Oeuvres complètes. Tome VIII. Correspondance 1676-1684

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N^o 2251.
Constantyn Huygens, père, à H. de Beringhen.
9 mai 1681.

La minute se trouve à Amsterdam, Académie Royale des Sciences.

Apres vous auoir espargné tant que j'ay pû la peine inutile de lire de mes lettres, j'ay creu que, pour user tousiours de la mesme retenue, sans manquer au devoir de vous rememorer ma treshumble et tres constante affection a vostre seruice je deuois attrapper ceste occasion et ce moyen de vous faire complimenter de bouche par une forme d'Ambassade meslée de deux sexes de mes sujets plus naturels¹⁾. Peut estre vous souuiendrez vous d'auoir veu ceste petite femme dans le berceau. peut estre aussi que non; car comme ce fut en l'année de nostre prise de Breda 1637, que la mere mourut en couche je pense que vous n'aurez pas vescu ensemble en ce païs icy²⁾. Tant ij a que m'aijant veu mari de ceste pauure Mere, dont les vertus ne vous ont pas esté inconnues, j'espere que vous n'aurez point a deplaisir que je vous en represente la production accompagnée de toute sa jeunesse, relique du plus grand nombre de creatures dont elle a eu soin de me faire si souuent le grand Papa. que la trouppe pour estre si nombreuse, ne vous effraije pas. elle ne vous sera aucunement à charge ou importunité. Le Mari qui a l'honneur de ne vous estre pas inconnu, marche à la teste; connoist le païs et la langue³⁾, et aura bien l'adresse de regaler sa Bande de ce qu'il y a de bon et de beau à veoir dans Paris et ses enuirons. C'est, monsieur, une curiosité qu'il me semble qu'on ne doibt blasmer en des jeunes gens de leur calibre, et qui, par la grace de Dieu, possedent de quoij contenter leurs enuies. Autre sujet de leur pelerinage (qui ne durera qu'un mois de france) est l'indisposition du bon frere Archimede, qui languit depuis quelque temps en sorte qu'il me faict la derniere pitié. On m'asseure que la veuë de ses proches, et nommément de ceste soeur unique qu'il aijme uniquement aussi, pourra le recreer, et le remettre en estat de s'en venir me veoir auec elle au païs natal, qui en pareille occasion⁴⁾ luij a faict grand bien. J'ay tousiours jugé que ceste complexion si foiblette succomberoit à la fin à ce trop fort esprit, et que, de

1) Philips Doublet, avec son épouse, Susanna Huygens, et leurs trois enfants. Ils revinrent à la Haye avec Christiaan Huygens le 11 septembre suivant. Sous cette date, Constantyn, père, nota dans son ‘Dagboek’: ‘Redeunt feliciter ex Galliâ Gener meus St. Annelandius cum uxore, tribus liberis, et Christiano meo.’

2) Consultez, sur le séjour de de Beringhen en Hollande et sur l'amitié qui le lia à Constantyn Huygens, père, la Lettre N^o. 46, note 1, et la Lettre N^o. 821.

3) Le dernier séjour de Philips Doublet à Paris datait de 1676; voir la Lettre N^o. 2088, note 3, et la Lettre N^o. 2091, note 1. Il avait accompagné, en 1655, Christiaan et Lodewijk Huygens, dans leur premier voyage à Paris; voir la Lettre N^o. 226, note 1.

4) Il s'agit des maladies de 1670 et 1676.

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la manière que je m'y prens, a peine me pourroit il suruiure. Ce sera comme il plaira à Dieu de disposer du beau prest qu'il m'en a tant faict, et laisse jouir et en cette occurrence, monsieur, je me prevaudray de vostre exemple, et tascheray de tout supporter auec la moderation que nous vous auons veuë, quand vous vous estes veu rauir plus d'une fois ce que vous possediez de plus cher au monde. C'est la estre monsr. de Beringhen. je prie Dieu que vous puissiez continuer de l'estre autant que vous le desirerez et tousiours le souhaitte du fonds de son coeur etc.