Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690

[p. 88]

N^o 2430.
Christiaan Huygens à Constantyn Huygens, frère.
30 août 1686.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse aux N^os. 2428 et 2429.
Const. Huygens y répondit par le No. 2431.

A la Haye ce 30 Aoûst 1686.

J'ay tousjours differè de repondre a vos lettres esperant de vous pouvoir envoier les 2 verres que vous m'avez chargè de faire faire, dont l'un est achevè il y a desià quelque temps, mais l'autre n'est encore que formè et demeure entre les mains de l'ouvrier a cause d'un accident qui luy est venu a l'espaule droite qu'il dit auoir pris au vent d'une fenestre. Je viens encore presentement d'y envoier et reçois pour response qu'il n'est pas en estat de pouvoir travailler, mais que ce sera son premier ouvrage. le verre de 8 pouces de foier qui est pour l'objectif de 200 pieds, est de la largeur de cette ligne



et parce que l'autre doit estre plus convexe, je n'ay point trouvè de matiere assez espaisse, (et qui fust nette) parmy la vostre de Rotterdam pour l'avoir assez grand, et a peine ayje trouvè un morceau pour cela parmy les miens. J'ay songè qu'il ne seroit peut estre pas mauvais de faire deux oculaires plano-convexes au lieu d'un, parce qu'on trouveroit bien plus facilement de bonne matiere pour cela parmy des pieces de miroir. Car je doute fort si jamais le verre de Bolduc nous en produira. Par le grand vent qu'il a fait ces jours passez la grande corde s'est trouvè cassée a l'endroit ou le plomb est attachè, ce que je m'imagine estre arrivè de ce que ce plomb a battu continuellement contre le mast. Il a falu faire monter en haut pour ramener en bas le bout de la corde que j'ay fait racommoder en suite, mais la Lune estant tousjours extremement basse il n'y a pas eu moyen d'observer.

Vostre jeune medecin qui a connu Hartsoecker n'a t'il rien vu de son travail des verres? Quant a la conversion de ce dernier j'ay tousjours cru qu'il ne se laisseroit pas mettre a la galere pour se maintenir dans sa religion. Je ne reçois point jusqu'icy la relation de Mr. Cassini touchant ses 2 nouveaux satellites¹⁾, parce que Mr. de St. Didier²⁾ qui devroit l'apporter reste encore a Paris, ou il y en a qui croyent qu'il s'evertue a guerir sa Majesté tres chretiene de ses incommoditez.

1) Voir la Lettre N^o. 2427, note 2.

2) Sur Alexandre Toussaint Limojon de St. Didier, voir la Lettre N^o. 789^a, note 2 (au Supplément du Tome III).

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De la guerre des Hoekse et Cabeliauwse chacun parle suivant sa passion et elle dure encore. J'eus l'honneur d'estre present a la premiere bataille qui se donna, mais comme spectateur et sans prendre parti. Le philosophe³⁾ estoit tout transportè de cholere et crioit si fort et avec tant de furie, que j'en fus surpris et fort scandalisè, ne pouvant m'empescher de dire que toute la philosophie estoit à bas. Au reste parmy ces bruits de la guerre, l'amour vient aussi renouveller ses attaques chez les cousines et a inspire le maerschalck que vous scavez a faire un dernier effort. Je crois pourtant qu'il n'en sera rien par l'irresolution des dames qui vous est connue. Elles disent que vous vous seriez offert a vous enquerir touchant l'extraction et parentage du pretendant, en quoy faisant vous leur rendriez un bon office. J'espere de vous revoir bientost icy.

3) Van Heemskerck (peut-être Gerrit, de la Lettre N^o. 2241) qui, d'après la lettre de Christiaan Huygens à Constantyn, frère, du 24 février 1690, mourut en février de cette année, des suites d'une hémorragie pulmonaire qu'il s'était attirée dans une violente dispute avec van Beuningen (Journaal van Const. Huygens 1, p. 224). Il légua à une demoiselle Cabeljau une rente viagère de 1200 livres. C'est donc par erreur que, suivant M.R.J. Fruin (voir, au Tome II, p. 421, le dernier ouvrage cité dans la Lettre N^o. 2152, note 11), nous avons désigné dans la Lettre N^o. 2195, note 12, et dans la Lettre N^o. 2234, note 6, Coenraad van Heemskerck (voir la Lettre N^o. 2159, note 4) comme le philosophe Heemskerck. Coenraad van Heemskerck, en effet, mourut le 25 juillet 1702.