Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690
(1901)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 2455.
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Sommaire: | Mort de mon Pere. mon indispos. Manuscrits: aimants. hauteur du pole 52. 5.′ 14.″ Maroles. de la differente longueur des Pendules. J'attens les observs du Cap de Bonne Esp. eu l'on a envoiè de mes Pendules. De mon traité de l'aimant. |
1 Maj. 1687.
A Monsieur De la Hire.
Monsieur. La mort de mon PereGa naar voetnoot1) qui arriva le 28 Mars, et les affaires qui se presentent a ces occasions, et de plus mon indisposition qui ne m'a pas encore entierement quitè sont cause que je n'ay pas achevè de mettre mes escrits en estat de vous estre envoiez, quoique la plus part soit desia copiée. Mais n'ayant pas eu de vos nouvelles depuis vostre lettre du...Ga naar voetnoot2) j'ay cru que vous aviez encore assez d'autres pieces de nos registres pour occuper l'imprimeur, ce qui a fait que j'ay estè moins en peine de retardement. Il y a parmy mes escrits un petit traitè de la cause de la Pesanteur, auquel je souhaiterois d'adjouter quelques reflexions sur ce que Mr. Richer et autres ont observè, touchant la differente longueur des pendules en differens climats, mais ayant vu que Mr. Picart dans l'Isle de Tycho BraheGa naar voetnoot3) pretend
avoir trouvè la mesme longueur qu'au Cap de CeteGa naar voetnoot4) et a Paris, et que l'obrervation du Sr. Varin qui est rapportée au traité de Mr. Mariotte du mouvement des eauxGa naar voetnoot5) ne garde point de proportion avec celle de Mr. RicherGa naar voetnoot6) je ne scay ce qu'il faut croire touchant ce phaenomene. C'est pourquoy je vous prie Monsieur de me mander au plus tost, si vous en avez d'autres informations qui vous persuadent qu'il y a effectivement cette variation dans la nature ce qui me semble fort vraisemblable, quoyque je puisse aussi rendre raison, en cas qu'elle ne s'y trouve pas. J'attens sur ce sujet les observations faites au Cap de Bonne Esperance par deux personnes qui sont allés jusques la avec mes HorologesGa naar voetnoot7) pour mesurer les longitudes sur mer, et qui doivent estre de retour dans un mois ou deux. Je vous feray part de ces observations, mais comme la latitude du Cap est de 35 degrez, il n'y aura pas apparemment de difference bien sensible, supposé que l'observation de Mr.....Ga naar voetnoot8) soit vraie. Ce que vous dites du changement de pole dans vostre aimant spherique merite bien d'estre considerè, mais ce qui me fait douter si la cause de ce changement est telle que vous conjecturez, c'est que j'ay trouvè par experience que le voisinage d'un aimant plus fort peut faire changer le pole d'un plus foible jusques a changer celuy du Nord au Zud. En second lieu que a moins que vostre aimant ait estè gardè expres dans une certaine position a l'egard de la Terre, il ne semble pas que la matiere magnetique ait du operer dans ses pores un pareil changement que dans ceux de la Terre. Et comme vous scavez cette position de l'aimant a l'esgard de la Terre dans laquelle leurs pores correspondent n'est pas quand leurs axes sont paralleles l'un a l'autre, mais lors qu'ils sont fort inclinez. Ma 3me raison enfin est que venant d'examiner un aimant spherique que j'ay de deux
pouces de diam. qui a comme le vostre 2 croix gravees a ses 2 poles et cela depuis bien des années car il y a 20 an desia qu'elle est a moy, je n'y ay pas trouvè le moindre changement ayant laissè pendre une eguille attachée a un fil laquelle avec sa pointe a toujours indiquè le milieu de ces deux croix. La Hauteur du Pole de la Haye est suivant Snellius dans son EratostenesGa naar voetnoot9) de 52o. 5′. 14″, et il est a croire qu'il a usè de toute l'exactitude qu'il a pu, quoy qu'il n'ait pas eu des instrumens de la force de ceux dont Mr. Picart et vous vous estes servis. Pour moy je n'ay jamais observè cette hauteur ni celle d'aucune estoile n'ayant point d'instrument pour cela, et scachant de plus que les observations nocturnes sont contraires a ma santè. J'ay admirè en lisant la relation du P. TachartGa naar voetnoot10) ce qu'il dit des Tables exactes des Satellites de Jupiter que Mr. Cassini calcule, jusques a pouvoir servir a determiner les Longitudes dans des observations correspondantes faites en mesme temps. Il faut qu'une si exacte connoissance de ces mouvements luy cause bien des veilles.
Je verray avec bien du plaisir les ouvrages algebraiques du P. Prestet et de Mr. Rolle. Ce que vous m'en dites me fait souvenir d'un Mr. de MarolesGa naar voetnoot11) qu'on
tient estre fort habile en cette science, et qu'on a cruellement envoyè aux galeres. L'on m'a fait voir certain probleme qu'il avoit proposè qui estoit de diviser un nombre donné en 4 parties dont les 3 prises comme l'on veut fassent un quarréGa naar voetnoot12), dont aussi j'ay veu la solution qu'il en a donnée. Mais ne m'estant jamais beaucoup appliquè a ces sortes de questions, je ne scaurois bien dire si cellecy est fort difficile, comme on veut qu'elle soit, et que mesme dans nostre Academie des Sciences on n'ait pas pu la resoudre, dont je vous prie de me dire ce qui en est.
Au reste j'attendray s'il vous plait que vous me mandez dans quel temps vous aurez besoin de mes copies afin que le train de l'imprimerie ne soit pas interrompu. Comme j'ay celle de ma Dioptrique toute preste, je dis de cette partie qui regarde la Physique, le Cristal d'Islande &c. et qu'elle n'est encore qu'en FrancoisGa naar voetnoot13), je serois peut estre bien de l'envoier avec le reste afin qu'elle ne se perde pas, quoyque j'apprehende que ce ne soit vous donner trop de peine. Je reverray aussi si je puis avoir du temps et de la santè ce que j'ay escrit touchant l'aimant, puis qu'on croit qu'il y a quelque vraisemblance dans mon explication.
Je suis etc.
- voetnoot1)
- Nous plaçons en tête de ce volume le portrait de Constantyn Huygens, père, dessiné par Christiaan Huygens, gravé en bois par C. de Visscher. C'est à ce portrait que se rapportent les vers que van Vondel adressa à Chr. Huygens (voir la pièce No. 362, Tome I), ainsi que ceux de Constantyn Huygens, père, imprimés au Tome II, les pièces Nos. 385 et 420. Lors de la publication du volume cité, nous ne possédions de ce portrait d'autres exemplaires que ceux qui ont été placés en tête de la première édition des ‘Korenbloemen’ de Constantyn Huygens. Ils ne se prêtaient pas à une réproduction par phototypie, le revers de la planche portant des caractères imprimés. Depuis, nous avons rencontré à l'exposition Huygens de la Haye (voir la Lettre No. 2327, note 5) une épreuve avant la lettre de cette gravure, appartenant à M.Ch.M. Dozy de Leiden. M. Dozy a eu l'obligeance de nous permettre d'en faire prendre une photographie par MM. Emrik et Binger de Haarlem.
- voetnoot2)
- La date est laissée en blanc dans la minute. Il s'agit de la Lettre du 5 décembre 1686, notre No. 2447, la dernière dans laquelle de la Hire avait touché ce sujet.
- voetnoot3)
- Voir le voyage d'Uranibourg, cité dans la Lettre No. 1834, note 4. Picard y trouva pour la longueur du pendule à secondes la même valeur que celle à Paris, savoir: 36 pouces, 8 lignes et demie.
- voetnoot4)
- On rencontre cette affirmation de Picard dans son mémoire: ‘Observations astronomiques faites en divers endroits du Royaume, par Monsieur Picard de l'Académie Royale des Sciences’. Mémoires de l'Académie des Sciences, Tome VII, Partie I. Il dit, page 346, ‘je puis assurer que cette différence (des longueurs des pendules à secondes) est bien petite entre Uranibourg et le Cap de Sete’ (Cette). Pour les latitudes 55o 54′ d'Uranibourg et 43o 24′ de Cette la différence est pourtant 1,09 mm. ou 0,48 lignes de Paris.
- voetnoot5)
- Traité du mouvement des eaux et des autres corps fluides; divisé en V parties: par feu Mr. Mariotte de l'Académie Royale des Sciences, mis en lumière par M. de la Hire, Lecteur & Prosesseur du Roy pour les Mathématiques, & de l'Académie des Sciences. A Paris, chez Estienne Michallet, 1686, in-12o. Le passage cité par Huygens se lit à la page 414 des OEuvres de Mr. Mariotte, l'ouvrage cité dans la Lettre No. 1621, note 2. Varin obtint pour la longueur du pendule dans l'île de Gorée près du Cap-Vert, la valeur de 3 pieds, 6 lignes et demie.
- voetnoot6)
- Observations astronomiques et physiques faites en l'Isle de Cayenne par Monsieur Richer de l'Académie Royale des Sciences. Mémoires de l'Académie Royale des Sciences; Tome VII, Partie I, Edition de Paris, p. 233. Richer trouva la longueur du pendule à secondes, à Cayenne, égale à 3 pieds et 7,35 lignes.
- voetnoot7)
- Thomas Helder et Isaak de Graas. Consultez les Lettres Nos. 2398, note 3 et 2407, note 2.
- voetnoot8)
- Le nom est laissé en blanc.
- voetnoot9)
- L'ouvrage cité dans la Lettre No. 1197, note 1.
- voetnoot10)
- Guy Tachard, jésuite, né vers 1650 en Guienne, mort au Bengale en 1712, accompagna en 1680 le maréchal d'Estrée dans l'Amérique du Sud, où il resta 4 années; puis de Chaumont à Siam, où il retourna en 1689. Il publia l'ouvrage:
Voyage de Siam des Pères Jésuites, envoiez par le Roy aux Indes et à la Chine. Avec leurs observations Astronomiques et leurs remarques de Physique, de Géographie, et d'Histoire. Paris, 1686, in-4o en 424 pagg. avec 32 Figures, et à Amsterdam chez Mortier 1687. in-12o. pagg. 227.
Tachard y raconte dans le second Livre ‘comment les P.P. jésuites réglèrent la véritable longitude du Cap sur l'émersion du premier satellite de Jupiter qui devant paraltre à 8 heures 26 minutes sur l'horizon de Paris et aiant été observée au Cap à 9 heures, 37 minutes, 40 secondes du soir a donné une heure, 12 minutes, 40 secondes ou 18 degrez de différence entre les méridiens des deux lieux’: d'où le père Tachard conclut que ‘les cartes marquaient le Cap plus oriental de trois degrez qu'il n'est en effet.’ (Bibliothèque Universelle et Historique de mars 1687).
- voetnoot11)
- Dans le livre F des Adversaria, p. 261, Chr. Huygens nota, à ce sujet, ce qui suit:
‘Probleme de Mr. de Maroles, condamné aux galeres en France pour cause de Religion. Receu de Mr. Jaquelot ministre 1687.
Diviser tout nombre donné en quatre parties telles que la différence des deux premieres ou celle de deux autres telles que l'on voudra fasse tousjours un carré. Ce nombre donné soit 3. L'on demande des solutions a l'infini. Premiere solution 24377586, 22718642, 22275086, 5628686 dont le commun dénominateur est 25000000. seconde solution, 1,371,539,819,086,114|1,369,413,355,188,514|1,178,814,180,341,758| 880,232,645,383,614. dont le commun dénominateur est 1,600,000,000,000,000. Je n'ay plus les solutions que j'en donnay à Paris. cela m'a obligè à refaire l'operation, qui est tres difficile a cause des grands nombres et du grand bruit de la galere ou je suis’.
Cet énoncé est suivi de quelques pages de calcul de Huygens, pour trouver la solution du problème.
- voetnoot12)
- Le problème, formulé ici, semble différer de celui énoncé dans la note précédente. Toutefois les pages des Adversaria, citées dans cette note, montrent que les deux problèmes se réduisent l'un à l'autre. En effet, on y lit l'annotation suivante au problème de de Maroles:
‘Sit primus v, secundus v+xx, tertius v+xx+yy, quartus v+xx+yy+zz. Ergo apparet duorum primorum differentiam esse jam quadratum, oportet autem et differentiam tertii et primi, quae est xx+yy esse quadratum, item differentiam 4i et 1i, quae est xx+yy+zz, item differentiam 4i et 2di, quae est yy+zz. Huc igitur recidit quaestio Marolii ut inveniantur tres quadrati, quorum summa sit quadratus, quorumque unus aliquis adsumto utrovis reliquorum faciat quadratum.’ Le nombre donné, dont il est parlé, n'est donc autre que v+xx+yy+zz. Un tel nombre une fois trouvé, on peut faire varier v, qui n'est sujet à aucune condition, de telle manière que la somme des quatre nombres v, v+xx, v+xx+yy, v+xx+yy+zz soit égal à un nombre donné, par exemple à 3. On aura ainsi la solution du problème de de Maroles.
- voetnoot13)
- Le ‘Traité de la Lumière’, tel qu'il parut en 1690.