre son quart de cercle parfaittement dans le plan du meridien et quand mesme il y seroit, qui lasseurera que laxe de sa lunette qui sert d'alidade et qui doit passer par le centre de l'objectif et par le filet soit une ligne droite parallele a quelque ligne posée sur le plan de son meridien, cet axe pourra decrire dans son mouuement une superficie conique qui coupera en deux endroits le plan du meridien qui passeroit par le centre de l'objectif, ce sont des delicatesses a la uerité mais qui ne laissent pas de monter a plusieurs secondes de temps comme je lay tres bien remarqué, et pour moy il mimporte peu que ma pendule soit exactement au moyen mouuement du soleil pourueu que je connoisse bien le nombre des secondes dont elle en est eloignée uous uoyez bien que cest la mesme chose, et de plus M. Flamsted ne peut estre asseuré que son quart de cercle demeure toujours dans la mesme position que par des obseruations exactes faites au ciel, si nos libraires auoient pu auoir uostre ouurage de la lumiere et de la pesanteur je laurois deja uû mais il faut auoir un peu de patience, tout ce qui uient de uous est si beau et si rare quil me semble ne pouuoir mieux employer mon temps qua mediter sur uos ouurages et je ne uois rien dans lantiquité qui en puisse approcher. Je uous prie Monsieur de remarquer icy en passant que uous ne deuez pas trouuer mauuais si le discours de la cause de la pesanteur est imprimé dans nos collections comme uous me l'auez enuoyé, car uous ne mauiez point marqué que uous uoulussiez laugmenter ou le faire imprimer en particulier et cest une chose faite il y a deja du temps. et si jauois eu occasion je uous aurois enuoyé tout ce que jay fait imprimer de uos ouurages. Vous me parlez aussi dun paquet que uous croyez estre uenu dicy¹⁰⁾ mais je nen ay

10) Voir le post-scriptum de la Lettre N^o. 2548.

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aucune connoissance. Il semble aussi que uous ne scachiez pas la mort de Mr. Perrault le medecin qui est arriuée il y a un an et demi. Pour ce qui est du journal des scauans je ne connois point ceux qui le font a present, je scay seulement que le chef de ceux qui le composent sappelle M. Cousin¹¹⁾ qui est un homme connu parmi les gens de lestre mais ie ne scay sil est uersé en physique et en mathematique on dit quil a plusieurs personnes qui l'aident dans ce trauail. M. labbé Galloys na pas uoulu sen charger, il est presentement fort assidu aux assemblées de lacademie ausquelles M. Theuenot se trouue a la place de M. Carcaui dont il exerce la commission. la compagnie est fort diminuée et lon y a seulement pris quelques jeunes gens pour uoir jusqu'ou ils pousseront en sorte que tout se reduit a Mss. du Hamel Bourdelin¹²⁾, l'abbé Galloys, M. Cassini, Dodard¹³⁾, Du Verney¹⁴⁾, Marchand le fils¹⁵⁾ qui est a la place de son pere, Mery¹⁶⁾ qui est un anatomiste fort habile. entre les jeunes gens qui promettent de faire quelque chose sont Mss. Sedileau¹⁷⁾, Pothenot¹⁸⁾, Rolle¹⁹⁾, Varignon²⁰⁾, lefebure²¹⁾ &c. Pour les nouueautez que nous auons ce sont deux liures dalgebre lun de M. labbé Prestet qui estoit autrefois prestre de loratoire dont uous auez uu la premiere edition²²⁾ sous le nom d'elemens de mathematique, et lautre est de M. Rolle²³⁾.

11) Louis Cousin, né à Paris le 12 août 1627, avocat, puis président à la cour des monnaies, censeur, continua le Journal des Sçavans de 1687 à 1701. Il fut élu membre de l'Académie française en 1697 et mourut le 26 février 1707.

12) Voir la Lettre N^o. 1547, note 9.

13) Voir la Lettre N^o. 2106 note 1.

14) Voir la pièce N^o. 2008, note 8.

15) Voir la Lettre N^o. 2235, note 7.

16) Voir la Lettre N^o. 2515, note 9.

17) Sedileau, disciple du P. Pardies, fut élu membre de l'Académie des Sciences en 1682. Il fut l'auteur du planisphère terrestre tracé sur le plancher de la tour occidentale de l'observatoire de Paris. Duhamel, dans son Historia Academiae, mentionne de lui plusieurs autres instruments. On a de Sedileau quelques mémoires sur la neige, la gelée et la pluie, notamment sur la quantité de pluie recueillie dans un pluviomètre de l'observatoire, et des observations astronomiques. Il mourut, à la fleur de l'àge, en 1693. A la sin de son dernier ouvrage, inséré dans le Tome X des Mémoires de l'Académie des Sciences (page 338), il est loué comme un homme d'un esprit solide et d'une grande application.

18) Laurent Pothenot fut professeur de mathématiques au collège royal de France, depuis 1711 jusqu'à sa mort en 1732. Il a appartenu à l'Académie des Sciences de 1682 jusqu'en 1699, lorsqu'il fut exclu pour cause d'absence. Il s'occupa surtout de géométrie pratique. On lui attribue quelquefois la solution du problème bien connu qui porte à plus juste titre le nom de Snellius, lequel en avait donné une solution dans son Erathostenes Batavus.

19) Voir la Lettre N^o. 2454, note 5.

20) Voir la Lettre N^o. 2479, note 9.

21) Jean de Fèvre ou Le Febere, né à Lisieux, où il fut tisserand. Il fut élu membre de l'Académie des Sciences en 1682 et fut créé en 1699, lors de la réorganisation de l'Académie, pensionnaire astronome. A la suite d'une discussion scientifique qu'il eut avec de la Hire, il fut exclu et s'établit comme fabricant d'instruments de mathématiques sur le quai de l'Horloge à Paris. Il mourut en 1706.

22) Voir la Lettre N^o. 2454, note 4.

23) Voir la Lettre N^o. 2454, note 5.

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Pour la parallaxe du soleil de 6″ que jay mise dans mes tables je ne puis dire autre chose sinon qu'il doit y en auoir une mais je ne crois pas quelle soit sensible, la dissertation de M. Cassini qui est inserée dans les liures de nos uoyages me fait connoitre quil est tres difficile de la faire monter iusqu'a 10″ comme il a fait, nous auons sceu que nos missionaires sont passez a la Chine mais il ny a rien de particulier sur leurs obseruations si cenest ce quon a fait imprimer icy en 1688 chez bondoir et Martin. Il me semble que je n'ay plus rien a uous mander aussi ne me reste-til plu de place que pour uous asseurer que je seray toujours tres sincerement

Monsieur

Vostre tres humble et tres obeissant seruiteur

De la Hire.

Jay sceu de M. Perrault que du uiuant de M. son frere le Medecin ils uous auoient escrit et uous auoient enuoye plusieurs petits ouurages et cest sans doute le paquet dont uous estes en peine²⁴⁾.

24) Voir le post-scriptum de la Lettre N^o. 2548.