Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

N^o 1620.
Christiaan Huygens à Susanna Huygens.
20 Janvier 1668.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 20 Janvier 1668.

J'ay estè bien aise Madame ma Commere de revoir une lettre¹⁾ de vostre main et qui tesmoigne le bon estat de vostre santè et la joye que vous avez d'avoir fait un si beau chef d'oeuure²⁾. Ie crois que vous avouez vous mesme que tout ce que vous avez fait auparavant ne le vaut pas, quoyque mesdamoiselles mes niepces³⁾ soient aussi bien faites pour filles qu'on pourroit souhaiter. I'espere que dieu vous les conservera avec vostre cher dauphin et que d'autant plus qu'ils croistront en age vous en recevrez plus de satisfaction. Vostre tableau⁴⁾ n'est pas encore arrivè. Il y a 2 jours que j'en demanday des nouuelles a Monsieur de Carava⁵⁾ qui me dit que ses hardes estoient arrivees a Rouen il y avoit longtemps, et qu'il les croioit estre en chemin vers icy. Madame de Buat⁶⁾ m'a promis qu'elle me l'envoiera aussi tost qu'elle aura receu le sien, que vous scavez estre dans le mesme paquet.

1) Nous ne possédons pas cette lettre de Susanna Doublet.

2) Susanna Doublet, née Huygens, avait eu un fils, Philips, le 17 novembre 1667.

3) Constantia et Constantia Theodora Doublet.

4) Consultez la Lettre N^o. 1607.

5) Sur Louis Arnaud Gouffier, consultez la Lettre N^o. 1560, note 9.

6) Madame Buat, née Musch, habitait alors Paris.

[p. 176]

Ie scavois desia l'avanture de Mademoiselle Ida⁷⁾ et j'en avois bien ri avec la dame que je viens de nommer. Ce pauvre petit galant est bien a plaindre qui a eu autant de mal que la damoiselle, et encore ne l'estime t elle pas digne d'avoir tombè dans l'eau avec elle.

Ce que vous m'avez mandè de Mademoiselle de Brederode⁸⁾ m'a surpris mais non pas la meergemelte⁹⁾ dame de Buat qui dit que ce secret luy a estè confiè il y a longtemps par le marquis¹⁰⁾ luy mesme, et qu'il avoue entierement le mariage, mais qu'il trouve estrange la procedure de Madame sa belle mere¹¹⁾ de ce qu'elle a fait escrire icy a la Cour par Monsieur d'Estrade¹²⁾ afin qu'on l'obligeast de retourner promptement en Hollande, ce qu'il dit que ses affaires ne luy permettent pas. dat naelopen¹³⁾ est une chose facheuse, et vostre souhait est tres bien fondè ma soeur, que la mode de ces galanteries puisse estre passee lors que vos damoiselles seront en age. Cette mode ne vient pas de France, car les filles y sont bien plus sages, mesme plus que les femmes mariees. Il est vray qu'elles n'y demeurent guere si longtemps exposees a la tentation que chez nous, ou il n'est pas estrange qu'elles perdent patience quelque fois, et font ce qu'elles peuvent pour vivre.

Un bon mari a chacune de nos cousines orphelines¹⁴⁾ les consoleroit mieux de la perte qu'elles ont faite que toutes les raisons qu'on leur pourroit dire. En attendant qu'elles le soient de cette sorte je croy que la meilleure chose qu'on leur puisse souhaiter est l'union et la concorde fraternelle et sororielle.

Vous aviez promis un mot de response a Mademoiselle Sanneke¹⁵⁾ que je luy ay fait esperer, c'est pourquoy souvenez vous en je vous prie. Comme aussi de me mander le nom de mon filieul¹⁶⁾. Adieu ma chere soeur, et aye la bontè de remercier Madame vostre Mama¹⁷⁾ de ses bons souhaits que je luy rends au centuple.

A Madame Madame de Moggershill.

7) Ida van Dorp.

8) Sur Amalia Wilhelmina van Brederode, voir la Lettre N^o. 820, note 6.

9) Traduction: nommée ci-dessus.

10) Sur Amand de Caumont, marquis de Montpouillan, voir la Lettre N^o. 1051, note 1.

11) Sur Ludovica Christina van Solms, voir la Lettre N^o. 1225, note 6.

12) Sur Godefroi d'Estrades, l'ambassadeur de France à la Haye, voir la Lettre N^o. 908, note 3.

13) Traduction: ce courir après.

14) Les demoiselles le Leu de Wilhem, dont la mère, alors veuve, venait de mourit le 1^er décembre 1667. Consultez la Lettre N^o. 1616.

15) Suzette (Susanne) Caron. Consultez la Lettre N^o. 1614.

16) Philips Doublet, fils. Consultez la Lettre N^o. 1613.

17) Geertruid Huygens, veuve de Philips Doublet.