Le théâtre villageois en Flandre. Deel 1
(1881)–Edmond Vander Straeten– Auteursrechtvrij
[pagina 195]
| |
I
| |
[pagina 196]
| |
maient une sorte de code de vie intime, complétant la législation générale, et ayant, en certains points, une action plus directe et plus efficace sur l'individu. Elles lui traçaient les devoirs de la décence, de la politesse et du savoir-vivre, modus vivendi, au milieu de ses joies expansives et de ses délassements bruyants. Pourquoi le Flamand se distingue-t-il, entre toutes les nations, par l'ordre intérieur, la sage économie et le labeur persévérant? Outre ce que la race lui apporte, il doit indubitablement ces précieuses qualités à l'action efficace des associations de tout genre qui couvrent son sol. Partout règnent la charité fraternelle, les bons procédés, les relations sympathiques. Le patronage religieux ne fut point sans influence: il serait puéril de vouloir le méconnaître. Pour certaines associations, il fut la source d'où l'esprit de corps tira sa plus grande énergie, et peut-être que, sans ce lien pieux, leur existence n'eût point été aussi glorieuse, ni aussi durable. Le Flamand a des moeurs franches, mais non exemptes de rudesse. En se constituant en famille spirituelle et littéraire à la fois, ses intérêts opposés se fondaient dans ce double élément, que fortifiait encore, on l'a vu, le prestige de l'harmonie. Restait une sorte de police pour assurer la régularité voulue dans les cérémonies publiques, et pour faciliter le mécanisme des représentations, sans compter les prescriptions administratives communes à toutes les réunions régies par un chef. Peu d'anciens règlements des gildes rhétoricales nous sont parvenus, et nous aurions à déplorer vivement la perte de ceux qui gouvernaient les sociétés dramatiques des campagnes flamandes, si les ordonnances qui nous sont restées des xviie et xviiie siècles, n'en offraient | |
[pagina 197]
| |
une reproduction plus ou moins exacte. Il nous sera donc permis d'en donner ici quelques indications sommaires. L'art de la rhétorique était considéré comme quelque chose de noble et d'élevé. ‘Utile, d'après le préambule d'un règlement que nous avons sous les yeux, pour les bonnes moeurs et les manières polies, il aidait encore à la connaissance de l'histoire et à la parfaite éducation de tous.’ Il fallait donc le cultiver avec toute la décence qu'il réclamait, ce qui n'était guère difficile, vu le zèle inné, ingeboren yver, et l'affection profonde, grondhertige genegendheyd, que lui témoignaient les confrères. Pourtant, que de fois on s'oublie, surtout inter pocula! Conséquemment, point de médisances ni de disputes; point d'actes de rébellion contre les autorités; aucune parole déshonnête, aucun juron ni blasphème; nul excès de boisson ni de manger. Le silence une fois requis par le prince, aucune causerie importune, aucun rire inconvenant ne sera toléré. La lecture commencée, le garçon, knaep, retournera les verres, et contrôlera les canettes. Il est chargé aussi de verser la boisson, de surveiller ceux qui iraient boire en dehors du local. Le nombre de canettes de bière est limité à trois pour chaque membre. Note rigoureuse sera tenue des canettes consommées. Ceux qui chanteront des couplets déshonnêtes ou incongrus, seront obligés de quitter la gilde pour un temps considérable, tout en restant astreints à payer la rétribution annuelle. On ne tolèrera pas les jeux de cartes, de dés ou de dames; pour les jeux permis, défense absolue de frauder, tuysschen, et de changer furtivement le genre de jeux. On ne pourra fumer que par une permission spéciale du chef, et dans une salle à part. Tout trafic est interdit aussi, de même que tout pari; il convient de ne point se croire | |
[pagina 198]
| |
en pleine auberge, mais dans un vrai temple de l'art. Le confrère qui se déshonore, sera impitoyablement évincé de la société. Les étrangers, de même que les enfants, seront exclus du local. Les membres pourront seulement amener leur femme ou leur mère. Pour être admis comme membre, il faut avoir des moeurs irréprochables, pratiquer la religion catholique, et s'assurer d'une personne garante, en cas d'insolvabilité. En outre, il sera nécessaire de savoir rimer ou remplir un rôle de tragédie ou de comédieGa naar voetnoot(1). Les cotisations annuelles se payeront exactement. Les confrères devenus insolvables par infortune ou par imbécillité, seront seuls affranchis de poursuites. Toutefois, s'ils viennent à meilleur état, la société réserve ses moyens de recouvrement. Un costume honorable et décent est de rigueur. Personne ne pourra lire le règlement, la tête couverte. Les amendes infligées seront payées séance tenante. Un tiers sera pour le garçon, un tiers pour la gilde, et le tiers restant pour les pauvres. Il y aura une bourse pour recueillir celles-ci; seulement le délinquant n'y pourra déposer lui-même les amendes. Les corrections arbitraires seront faites par le prince, le doyen, le greffier et les trois plus anciens de la société. En cas de parenté, ils seront remplacés par les plus âgés. Les disputes seront réglées par l'hoofdman. La distance légale du domicile des membres, | |
[pagina 199]
| |
est une lieue et demie. Aucune excuse d'absence ne sera admise pour ceux qui demeurent dans ce rayon. Nul membre ne pourra accepter de rôle dans d'autres associations. Les rôles de tragédie ou de comédie désignés par le prince, devront être agréés sans contestation. On les apprendra pour le jour fixé, avec défense d'initier qui que ce soit au contenu de la pièce, et avec recommandation expresse de veiller à leur parfaite conservation. Six fois l'an, des questions rhétoricales, d'abord soumises au curé et au bailli du village, seront traitées en vers et honorées d'une récompense. Ceux-là seulement qui ne pourront manier convenablement la rime, seront autorisés à s'exprimer en prose. Les pièces lues ou jouées devront être chrétiennes, dévotieuses et instructives. On aidera à construire et à démonter le théâtre. On sera tenu d'assister aux réunions principales ainsi qu'aux cérémonies religieuses, sous peine d'amende. Un coup de sonnette se donnera, avant de procéder à l'objet de la convocation. Le silence sera réclamé alors, et les membres devront ponctuellement remplir les charges imposées. Le prince élu devra être cherché et reconduit chez lui. Il fera confectionner une médaille en argent, qui portera l'emblème de la société, son nom et la date de son élection, L'hoofdman et le greffier sont nommés à vie; les autres autorités sont renouvelées tous les deux ans. Le membre que le prince désignera, sera tenu de porter le Saint-Sacrement ou le patron de la gilde dans la procession. L'hoofdman ou son délégué marchera derrière le blason officiel. Il tiendra la droite; à gauche marchera le prince, puis viendront l'ancien et le receveur. Le milieu sera occupé par le roi. Le porte-étendard, signe de ralliement, emblème de concorde et de fraternité, ouvrira le cortége, ainsi que le tambour. | |
[pagina 200]
| |
Il y aura un service divin annuel pour le saint tutélaire de la gilde. Les demeures des confrères seront illuminées en cette circonstance. Le lendemain, on célèbrera une messe de Requiem pour les confrères défunts. Il y a obligation d'assister, avec cierge allumé, à l'administration ou à l'enterrement d'un confrère. La famille payera le droit d'obit. On tiendra annuellement une réunion spéciale pour l'examen des comptes. Un tonneau de bière sera percé à cette occasion. Les confrères étaient autorisés, de la part de la sociétémère, à se présenter dans toutes les localités de Flandre et de l'étranger, où l'on organisait des concours littéraires, à y donner des représentations, et à s'y livrer à tous les exercices que comportait leur art, en se soumettant, toutefois, comme association légale, aux prescriptions du placard du 15 mai 1602. La société-mère se réservait la connaissance de toutes les difficultés qui surgissaient entre les gildes, et prenait sous son égide les gildes, reconnues par elles, qui se trouvaient sous le coup d'une poursuite en dehors de sa juridiction. A l'égard des vêtements officiels portés par les rhétoriciens régulièrement associés, toutes les sociétés n'adoptaient point l'uniforme. Il y en avait qui se bornaient à attacher une cocarde à leur chapeau ou à leur boutonnière, et à garnir leur poitrine d'un blason dargent, de cuivre ou d'étain. Pour le tambour, le fifre et le fou, aussi bien que pour le garçon d'office, elles suivaient la tradition généralement admise, en les affublant d'un costume de couleurs très-voyantes, comme le bleu, le rouge, le vert et le jaune. Parfois, ces couleurs étaient entremêlées confusément, de façon à obtenir un bariolage inimaginable. Le blason de la société, découpé dans un pan d'étoffe, figurait sur leur dos, sur leur poitrine et sur leurs bras. Les | |
[pagina 201]
| |
boutons étaient bizarrement choisis. Le garçon tenait une hallebarde, et marchait, dans le cortége, derrière la gilde, en guise de lijfwacht. Certaines sociétés possédaient une table d'autel dans l'église de leur paroisse. Toutes avaient leur blason peint sur panneau et richement encadréGa naar voetnoot(1). Parfois, ces décorations servaient de motif d'ostentation à certains ambitieux, qui n'hésitaient pas à se donner des armoiries imaginaires et à les faire graver sur les affiches de théâtre. Le fait s'est rencontré, en 1782, à Saint-Gilles, au pays de Waes, où un avocat dont nous tairons le nom, reçut de la Chambre héraldique à Bruxelles, la verte lettre suivante, que nous copions textuellement: | |
La Chambre héraldique de l'Empereur et Roi.‘Monsieur, nous ayant été dénoncé qu'en l'année 1782, vous auriez agréé que la jeunesse de St-Gilles, pays de Waes, vous dédiât une tragédie du Martire de St Mercure, représentée les 21 et 28 avril, 3, 5, 12, 19, 20, 26 et 30 mai, 2, 9, 16, 23, 29 et 30 juin, 7, 14, 21 et 28 juillet de la même année, au cabaret du Cerf, chez Alexandre Vlyminck, sur l'affiche de laquelle vous vous êtes permis qu'on imprimât, en taille douce, des armoiries analogues à votre nom et décorées des marques distinctives de noblesse, comme heaume, lambrequins et cimier, etc., et, comme nous sommes particulièrement informés que votre condition n'est, à tous égards, que purement et simplement roturière, et que conséquemment il ne vous a point été et qu'il ne vous est même point permis de porter des armoiries ainsi timbrées, nous vous faisons la présente pour vous dire, au nom et de la part de Sa Majesté, qu'en déans le terme de trois semaines, date de cette, vous aurez à nous renseigner les titres en due forme, en vertu desquels vous avez cru pouvoir autoriser et fonder de votre part une entreprise aussi publique et aussi contraire aux édits héraldiques, à peine que ce terme écoulé et que restant en défaut de remplir ces ordres, il | |
[pagina 202]
| |
sera pourvu incessamment à votre charge là et ainsi qu'il appartiendra. L'issue de cette affaire nous est inconnue. Elle se devine pourtant. Il va sans dire que l'avocat E... aura rengaîné ses prétentions nobiliaires, et pris des allures plus modestes et plus conformes à un Mécène de village. Les représentations avaient lieu généralement pendant l'été. Le choix de cette époque s'explique par l'absence d'un théâtre permanent et régulier, établi dans un local ad hoc et se prêtant aux pièces les plus compliquées comme aux pièces les plus simples. Quiconque sait ce qu'est une habitation rurale, ne s'étonnera point de ce fait. Les théâtres s'élevaient en plein air, dans une cour d'auberge, à l'aide de planches soutenues par des tonneaux. Une simple toile garantissait les spectateurs de la pluie et du soleil. Cette ten te a dû être souvent bien insuffisante, car certains programmes ont soin de prévenir le public que toutes les dispositions ont été prises pour le mettre bien à l'abri de l'humidité de la température. Parfois, cette scène improvisée s'élevait dans une grange, parfois aussi dans une prairie pittoresque. Rarement elle se construisait sur la place communale, laquelle était réservée aux bateleurs et aux marionnettes. La représentation finie, tout se démontait avee la même facilité que l'ajustement en avait été fait. On comprend que la bonne saison était particulièrement propice aux exhibitions théâtrales. L'hiver, outre qu'il eût chassé ou détourné les | |
[pagina 203]
| |
spectateurs, était réservé d'ordinaire à l'étude des rôles ou à la préparation des éléments de la représentation. Les mois de mai, de juin et de juillet étaient les plus communément consacrés aux ébats scéniques. C'est ce que Casteleyn appelait den lustigen saisoene, la saison gaie. La nature est parée de sa plus belle verdure. Les oiseaux chantent dans les bocages, les moutons bondissent dans les plaines. Tout invite à la poésie, tout enflamme l'imagination, jusqu'à la brise embaumée qui vous caresse. Les travaux des champs sont suspendus jusqu'à l'époque de la moisson. L'agriculteur vit, en attendant, d'espérance. Quoi de plus propre pour se livrer à de joyeux exercices d'esprit? Des exceptions à la règle avaient lieu, à de certains intervalles. Ainsi, la pièce de Constantin, de Cammaert, fut donnée en novembre et en décembre 1773, à l'intérieur de l'auberge de Jean-Baptiste Bauters, à Asper, près d'Audenarde. De même, Crispe, fils de Constantin, parut en scène à Deerlyk, en décembre 1787, en janvier et février 1788, à l'auberge la Couronne d'or, de Charles-Louis-Germain Claeysens. Le programme comportait cette note: ‘L'enceinte du théâtre sera chauffée pour ceux qui nous feront l'honneur de venir voir notre tragédie.’ Etichove et Eyne jouaient souvent en octobre. Nederbraekel suivit, pendant quelque temps, l'ancienne tradition, qui consistait à représenter le mystère de la Passion, durant le carême et la semaine sainte. Donnons le texte intégral d'un règlement de société dramatique villageoise; on aura ainsi une physionomie tranchée, au milieu des généralités que nous venons de retracer. Nous accordons la préférence à une charte rimée, parce qu'elle fournit en même temps un spécimen de la versification usitée. Voici donc le règlement des Fonteinisten de | |
[pagina 204]
| |
Stavele, près d'Ypres, composé par Pierre Allemeesch, comme le prouve la lettre d'envoi adressée par ce facteur à la société-mère, le 10 mai 1714Ga naar voetnoot(1): | |
Regel ofte quaerte.Te onderhouden by proost, hooftman, prince, kooninck, deken geswoerene, met ander officieren ende gemeene guldebroeders van de gilde van Rethorica binnen de prochie van Stavel, geseyt Fontenisten, Troostverwachters ende Lichtdragers van het heyligh Sacrament des Autaers. | |
Officieren.1. Proost, den heer pastoor der prochie; 2. Hooftman te kiesen voor 't leven; 3. Prinse te kiesen voor een tyd ofte leven; 4. Kooninck te trecken op den Drykoningdagh by billiette; 5. Deken alle jaere te kiesen naer de rekenynghe; 6. Vier geswoerene ofte van den eedt als meesters van den deseynen, als men die sal houden; 7. Twee sorgers, als hulpe van den deken als men speelt ofte vert gadert, als meesters van de kelder; 8. Een capiteyn die de gulde sal aenleyden met een picke in d'handt; 9. Een alferes die met hevendel sal speelenGa naar voetnoot(2); 10. Een greffier tot 't schryven ende bewaeren alle 't gonne de gildes bewysen raeckt; 11. Een alferes van den standaert, indien men een maeckt; 12. Een balliu tot 't innen van de boeten op Camer. Artikels van quaerte.
1.
Een yder onvermaent sal moeten compareeren,
Wanneer men den feestdag van 't Sacrament sal heeren,
Op 't eerelicktst gekleet; en die sulckx niet en doet,
Sal een pondt parisis moeten draghen voor boedt.
2.
En op de selve boet, zonder voorder te vraghen,
Moet elck ter kercke syn op de volghende daghen:
Drie kooningh, kermis dach, elck op het best verciert,
En als men d'Hemelvaert van Christus-Jesus viert.
| |
[pagina 205]
| |
3.
Die tot capelgeboon sal wel gedachvaert wesen,
Door den cnaep van de gildt, moet dien aenhooren lesen,
Of soo hy niet en compt, of wel goe reden seght
Als hem den knaep vermaent, thien schille j st. busses reghtGa naar voetnoot(1).
4.
En soo den knape niet, des avonts van te vooren,
Syn daghvaert ydereen wel en sal laten hooren,
Of ymant van het huys, en dat hy daerom faelt,
Sal by de knape selfs de boete sal zyn betaelt.
5.
In de cappelgeboon sal niemant sitten comen,
Ten sy elck op hooft syn platse heel ghenomen,
Noch in de kooninckfeest, of als men eten moet,
Of twee schel hy verbeurt die daer jeghens doet.
6.
Naer 't feestacx dat men sal een nieuwen kooninck kiesen,
Moet elc commen te kerck, daerin gheen tyt verliesen,
Om voor de overlêen te bidden met oodmoet,
Den tyt den heere proost het jaergetyde doet,
Of twaelf schelle hy verbeurt, om tot des siels rantsoene
Een misse lesende daervoor te laten doene,
Voor onse overlêen die den deken besorght,
En sonder sterck belet wort hier op niet geborght.
7.
Wat in capelgeboon den greffier leght te vooren,
Dat wort daer naer bevoeyst met regt en naer behooren,
En naer de meeste voeys wort dat alsdan gedaen,
Den hooftman dobbel voeyst als sy egaele staen.
8.
Uyt de cappelgeboon sal niemant oock vertrecken,
Dan met hoofmans verlof of ander daertoe wecken,
Noch spreken ongevraeght dat 't voorhouden aengaet,
Of hy verbeurt twee schel tot onser busse baet.
| |
[pagina 206]
| |
9.
Drie boucken sullen hier seer dienstich syn bevonden,
Een om de gildebroers t'ontfanghen t'aller stonden,
En teecknen d'overlêen, de tweede 't rekeningh-bouck,
Het derde daer men vindt 't capelgebots versouck.
10.
Oock ider wie het zy die zal hem kontenteeren
Met 't gon den dichtmeestre hem geven zal te leeren,
In spel of batement, of die dit niet en doen,
Twee ponden parisis sal hy geven voor boet.
11.
En die een rolle heeft in battement of speelen,
Moet comen als het dient, sonder hem te verveelen,
Op den bestemden tyt, tot prouven, of diet laet,
Verbeurt thien schelle boet tot onser busse baet.
12.
Die gheen gehoor en gheeft aen dicht of zanck te lesen,
Naer dat de belle sal behoorlick gekloncken wesen,
Sal voor dees slechte daet geven twee schell. terstont,
En oock die liet of dicht neempt uit een anders mont.
13.
Als men processie doet, sal een der vier geswooren,
Met de gon van syn rodt wesen als uytvercooren;
Elck op gestelden tyt om goede eer te doen,
En te draghen flambeeuw met eer en goet fatsoen.
14.
Ist mogelick, soo sal men ider mael vergaeren,
Om minnelick met vreught en als getrauwe caeren,
Iet nieuws te brenghen by, naer tyt of naer geval,
Op dat de gilt verbreyt met de const overal.
15.
En soo men resolveert van een deken te maken,
Eenighen tyt van 't jaer, niemant en sal dit laken,
Want soo hy niet en compt op syn gestelden dagh,
Beneffens syn gants rodt, betaelt een stoop gelagh.
| |
[pagina 207]
| |
16.
Als men den koninck kiest, sal elck sonder begroeten,
Niet wettelick belet, ter camer comen moeten,
Of d'helft van het gelagh dat wort op hem gehaelt,
Schoon of men heedt of niet, soo dickwyls als hy faelt.
17.
En die ter camer sal meer kinders medebringen,
Als die daer diensten doen, men moet aldaer niet dinghen,
Zoo het ter tafel sidt, met d'helft betaelt elck geel,
En die niet sitten sal, van 't gelagh 't vierendeel.
18.
Die naemt het Sacrament, 't sy welck het sy van seven,
Uyt quaet, die sal hier voor twee stuyvers moeten geven,
En die den duyvel naempt, oft iemant wenst tot lodt,
Verbeurt een schelle boet, en vier die zweirt by Godt.
19.
Men sal op camer noeyt gheen menschen heeten lieghen,
Of ses schill. men verbeurt, en wilt u niet bedrieghen,
Siet toe en wacht u wel, wat van u tonghe leckt,
Want een schill. oock betaelt die onreymelick spreckt.
20.
Die iemants eere raeckt of sal scandael aensegghen,
Thien schellen voor een boet sal hy ter busse leggen,
Oock die wat oproer sticht door woorden, werck of spel,
4 schelle hy verbeurt, elck wacht hem hier af wel.
21.
Dengonnen die oock vecht, al waert dat niet en schilde,
Met hand of vuysten maer, of sulckx uytrechten wilde,
De boet voor die eerst slaet, sal wesen een pondt was,
Den ander volgens dat het vinden sal te pas.
22.
Wie eenich instrument sal nemen om te vechten,
Stock, kan of kandelaer, of souckt sulckx uytterechten
Met wat het wesen mach, de boete wesen sal
Naer dat de daet vereyst in 't eynd van sulck geval.
| |
[pagina 208]
| |
23.
Niemant wie 't wesen magh, men leght u dit te vooren,
Soo langh de keirse brandt en sal hier touback smooren,
En noyt wordt hier gebruykt teerlinck of caertespel
Op camer, of verbeurt de somme van vyf schel.
24.
Als iemand van de gilt sal wesen overleden,
En dat elc met het lyck ter aerde wort gebeden,
En dat niet en verschyndt, syn offer niet en doet,
Een vierendeel van was hy alsdan geven moet.
25.
Die door syn eyghen sin dees gilde wilt begeven,
Neghen pondt voor dootschult, sal hy daer moeten geven,
En van het jaer dat lopt sal hy jaercosten erven,
Thien stuyvers wort betaelt voor die gildebroer sterven.
26.
Dengonnen wie het sy wort in een schel verwesen,
Die met gedeckten hooft sal in dees quaerte lesen;
Soo langh de gildt in 't hof of elders is vergaert,
Dat elck dan zy beleeft en hem gheen boet beswaert.
27.
't Gelt dat van boeten compt, dat sal men emploeyeeren
Om het gilde-ciraet daermede te vermeeren,
En niet tot dranck of spys; daeromme die misdoet,
Met een gewilligh hert syn schuldt betalen moet.
28.
Die eenigh boet verbeurt met wercken ofte spreken,
En magh de boete selfs niet in de busse steken,
En dat op dobbel boet, elck boet oock, wilt verstaen
Een schelle, die vermet leght teghen reden aen.
29.
Den bailliu wort gestelt tot innen van de boeten,
Soo ter ons hof bestreckt, daerom dat elck sal moeten,
Wanneer hy heeft misdaen, betalen op den voet,
Soo niet een voorder straf sal dienen voor syn boet.
| |
[pagina 209]
| |
30.
Elck gildebroer laet hem, waerin hy is te prysen,
In alles hier gestelt al wettelick verwysen,
Soo elck ter boucke doet, want siet, uyt waere jonst,
Is dit van elck versocht ter liefde van de const.
Pour mieux caractériser encore les bienfaits d'une institution villageoise consacrée aux travaux de l'intelligence, le récit que fait un préfet français d'une kermesse flamande, ne sera point inopportun ici, surtout si l'on y oppose, à titre de contraste, le tableau évidemment exagéré, que trace d'une commune de France, privée de l'élément moralisateur d'une association rhétoricale, une autre plume française, très-sincère et très-expansive celle-là: ‘Que l'on se figure, dit C. De ViryGa naar voetnoot(1), une multitude bruyante, une partie occupée soit à tirer de l'arc ou de l'arbalète, soit à jouer aux boulesGa naar voetnoot(2); une autre groupée devant un mauvais théâtre, où des habitants de l'endroit représentent de mauvaises pièces de sept actes au moins; une autre engouffrée dans une salle où l'on peut à peine respirer, et où cependant l'on danse; que l'on ajoute à ce tableau beaucoup d'hommes à moitié ivres, le verre à la main, la pipe à la bouche, élevant, pour causer entre eux, la voix, au point de faire croire qu'ils vont se battre, et l'on aura une idée des karmesses de villages, qui attirent tous les environs.’ | |
[pagina 210]
| |
‘La vérité, à en croire De CormeninGa naar voetnoot(1), c'est que souvent, dans les veillées et au retour, les filles, ivres de danse, de chansons et de privautés, engagent leur modestie et perdent leur vertu; et, au cabaret, les hommes engagent leur raison et perdent leur argent, leur temps et leurs moeurs. Là, trop souvent, en effet, trop d'entre eux s'attardent dans la soirée. Ils y font la débauche de vins et de liqueurs, de viandes, de cartes, de billard; s'y moquent du maire, du ministre du culte, des vieillards et des femmes; s'y encouragent quelquefois à la rébellion envers l'autorité; y complotent le mal contre les personnes et les propriétés; y passent, verbalement ou sous seing privé, des ventes, des baux, des marchés avinés, téméraires, ruineux; y contractent des dettes de jeu; s'y abrutissent dans l'orgie; chantent à tue-tête des chants orduriers et troublent le repos des voisins; puis, ils rentrent chez eux dans la nuit, battent leurs femmes, leurs enfants et leurs servantes, jurent, blasphèment, et, au lieu de travailler, dorment fort avant dans le jour, pour cuver leur ivresse.’ Conclusion logique: créez des écoles, répandez la lumière, moralisez par l'instruction. Fort bien; mais, n'est-ce pas un phénomène curieux à constater, que cette civilisation relative, amenée et entretenue dans les campagnes de Flandre, par l'influence directe, continue et persuasive du théâtre? N'est-ce point un fait glorieux à proclamer, que cet esprit d'association se manifestant partout, en vue d'arriver, sous forme d'amusement frivole, à cultiver les belles-lettres qui élèvent l'âme et qui ennoblissent le coeur? Pour l'instruction proprement dite, où l'aurions-nous eue, dans les conditions exigées aujourd'hui? C'était, on s'en souvient, le règne des magisters et des | |
[pagina 211]
| |
pédants, vestiges effacés d'une nuée de savants respectables qui se trouvaient, au xvie siècle, à la tête de nos écoles, dans chaque bourgade flamande. L'instruction populaire ne faisait que des progrès lents et imperceptibles, comparativement à certains autres pays. L'épiscopat partageait, avec le gouvernement, la direction suprême de cet enseignement stérile. Il fallait, pour ériger des écoles primaires, l'autorisation expresse du bailli, de l'écolâtre ou du doyen rural. L'impératrice Marie-Thérèse, dont le souvenir provoque, sur les débiles paupières des vieillards, des larmes d'attendrissement, s'efforça, il est vrai, d'imprimer au mouvement intellectuel du pays, une impulsion vigoureuse et efficace, et d'introduire, dans l'instruction publique, de grandes et salutaires réformes; mais, soit calcul, soit faiblesse, elle n'étendit guère ses soins à l'enseignement populaire, qui resta soumis, comme auparavant, à d'impuissants décrets. Ainsi, les écoles primaires, sauf de rares exceptions, demeurèrent dépendantes des chapitres et des monastères, et, dans la plupart des communes, elles furent confiées exclusivement à d'obscurs clercs de paroisses. Sans vouloir reprocher à nos pères d'avoir combattu les réformes violentes de Joseph II, il nous sera permis de déplorer amèrement la résistance insurmontable qu'ils ont opposée à l'exécution de l'édit impérial de 1774, qui décréta la fondation d'écoles normales dans tous les États de la maison d'Autriche. Ils laissèrent échapper la plus belle occasion qui leur fût jamais offerte de régénérer l'enseignement élémentaire, qui appelait une prompte restauration, et de refondre les méthodes usitées, dont la nullité et l'inefficacité étaient devenues proverbiales. La liberté de la presse étant demeurée lettre morte, en | |
[pagina 212]
| |
Belgique, jusqu'à la révolution provoquée par Joseph II, le clergé se servit d'une autre puissance redoutable, le théêtre, pour faire épouser ses griefs au peuple qui lui était moralement subordonné, et de là les faire éclater au pied du trône. Aussi longtemps que les priviléges étaient respectés, les dédicaces enthousiastes au souverain figuraient sur chaque pièce, sur chaque programme. C'était à qui forgerait le plus beau chronogramme, le plus ingénieux acrostiche pour célébrer, sur tous les tons, cette molle sécurité et ce bien-être enchanteur dont parle Ovide pour peindre l'âge d'or. ‘Vive longtemps Marie-Thérèse!’ s'écrient les confrères de Peteghem, en 1780, sur l'argument de la tragédie d'Oswald; et cent autres associations répètent à l'envi cette sympathique apostropheGa naar voetnoot(1). Par contre, en 1793, lorsque les Français, violateurs de nos droits, durent quitter le territoire flamand, les adresses sarcastiques abondèrent de tous côtés. On les éconduisit, entre autres, avec le chronogramme suivant: DIsons L'heUreUX VoYage au FranÇaIs, Le bruit même des armes n'interrompait point les ébats littéraires de nos braves campagnards, et, semblables aux abeilles industrieuses dont les ruches offrent, en temps d'orage comme en temps de calme, un modèle d'activité incessante, nos villageois flamands se livraient, au milieu | |
[pagina 213]
| |
du tumulte belliqueux, à la culture assidue du théâtre et de la poésie. Ils out dû y trouver une source de consolations pour les malheurs issus de la guerre, et, chose curieuse à noter, certains d'entre eux avaient sans cesse à la bouche cette parole toute philosophique: ‘Il eût pu nous arriver pis que cela!’ Une fois blessés dans leurs affections, opprimés dans leurs croyances, sapés dans leurs institutions, ils n'hésitaient point à recourir aux actes les plus violents pour reconquérir leurs droits. Ils couraient aux armes, pro aris et focis, avec une brûlante énergie, qu'aucune menace ne pouvait affaiblir. La comparaison suivante, empruntée à un de leurs programmes de 1790, dépeint au vif cet ardent patriotisme: ‘De même que les oiseaux out été créés pour planer dans les airs, et les poissons pour sillonner les eaux, ainsi les Flamands semblent être nés pour défendre leurs antiques priviléges.’ Alors, on remarquait les symptômes qui se manifestent dans un pays qui prélude à la révolution. Chaque commune, chaque bourgade organisait des clubs politiques. L'homme isolé éprouve le sentiment de sa faiblesse; il s'assemble pour s'éclairer, s'animer, se communiquer la force. Le choc des discussions reçoit son contre-coup et quelquefois le donne par le théâtre. Là, les pièces à sujets belliqueux tiennent la première place. Un tyran sanguinaire, bloeddorstige dwingeland, renversé par le bras d'un héros, forme le sujet habituel de presque toutes les pièces. L'une d'elles compare Joseph II à l'aigle de la fable, qui, ayant dérobé une partie de l'offrande consacrée à Jupiter, emporte un charbon ardent, qui met le feu à son nid. Quand l'évacuation de Gand par les troupes autrichiennes fut décidée - évacuation qui devint le signal de | |
[pagina 214]
| |
la délivrance de la Flandre, - les campagnes, où les sociétés de tir et de rhétorique étaient en majorité, intervinrent puissamment dans l'organisation des forces défensives de la province. Un millier de ces patriotes, la plupart des environs de Schorisse, alla se masser, avec tambours et musique en tête, sur la grande place d'Audenarde, pour y subir l'inspection du colonel du corps des volontaires, et, pendant la distribution des médailles commémoratives, les cris les plus enthousiastes s'échappèrent de toutes les poitrines, en faveur des Provinces-Unies et de la résistance des patriotesGa naar voetnoot(1). Lorsqu'enfin, pour se soustraire aux maux incalculables qui accablaient nos provinces, il fallut accepter la réunion à la France, non sans répugnanee toutefois, de nouvelles et ardentes luttes furent soutenues par les associations littéraires des campagnes flamandes. Livrées à un nouveau régime tyrannique, qui importa, avec la langue française, son pesant système centralisateur, et qui travailla, quinze ans durant, à extirper notre langue et nos moeurs, ces associations contribuèrent, avec un courage indomptable, à tenir debout les éléments les plus caractéristiques de notre nationalité, et s'efforçèrent de rappeler sans cesse aux Belges, à l'aide de leurs théâtres, ce que furent leur origine et leur passé, et combien il importait de ne point laisser tarir les sources vives d'un peuple si grand et si fort par son autonomie. Quelques années auparavant (1785), le poëte wackenois De Borchgrave, en recevant la médaille d'honneur remportée par lui dans un concours dramatique des Fonteinisten à Gand, avait flétri, avec une remarquable vigueur, l'influence, de plus en plus envahissante, du répertoire fran- | |
[pagina 215]
| |
çais dans nos théâtres. Après avoir esquissé l'état prospère des anciennes chambres de rhétorique flamandes, De Borchgrave ajoute: ‘Voilà, amateurs zélés de la scène, comment on sut aimer et respecter, en d'autres temps, le théâtre et les rhétoriciens. Après avoir vu, avec douleur, les sociétés quitter les sommets glorieux où elles s'étaient élevées, que votre ardeur pour l'art vous fasse remonter les échelons de l'honneur. Alors, estimables confrères, les partisans du théâtre français rougiront de honte, parce que, ignorant leur langue maternelle, ils ont cru longtemps que cette langue n'était point faite pour la scène. En avant donc, et gardez-vous surtout de vous laisser entraîner par un engouement ridicule ou par des préjugés absurdes. Non! bravez ces monstres, aussi funestes à l'État que nuisibles à l'art. Alors, ils iront se cacher comme des oiseaux nocturnes, car leurs yeux ne pourront soutenir l'éclat radieux de votre triompheGa naar voetnoot(1).’ Quelques scènes, longtemps assoupies, durent leur résurrection aux aspirations humanitaires de la République française: ‘Le règne de la liberté, de l'égalité et de la fraternité conduit Leupeghem au Parnasse. Jamais, en ce siècle, le Parnasse n'avait été abordé par Leupeghem.’ D'opkomst van 't 's vryheids g'lykheyd en broederlykheyd,
Word Leupeghem daer door in Parnass' zael geleyd,
Want noyt heeft Leupeghem dees eeuw Parnas betreden.
Voilà ce que porte l'argument de Bellérophon, joué à Leupeghem, près d'Audenarde, en 1798. L'impartiale histoire nous oblige à constater ce fait. Mais que de ruines à côté de cette édification! | |
[pagina 216]
| |
Terminons ce chapitre par une anecdote assez amusante, et, de plus, très-vraie, se rapportant à l'époque dont nous parlons. Un gentilhomme villageois, paisiblement installé dans son domaine, fut tenté par le démon de la politique. Dîners et fêtes, visites et promesses, rien ne fut épargné pour assurer son élection. Il alla même jusqu'à se mettre en scène, pour mieux faire valoir ses droits. Un jeune professeur, qui venait donner des leçons à son fils, lui arrangea une tragédie, où Cincinnatus, le fameux agriculteur qu'on arrache à ses champs pour l'improviser dictateur, remplissait le rôle principal. Tout est disposé à cet effet, la scène est bientôt élevée, les acteurs connaissent la pièce ad unguem. Voilà le jour de représentation arrivé. Le public, généralement composé d'électeurs, est tout oreilles. L'action s'engage. Cincinnatus, c'est-à-dire notre baron, lutte en vain contre ses ennemis. Il quitte les hautes dignités et s'en va reprendre la charrue. Cependant, la patrie est menacée. Les Romains, touchés du désintéressement de Cincinnatus, et n'espérant de salut qu'en lui, viennent offrir au héros rustique la dictature. Cincinnatus est attendri jusqu'aux larmes, quand il dit un nouvel adieu à ses champs. L'auditoire partage son émotion. Pendant que les Romains portent notre personnage en triomphe, en lui faisant faire le tour du théâtre, debout sur un brancard, il aperçoit, par la fenêtre qui donnait dans la cour du château, sa fille monter en voiture avec le professeur qui l'enlevait. Il veut s'élancer; mais on le retient, croyant qu'il se dérobe par modestie. On devine la cohue, qui finit par un sauve-qui-peut général. Quelques jours après, la candidature du baron était | |
[pagina 217]
| |
abandonnée. Sa fille n'avait pas reparu. Tristes fruits de l'ambition politique, mais gai dénoûment d'un drame, dont Molière eût fait peut-être un chef-d'oeuvre! |
|