Oeuvres complètes. Tome III. Correspondance 1660-1661
(1890)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 821.
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veoir deuant eux un fossé plus large qu'ils ne sçauroijent sauter, je m'arreste tout court en ceste belle haste, et vous demande pardon pour Pere et fils, de ce que ni l'un ni l'autre, ni tous deux ensemble ne sont capables de vous tesmoigner en paroles seulement le veritable ressentiment qu'ils ont de tant de bienueillance, si genereusement emploijée et si peu meritée. s'il vous plaist que j'en demeure là sur le bord de mon grand fossé de complimens, qui n'ont jamais esté du nombre de vos delices, je vous diraij, en ceste sorte de termes dont nous voulions nous entretenir, que j'estime ce garçon tres-heureux d'auoir rencontré en païs estranger, où l'abondance de beaux esprits ne sçauroit souffrir qu'on fasse guere cas du sien, qui n'est que de nostre portée Hollandoise, un Patron ensemble si debonnaire et si puissant. Croiriez vous bien cependant, monsieur, que la joije que j'en aij n'est point sans enuie, et que ce qui me chatouille là dedans ne laisse pas de me cuire un peu, de ce que je ne participe que de loing à la felicité de mon enfant? Mais, enfin, c'a esté, il y a longtemps, vostre bon plaisir, de me defendre Paris et vostre presence; et vous voijez comme jusqu'à present, ie me soubmets à la rigueur de vos ordres. Consolez vous tout de bon, et laissez vostre ame retourner en son repos; puis que vous auez gaigné sur le verd, vous n'auez que faire d'apprehendre le sec; quoy que par la grace de Dieu, je jouïsse d'autant de vigueur qu'on en puisse pretendre en mon aage, je considere volontiers, que (pour vous parler en langage de Bible) voyez les années qui approchent dont je dise, je n'y prens point plaisir. Si bien Monsieur que si vous persistez à vouloir faire du bien aux branches, je vous permets d'esperer que l'Arbre n'ira pas vous importuner. mais aussi, permettez moij s'il vous plaist, de vous dire que pour ce coup je ne nous tien pas encor au bout de nos comptes. Il reste la grace que je vous ose demander de vouloir faire en sorte, que ce Garcon ne reuienne pas sans auoir eu l'honneur d'estre presenté de vostre main à la Majesté et à l'EminenceGa naar voetnoot2). C'est à quoij ces jeunes gens ont bien accoustuméz d'estre admis en foule, et comme de la suitte d'une Ambassade: mais ce n'est pas de quoij je voudroij me contenter, s'il ij a moijen d'une approche plus particuliere, sans que la chose vous tourne à trop d'embaras ou d'importunité. usez en, pour Dieu, comme vous l'aggreerez le plus; et si je m'emancipe à trop de licence, donnez moij sur les ongles, et en me renuoijant par un, Dieu vous assiste, tenez ma supplication pour non faicte, et plus n'en sera parlè. que ne donneriez vous pas icy que plus je ne parlasse? Je finis veritablement auec beaucoup de honte de vous veoir chargé d'un si grand discours, et si mal basti. J'avouë que cela est bien esloigné de ce que je viens de vous promettre de la non-importunité de l'Arbre sec, mais il n'y a remede. quand j'aij commencé à vous entreprendre, il me semble que je reuoij encor Messieurs de Beringhen et de | |
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St.-SurinGa naar voetnoot3) en ma TenteGa naar voetnoot4). Adieu, mon cher Monsieur, et couronnez vos bienfaicts encor de ceste grace de me pardonner tant de mauuais babil. Je m'en vaij donner ordre à Amsterdam, à m'informer de la medicine uniuerselleGa naar voetnoot5), dont mon fils m'escrit que vous desirez estre instruitGa naar voetnoot6). Il est bien raisonnable, que je trauaille à vous alonger la vie par tous les Elixirs imaginables et potables, puis que moy et les miens ij auons tant d'interest. Par le prochain ordinaire je me faij fort de vous en faire sçauoir des nouuelles, et Archimede vous en ira rendre compte: car il me semble que de longtemps ie ne doibs plus entreprendre de vous accabler de mauuais papier, qu'autant qu'il en faut pour vous dire et redire ce que mon coeur fera tousiours mieux que ma main, que je suis Vostre tres-humble et tres-obeissant et tres-obligé seruiteur C.H. 9. decembre 1660. A Monsieur de Beringhen, Premier Escuijer du Roy tres-Chrestien. |
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