Oeuvres complètes. Tome VIII. Correspondance 1676-1684

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N^o 2223.
Philips Doublet à Christiaan Huygens.
23 mai 1680.

La lettre se trouve à Amsterdam, Bibliothèque de l'Université.
Elle fait suite au No. 2219.

A la Haije le 23^e Maij 1680.

Lorsqu'on vous croijoit desia en chemin ou peu s'en faut, sur les auis du bon homme Mons. de Beaufin arrivé n'aguerres de Paris, le Sigr. Padre nous fait voir dans vostre derniere que peut estre ce ne sera que vers l'arriere saison que nous aurons le bonheur de vous voir icij. mais que ce soit le plus tost qu'il vous sera possible, s'il vous plaist sigr. Fratello Caro, pour plusieurs bonnes raisons et sur tout celle de la solitude prochaine du Sigr. Padre, il est vraij que le frere de Zeelhem et sa cara consorte autor et jnventrix de ce remuement de menage ij sont encore et ij resteront peutestre encore quelque quinze jours jusques a ce que leur hostel sera tout meublé et accomodé a leur fantasie, mais apres cela j'apprehende que le bon Sigr. Padre se trouvera plus incommodé de se trouver ainssij seul qu'il ne voudra faire paroistre, nous autres tacherons bien autant qu'il nous sera possible de le divertir mais a midij et sur tout le soir le changement sera trop grand lors qu'il se trouuera sans auoir a qui parler.

J'aij receu enfin il ij a huit ou dix jours les Estampes de la feste de Versaille de l'annee 1668¹⁾ et vous remercie de la peijne que vous avez prise, comme aussi a l'esguard des autres choses que vous me mandez par vostre derniere du 10^e de ce mois, que je dois receuoir par le moijen du Sieur Loofs, qui n'est pas encore arrivé que je sache. J'attens auec jmpatience que le Liure des maisons Roijales soit acheué d'jmprimer, et s'il n'est pas encore prest j'espere au moins qu'il le sera vers le temps de vostre venue. Jl me fache que ces ouurages de Perelle des veues des alentours et dedans de Paris²⁾ deviennent pires de jour a autre, car il auoit si bien commencé ce trauail.

Madame de Buat part demain pour Paris³⁾ auec un fort jolij train, carosse a six cheveaux laquais etc. a proportion, vous la verrez bien tost, son fidelle Seigr. de Slijdrecht reste encore icij, mais il ij en a qui disent que sous main il dirige et dirpose ses affaires de la sorte qu'il paroist qu'il ait quelque dessein de voijage.

Mons. van Leeuwen envoije ses quattre filles et le Sieur Ruijsch deuant avec tous ses meubles et nous les attendons de jour a autre icij, et luij restera a Windfor aupres du Roij jusques a l'arriuee de son successeur⁴⁾, qui est prest pour partir a ce

1) Voir la Lettre N^o. 2211.

2) Voir la Lettre N^o. 2219, note 5.

3) Voir la Lettre N^o. 2218.

4) Voir la Lettre N^o. 2215, note 6.

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qu'il m'a dit luij mesme encore hijer, mais il semble que Mons. le R. Pens.⁵⁾ a quelques raisons pour ne le pas depescher si tost, afin que nostre amij ne revienne que le plus tard qu'il sera possible. et encore sera ce tousjours trop tost pour luij qui gouuerne astheure auec bien plus de liberté, que quand l'autre ij est aussi. sed de his coram plus amplement.

Ma bonne mere est tousjours a peu pres en mesme estat, tantost un peu mieux et tantost un peu moins bien, il paroist bien qu'elle est d'une constitution extraordinaire car c'est une chose estonnante, aux medecins mesme, comme quoij elle peut resister si longtemps⁶⁾, et il y a grande apparence que vous la trouverez encore en vie, cependant elle est en un estat fort pitoijable tousiours dans un tres grand desir d'estre deliuré de tous ses maux et attend son heure auec une resignation et une patience admirable, cependant elle a l'esprit encore aussi libre qu'elle l'a jamais eu. Je luij aij fait vos baisemains comme vous l'auiez souhaitté, et m'a commandé de vous saluer de sa part disant qu'elle seroit bien aijse que vous fussiez arriué icij en bonne santé, mais qu'elle scauoit bien que vous estiez trop charitable pour souhaitter que vous la puissiez trouuer encore icij a vostre arrivee.

Adieu toute la famille vous baise les mains.

Monsieur

Monsieur Huguens de Zuijlichem &c., &c.; a la Bibliotheque du Roij Rue Viuienne a Paris.

5) Gaspar Fagel, fils aîné de François Fagel et de Beatrix van Byemont, né à la Haye en 1629. Il succéda, en 1672, à Johan de Witt, dans la charge de Raadpensionaris. Il est connu par son énergie, déployée dans la guerre de 1672, et par les services éminents qu'il rendit à son pays et à Willem III, dont il prépara l'avènement au trône d'Angleterre. Ce fut sur son lit de mort qu'il reçut la nouvelle de l'heureux débarquement du prince dans la baie du Torbay, le 15 décembre 1688.

6) Voir la Lettre N^o. 2224, note 1.