Oeuvres complètes. Tome VII. Correspondance 1670-1675
(1897)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 2008.
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Balancier de montre reglè par un ressorttambour dessus la platine et grand comme le balancier comme a la pag. suivante. Ressort de cuivre battu pourroit servir peutestre. le ressort doit se tenir en l'air dans le tambour et estre rivè au costè et a l'arbre. | |
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le balancier en forme d'anneau comme aux montres ordinaires. Axis circuli mobilis affixus in centro volutae ferreae. Envoiè en Anagramme a M. Oldenburg secrete. de la Soc. Royale le 30 Jan. 1675 et mandè que c'estoit une invention nouvelle d'horologe. partager le poids du balancier en deux balanciers égaux qui tournent de sens contraire l'un a l'autre, et tous deux ensemble par la communication de leur pignons. Cela fera qu'en tournant la montre dans le plan du balancier, il n'en diminuera, ni n'en augmentera son bransle ce qui arrivoit au balancier simple. le frottement sera moindre si l'on fait les 2 balanciers mesme dentez, sans pignons. Dans les grands pour les longitudes, le balancier sera suspendu pour estre plus libre, et il ne faudra qu'un seul balancier. 21 Jan. Lundy. dit a M. PerraultGa naar voetnoot2) le Receveur que j'avois trouvè cette invention. le mesme matin et l'apresdiner estè chercher Thuret l'horologer pour la luy | |
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communiquer et faire faire le modelle du Balancier, mais point trouuè chez luy par 2 fois. 22 Mardy. Estè chez M. de MaubuissonGa naar voetnoot3), a qui je dis d'avoir trouuè une belle invention en mechanique ce que j'avois aussi dit a M. Libnitz. CofféGa naar voetnoot4). le mesme matin retournè chez Thuret, à qui je communiquay l'invention sub fide silentij. Et luy fis faire le premier modelle que j'emportay avec moy estant demeurè jusqu'a 3 heures apres midy sans disner. En la luy expliquant il dit, ne l'entendant encore qu'a peine, je trouue cela si beau que je me défie tousjours qu'il ne soit ainsi. 23e Mercredy. Je dis a l'assemblée de l'Academie a Messieurs Cassini, Picard et Mariotte que j'avois trouuè une belle invention et que c'estoit des horologes et montres portatives reglees comme les pendules. Thuret m'apporta un autre modelle qu'il avoit fait pour luy. 24e. 25e. Thuret me montra des essais sur une montre a laquelle il avoit adjoutè l'invention. 26e Samedy. M. Picard me dit a l'assemblee que mon affaire alloit bien, que Thuret luy avoit fait entendre dans une boite un mouvement de balancier egal comme la pendule. 30e Merc. J'envoyay l'anagramme de l'invention a M. OldenburgGa naar voetnoot5). 31. Jeudy. Je montray mon modelle a M. Colbert, dans sa Bibliotheque qui le vit seul. la mesme apresdisnee je fus chez Thuret et luy dis que je l'avois montrè a M. Colbert et parlè pour un privilege qui m'avoit estè promis. Il commenca a me dire sourdement qu'il esperoit bien que je luy donnerois quelque part a l'invention. Je dis qu'il y gaigneroit plus que moy et que je tesmoignerois tousjours qu'il avoit contribuè beaucoup de son industrie a l'execution. Il me repliqua encore entre ses dents et me fit entendre obscurement qu'il souhaitoit que je luy donnasse part a l'honneur de l'invention. Ce qui me paraissant impertinent je n'y respondis rien, et luy parlay ensuite d'autre chose, et touchant la montre qu'il alloit faire fabriquer de cette nouvelle facon, pour estre presentée au Roy. il me dissuada de haster la demande du privilege et je promis d'attendre. Ce 1 fevr. Vendredy. Je montray au soir apres l'assemblee qui estoit extraordinaire a cause de la feste du lendemain a Mrs. Perrault mon modelle. M. le medecin, a qui je le montray, le premier, me dit qu'il y avoit des gens qui disoient que Thuret avoit bonne part a cette invention quoyqu'on la faisoit passer sous mon nom. M. le Controlleur me le confirma aussi que Thuret luy en avoit parlè d'une maniere a faire croire la mesme chose. Cela me fit resoudre a haster le privilege, | |
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et d'escrire ce journal que je commencay ce jour. Je donnay avis a mon Pere ce mesme jour de ce que j'avois trouuè, et proposay de le faire valoir en Hollande. 2 fevr. Samedy. l'apresdiner je fus avec M. le Receveur chercher Thuret pour voir s'il soustiendroit devant moy qu'il eust contribuè quelque chose a l'invention. mais nous ne le trouvames pas chez luy, ni 2 heures apres que nous y repassames en venant de chez M. de BeaulieuGa naar voetnoot6). Nous remismes d'y retourner a lundy. 4 fevr. lundy. Je ne trouvay pas M. le Receveur le matin. Apresdisner y estant retournè il me dit qu'il n'avoit pas creu que je serois venu le prendre le matin. qu'il avoit estè ce matin chez Thuret pour faire racommoder une montre sans luy parler d'aucune defiance que j'avois. qu'il luy avoit fait l'execution de l'invention pour les montres de poche bien diffcile. Il m'offrit d'y retourner avec moy; mais ayant songè qu'il valoit mieux d'avoir premierement le privilege que d'en venir a cet eclaircissement, j'aimay mieux y aller seul pour voir quelle mine il feroit. Je ne luy tesmoignay aucune defiance; mais seulement ayant parlè de quelques gens qui pretendoient scavoir le secret, je dis qu'il importoit de faire depescher le privilege et que je tascherois de l'avoir au plustost, à quoy il ne trouva point de raisons à opposer, de sorte qu'il tesmoigna d'en demeurer d'accord. Il me dit avoir montrè le modelle a M. Picard. 5. fevr. mardy. M. le Controlleur Perraut me promit qu'il envoieroit quand il seroit levé, (car il estoit tard au lict a cause de quelque indisposition) mon memoire pour le privilegeGa naar voetnoot7) a M. Colbert a S. Germain. 6 fevr. mercr. M. Perraut n'eut pas encore de response. M. Carcavy me demanda a l'assemblée, si moy ou Thuret s'estoit avisè le premier de cette invention de montre. 7. Jeudy. pas encore de response. M. Perraut encore indisposè. Je fus voir M. Case qui me dit que Thuret luy avoit parlè de l'invention comme si nous l'avions trouuee en semble. 8. Vendredy il [y] avoit response de M. Colbert, qui avoit mis a la marge du memoire, J'en parleray au Roy. M. du VernayGa naar voetnoot8) me vint veoir et me dit qu'il avoit appris que Thuret avoit estè chez M. Colbert et presentè un placet. Je le dis a M. Perrault, qui m'apprit ce qu'il avoit seu jusques la, que Thuret avoit montré mon invention a M. Colbert 8 jours devant moy. Ce que je crois estre vray; et que c'aura estè le modelle qu'il me sit voir le mercredy 23e Jan. qu'il aura estè montrer le lendemain. Et je crois que M. Galois y aura estè present. Je me souviens que quand | |
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je dis a Thuret que je venois de montrer mon modelle a M. Colbert, il en parut un peu troublè. Et comme je luy dis que M. Galois avoit dit qu'il en scavoit quelque chose et qu'il devinoit par la figure de la boite que la chose estoit en rond et que je ne croiois pas qu'il en pust rien scavoir. Il me dit qu'il y avoit quelque temps que M. Galois luy avoit fait porter un modele de pendule a M. Colbert, qui avoit un poids dessus et dessous, et a celuy de dessous un ressort spirale attachè, et que c'estoit cela qui luy seroit demeurè dans l'esprit. mais c'aura estè sans doute le modelle de mon Invention. car que vouloit dire ce ressort en spirale appliquè par un bout à la pendule? Et M. Perraut me dit que Thuret luy avoit dit le 31 Jan. ou 1 fevr. qu'il avoit montrè une nouuelle invention a M. Colbert, apres je fus revoir M. Perraut qui avoit estè saigné; il me promit qu'il prieroit M. Galois ce soir de luy venir parler. le 9 Sam. Je fus chez M. Perrault le Contr. qui fit prier M. Galois d'y venir aussi et envoia en mesme temps querir Thuret. Estant venus nous eclaircismes cette affaire et je convainquis Thuret d'avoir estè montrer, le lendemain du jour que je luy eus fait faire mon modelle, un pareil modelle a M. Colbert, à mon insceu, et comme estant de son invention par les raisons suivantes. Voiez le papier icy jointGa naar voetnoot9). J'envoyay ces raisons a M. Galois pour faire voir a M. Colbert, ce qui n'arriva que 2 jours apres. le 11e. Thuret vint parler a M. Perraut le Contr. et luy avoua que c'avoit estè le lendemain du jour que je l'avois fait travailler qu'il estoit allè montrer son modelle a M. Colbert comme de son invention, ce qu'il avoit niè si fort 2 jours auparavant. Ga naar voetnoot10) Je donnay la montre a faire a Gaudron parent de M. PapinGa naar voetnoot11). | |
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le 16e j'avois ecrit une lettre a M. ColbertGa naar voetnoot12), mais M. Perraut me conseilla d'aller moy mesme a St. Germain. M. Perrault me fit dire qu'il estoit venu a Paris, et m'y mena pour luy parler. mais a peine eusje commencè qu'il me dit que mon PrivilegeGa naar voetnoot13) estoit expediè et scellè, dont je fus fort satisfait. Mr. du MayGa naar voetnoot14) me dit chez M. Colbert que le jour d'auparavant l'on avoit montrè a S. Germain une nouuelle invention d'horloge ou il y avoit un ressort tortillè de cette facon a ce qu'il me fit entendre et que c'estait d'AlesmeGa naar voetnoot15) qui est a M. de la FeuilladeGa naar voetnoot16) qui en estoit l'autheur. | |
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18e Lundy. M. Picard vint me parler en faveur de Thuret. a qui je dis qu'il devoit commencer par avouer sa faute et que je verrois apres. Au soir je trouuay mon Privilege que M. Colbert m'avoit enuoyè. Je donnay la figure du balancier a graver pour mettre dans le Journal des ScavantsGa naar voetnoot17). 19. Mrs. Perrault le Receveur et le Controlleur me vinrent voir, et le premier m'apporta un billet que lui avoit dictè Thuret, contenant qu'il me vouloit dire que le Privilege lui avoit fait peur s'imaginant qu'il ne seroit traitè que comme estranger quoy qu'il eust travaillè a cette affaire mais qu'il ne pretendoit pas en estre l'inventeur et qu'il le tesmoigneroit a tout le mondeGa naar voetnoot18). Au soir M. l'Advocat me parla encore fort pour luy chez M. Perrault le medecin. Mais je ne voulus me relascheren rien et dis que s'il avouait sa faute je luy permettrois de trauailler en acheptant de marques comme aux autres horologeurs, mais que je ne voulois plus de commerce avec luy. 21 fevr. Je montray mon modelle a M. FranciniGa naar voetnoot19), puis M. le duc de Roanes et a M. la ChaiseGa naar voetnoot20). M. le duc de Roanez me parla de l'invention d'Alesme, et dit qu'elle estoit assez differente de la miene, mais qu'elle n'estoit pas la moitie si bonne | |
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ni si simple. Je luy dis ce que m'en avoit dit M. du May, scavoir du ressort cylindrique, et il m'avoua que c'estoit cela, et qu'il n'adjoutoit point de poids a ce ressort mais que c'estoient ses vibrations mesmes entretenues par la mouvement de l'horloge. Je luy montray ma maniere de doubler le balancier s'il en estoit besoin, parce qu'il m'avoit dit que d'Alesme avait aussi un remede contre certain mouvement qui peut nuire. Lundy 25e Thuret me vint voir, qui me dit pour excuse que comme il avoit cherchè cette invention et qu'il l'avait concuë confusement dans son esprit, il avait creu y pouvoir pretendre part, et que craignant que je ne luy aurois fait aucun avantage, il s'estoit adressè a M. Colbert pour luy faire veoir qu'il luy en appartenait quelque chose. Que M. de NeurèGa naar voetnoot21) rendoit tesmoignage que n'y ayant que luy, Thuret et moy, Thuret avait parlè d'appliquer un ressort en spirale pour regler le balancier. Je luy reprochois toutes les faussetez qu'il avoit faites en cette affaire, et quant au tesmoignage de M. de Neurè, que je ne croiois pas qu'il voudroit maintenir une chose fausse, que je le verrois et M. Case, qui, à ce qu'il dit, avait receuilly et mis par escrit toutes ces depositions de M. Neurè et M. Picart. Mais que quelque chose qu'ils pussent dire je sçavois bien ce qui en estoit; et qu'il paroistrait tousjours qu'il n'avoit pas sceu cette invention puisqu'il n'en avoit fait le moindre essay ni modelle devant que je le fisse travailler au mien. Il me dit que c'estoit certains petits tremblements du ressort qui lui avait fait concevoir de la difficultè, et empeschè de rien executer. Je repondis que ce qu'il disoit de l'inconvenient de ces tremblements estait une chose controuvée pour faire paroistre qu'il scavoit quelque chose de l'application du ressort, mais que cela mesme faisoit voir qu'il n'en avoit rien sceu, parce que s'il eust conceu d'attacher la ressort par ses deux bouts il aurait bien veu aussi que ces tremblements n'estoient d'aucune consideration, ne pouvant arriver que lors qu'on frappe ou heurte contre la montre, et alors mesme ne nuisant rien à l'effect du ressort. Il me dit que la montre qu'il faisoit estait presque preste, et m'offrit d'en disposer comme je voudrais. A quoy je repondis que je la voulois bien en la luy payant et non pas autrement. Il me dit aussi qu'il l'avait portée dans sa poche a Charenton, et qu'au retour elle s'accordoit fort bien avec la Pendule sur la quelle il l'avait mise en partant.Ga naar voetnoot22) Il fit encore bien de friponneries dans la suite, trop longues a escrire. Madame Colbert et M. le duc de ChreveuseGa naar voetnoot23) qui protegeoient Thuret firent à la fin en sorte que je luy donnay permission de travailler comme aux autres horlogeurs en mettant ma marque. Apres qu'il m'eust escrite une lettre (dont M. | |
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Galois lui fit la minute) par la quelle il reconnoissoit que c'estoit moy qui luy avoit montrè cette nouvelle construction, qu'il ne pretendoit rien a l'honneur de l'invention et qu'il estoit faschè de ce qui s'y estoit passèGa naar voetnoot24). En quittant Paris le prem. Jul. 1676 pour aller en Hollande apres une maladie de 5 mois, je laissay libertè entiere a tous les horlogeurs de travailler a cette Invention, voyant que le Privilege m'aurait encore coustè des sollicitations pour le faire enregistrer au Parlement, et que mesme apres j'aurois tousjours des proces et des embaras nouveaux. |
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