Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695
(1905)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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continuent avec le moins d'empechement, que ces circulations sont en tous sens, à cause que les agitations qui les produisent le sont aussi. Et que les circulations à l'entour de la terre s'accorderont et conspireront pour avoir un centre commun, qui sera celuy du globe de la terre, sans doute parce que dès la formation de ce globe (semblable apparemment à la formation d'une goutte) ce centre estoit distingué des autres points; que cette matiere circulante tache à s'eloigner du centre, et par consequent qu'elle oblige les corps moins agités à s'y approcher. Et que les efforts centrifuges de la matiere peuvent estre considerés comme des rayons d'attraction partans du centre à l'egard des corps qu'ils y font aller. l'Analogie de la Nature peut faire croire qu'il y a quelque chose d'approchant à l'egard du systeme du Soleil, que les Planetes tendent vers le Soleil par une raison semblable et que les attractions y sont en raison doublée reciproque des distances tout comme les illuminations. Et comme dans l'Aimant il y a non seulement l'attraction mais encor la direction, et qu'il y a une grande analogie entre la terre et l'aimant, on a lieu de croire, que parmy tant de circulations à l'entour du centre de la terre, auxquelles on peut assigner une infinité de poles; il y a deux poles principaux, suivant lesquels la matiere de la terre s'est accommodée à un certain cours de la matiere du grand systeme solaire, comme les aimans s'accommodent au cours de la matiere du systeme terrestre. Il semble, Monsieur, que vous n'approuvés pas ces conciliations, mais vous ne marqués pas en particulier, ce qu'il y a à redire; vous ne dites pas aussy pourquoy par exemple vous attribués plus particulierement la rondeur des gouttes d'eau à un mouvement rapide au dedansGa naar einda). Vous ne dites pas non plus pourquoy les efforts de la matiere centrifuge ne peuvent estre considerés comme des rayons d'attraction. J'ay remarqué cependant qu'on peut dire quelque chose à l'encontre; scavoir qu'il y a la même quantité de lumiere dans toutes les surfaces spheriques concentriques, mais qu'on peut douter s'il y a la même quantité d'attraction. Et il est vray que j'avois encor tenté quelque chose qui paroist assés plausible en considerant la vistesse de la circulation. Il faudra examiner quelle explication est la meilleure, ou si on les peut concilier. Le même se peut dire à l'egard de l'explication de Mons. Neuton des ellipses. Les Planetes se meuvent comme s'il n'y avoit qu'un mouvement de trajection ou de propre direction joint à la pesanteur à ce que Mons. Neuton a remarqué. Cependant ils se meuvent aussi, tout comme s'ils estoient deferés tranquillement par une matiere dont la circulationGa naar eindb) y soit harmonique; et il semble qu'il y a une conspiration de cette circulation avec la propre direction de la Planete. Et la raison qui fait que je ne me repens pas encor de la matiere deferente, depuis que j'ay appris l'explication de Mr. Neuton, est entre autres, que je voy toutes les Planetes aller à peu près d'un même costé, et dans une même region, ce qui se remarque encor à l'égard des petites Planetes de Jupiter et de Saturne. Au lieu que sans la matiere deferante commune rien n'empescheroit les Planetes d'aller en tous sens. Il y a bien des choses à dire sur | |
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tout cela, que j'espere d'eclaircir un jour plus particulierement. Il semble que l'analogie de la terre et du soleil avec l'aimant rend assés probable le cours de la matiere solaire, semblable à celuy de la matiere terrestre, qui est une espece de circulation ou tourbillon. Et comment expliqueroit-on l'attraction de la terre qui la porte vers le Soleil, si on n'admet quelque chose d'analogique avec la cause de la pesanteur, il me semble que vous reconnoissés cette analogie vous même dans quelque endroit de vostre dernier traittéGa naar voetnoot4). Quelque chose que ce puisse estre ce sera un mouvement d'une matiere fluide, qui sera en rond, car vous ne vous contenterés pas d'une qualité attractiveGa naar voetnoot5) comme Mr. Neuton semble faire. Cela estant, il semble que vous ne vous scauriés passer des tourbillons, et sans cela, comment pourriés vous maintenir vostre explication de la pesanteur, où vous supposés avec raison que la matiere qui circule en tous sens est enfermée. Ce ne sera pas dans un ciel solide crystallin, ce sera donc dans une espece d'orbe ou sphere liquide, ou autre fluide environnant, auquel le mouvement donne en quelque façon à cet egard les privileges d'un corps solide. Aussi sans cela les corps circulans se dissiperoient par leur force centrifugeGa naar eindc), si ce n'est qu'on leur attribue quelque qualité centrophile, ou quelque sympathie entre elles, dont je crois que vous ne vous accommoderés pas. Quant au parallelisme des axes il est bien vray, que si l'on explique le mouvement de la planete par la seule trajection jointe à la pesanteur et si l'on suppose que la Planete est tousjours en equilibre par la pesanteur de ses parties, de quelque maniere qu'on la place, il faut qu'elle garde tousjours la direction de l'axe, en sorte que l'axe soit tousjours parallele à luy même. Mais cela suppose encor que le corps ne trouve pas le moindre empechement ou rencontre irreguliere ny impression exterieure qui le fasse tourner tant soit peuGa naar eindd). Ce qui est contre la coustume de la nature, et par consequent, puis qu'il n'y auroit ainsi aucun principe fixe ou constant de cette direction, elle seroit bientôt changée. Comme il est seur qu'un globe quelque égal qu'on le pourroit faire, jetté en l'air ne garderoit pas long temps une situation parallele à elle meme, ou aux situations precedentes et une droite menée au dedans de ce globe ne demeureroit pas long temps parallele à sa premiere situation. De sorte que j'aime mieux de fixer ce parallelisme par | |
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quelque cause qui reponde à la direction de l'aimant, et qui serve à redresser les changemens, que les seules loix du mouvement de la planete ne scauroient exclureGa naar einde). Et je crois même que s'il n'y avoit que la seule trajection libre de la planete, sans quelque fluide deferant, et gouvernant son cours, les regles seroient bientost faussées. Je viens à nostre different du Vuide et des Atomes, qu'il sera difficile de vuider. Vous supposés, Monsieur, que dans les corps il y a une certaine fermeté primitive, et cela estant, vous jugés qu'il la faut supposer infinie, car il n'y a point de raison de la supposer d'un certain degré. Je demeure d'accord qu'il y auroit de l'absurdité à donner à tous les corps un certain degré de fermeté, car rien ne nous determine plustost à un tel degré qu'à tout autre. Mais il n'y a point d'absurdité de donner differens degrés de fermeté à des corps differensGa naar eindf); autrement on prouveroit par la même raison que les corps doivent avoir une vistesse nulle ou infinie. Cela posé, que la nature doit varier, la raison veut qu'il n'y ait point d'atomes ou corps d'une fermeté infinie, autrement ils le seroient tous, ce qui n'est point necessaireGa naar eindg). Il ne semble pas aussi que vous satisfaites assés à la difficulté des Atomes qui se toucheroient par quelque surface, et par cela même demeureroient pris et attachés ensemble inseparablement. Car de nier que les Atomes ont des surfaces plattes ou autrement congruentes entre elles en la moindre partie, c'est un grand postulatum. Mais quand on l'accorderoit je crois que dans ces sortes de raisonnemens on ne doit avoir egard non seulement à ce qui est, mais encor à ce qui est possibleGa naar eindh). Supposons donc une chose possible, scavoir que tous les Atomes n'ayent que des surfaces plattes, il est visible, qu'alors cet inconvenient arriveroit et par consequent l'hypothese de la parfaite dureté n'est point raisonnable. Il y a encor d'autres inconveniens dans les Atomes. Par exemple ils ne scauroient estre susceptibles des loix du mouvement, et la force de deux atomes egaux, qui concoureroient directement avec une vistesse egale se deuvroit perdre, car il paroist qu'il n'y a que le ressort qui fait que les corps rejallissentGa naar eindi). Mais quand il n'y auroit aucun inconvenient, il semble qu'on ne doit admettre une qualité sans raison, telle qu'est la fermeté primitive. On ne voit rien qui attache deux masses ensemble, et je ne voy pas comment vous concevés, Monsieur, que le seul attouchement fait l'office d'un glutenGa naar eindj). Or puis qu'il n'y a aucune connexion naturelle entre l'attouchement et l'attachement, il faudra bien que, si de l'attouchement suit l'adhésion, cela arrive par un miracle perpetuel. Mais si la fermeté est une qualité explicable, il faut bien qu'elle vienne du mouvement, puis qu'il n'y a que le mouvement qui diversifie les corpsGa naar eindk). Cela posé tout ce que je puis dire de la connexion originaire des corps revient à cecy, qu'il faut de la force pour detacher une partie de la matiere de l'autre, lors que ce detachement change le mouvement et le cours present des corps. Tout mouvement est conspirant dans une masse, autant qu'il y a quelque regle ou loy en comparant les parties mouvantes entre ellesGa naar eindl), et il est troublé à mesure que cette regle devient plus composée. Aussi peut-on dire, que tout corps | |
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a un certain degréGa naar eindm) de fermeté et de flexibilité. Cependant quand il s'agit de quelque barre de fer ou autre corps grossier, on n'a pas besoin de recourir d'abord à l'origine primitive de la fermeté, non plus qu'aux Atomes, il suffit de se servir des petits corps, dont chacun a deja en luy même sa fermeté, mais dont l'un demeure attaché à l'autre, à peu près comme deux tables qui se touchent par leurs surfaces et unies, que la pression de l'ambiantGa naar eindn) defend de separer tout d'un coup. Je n'ay point d'empressement à donner au public les remarques sur la partie generale de la Philosophie de Des Cartes. Mons. de Beauval sembloit s'offrir de les porter avec soy en Hollande. Puisque vous avés pris la peine de les voir, je souhaitterois que vous eussiés marqué les endroits dont vous ne convenés pas, outre ceux qui regardent le vuide et la fermeté, je voudrois qu'ils fussent encore vus par quelque habile Cartesien, mais capable de raison, pour apprendre ce qu'il diroit à l'encontre. J'en ay ecrit à Mons. de Beauval. Je souhaitte de voir un jour ce que vous donnerés sur le mouvement. J'avois examiné les regles de Des Cartes par un principe general de convenance, qui ne manque pas à ce que je crois et qui m'a paru utile à refuter les erreurs par interim en attendant la pure verité. Et j'estois bien aise de monstrer comment par le moyen de ce principe les regles Cartesiennes se refutent elles mêmes. Mon dessein dans ces remarques n'estant que de faire des animadversions sur Des Cartes, sans pretendre d'y donner la veritable Philosophie. J'ay esté surpris que Mons. Pelisson a mis, sur tout dans les additions, des choses que je l'aurois prié d'en retrancher, si j'avois sçu son intention. Ce n'est pas qu'il y ait du mal, mais c'est qu'il y a quelque fois du mal entendu dans le monde. Tout cela n'a pas esté fait pour le public, et vous n'y trouverés pas vostre compte, Monsieur, si vous vous donnés la peine d'y jetter les yeux; mon dessein etoit de monstrer à Messieurs de l'Eglise Romaine par une maniere de retorsion que selon leurs principes non seulement les Protestans mais encor les Payens se peuvent sauver. Le reste est né par rencontre. Vous me faites esperer un jour quelque chose de votre part, qui sera d'une nature differente des matieres mathematiques. C'est ce que je seray ravi de voir. Et generalement tout ce qui vient de vous m'est pretieux. Je vous feray souvenir quelques fois de ce que vous dites dans vôtre lettre à l'egard de Des Cartes, qu'il est utile que les personnes d'une grande reputation disent leur conjectures sur toutes sortes de matieres pour exciter les autres. C'est ce que je voudrois que vous fissiez vous même. Je suis avec zele
Monsieur
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur Leibniz. | |
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P.S. Mons. van BeuninguenGa naar voetnoot6) est il encor en vie? On m'avoit dit autres fois qu'il s'estoit jetté dans des sentimens outrés sur la religion. C'est dommage qu'il n'a pas songé plus tost de donner au public des memoires de ses negotiations. N'y a-t-il pas quelque Ministre des Etats des Provinces Unies qui y pense? Car c'est bien dommage qu'aujourdhuy il n'y a que ceux qui ne connoissent rien aux affaires qui se melent d'en écrire. Mons. vostre Frere pourroit conserver à la posterité l'histoire veritable du grand Roy qu'il sert avec tant d'approbation. Ce que M. TempleGa naar voetnoot7) donne est tres considerable, cependant Monsieur du CrosGa naar voetnoot8) connu sur le Theatre de Nimwegue ayant esté touché un peu durement par M. Temple, veut donner une Apologie, où il pretend de redresser bien des choses qu'il croit n'avoir pas esté bien rapportées par M. Temple. |
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