Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

N^o 1656.
Christiaan Huygens à Ph. Doublet.
3 août 1668.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 3 Aoust 1668.

I'ay leu avec fort grand plaisir l'histoire que vous m'avez envoiee¹⁾ qui contient une avanture si estrange que devant que d'en avoir veu cette relation j'avois eu de

1) Nous ne possédons pas ce récit manuscrit, ni la lettre conductrice de Ph. Doublet à Chr. Huygens.

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la peine a croire que ce fut une chose arrivée en effect. Le Sieur Romf²⁾ la semaine passée en avoit fait imprimer un petit abbregè³⁾ fait a la haste et marquant si peu de circonstances que les lecteurs en estoient peu satisfaits et ne scavoient que juger de la veritè du compte. Maintenant il travaille a un plus ample recit⁴⁾ en Francois qui sera composè de ce que vous m'avez envoiè et de quelques relations qu'il dit estre entre les mains de Monsieur boreel⁵⁾, ou j'espere que nous verrons quelque rapport touchant l'estat present de cette Isle et de ses habitans. mais j'apprehende qu'en voulant estendre et embellir l'histoire le Sieur Romf ne fasse de mesme que le traducteur⁶⁾ de la Relation de la Chine⁷⁾. Car on ne scauroit rien adjouter a ces choses sans les gaster. Je suis marry que ce bon George Pines⁸⁾ dans son grand loisir n'a pas fait des escrits plus amples et marquè cent choses touchant la maniere de vivre de ses descendans, de l'histoire naturelle de son isle, sa forme, sa grandeur et situation, de toutes les quelles choses il pouvoit avoir fait le plus beau livre du monde. mais c'estoit un pauvre homme, exceptè pour la multiplication du genre humain ou il faut avouer qu'il a fait merveille. I'ay icy aupres de moy un peintre qui fait un paisage au dedans du couvercle de mon clavecin. je suis marry que je n'y ay fait mettre un bout de l'Isle de Pines et le naufrage, ou plustost les debris du vaisseau, Et le Patriarche George avec ses 4 fem-

2) Christianus Rompf, la secrétaire de l'ambassadeur des Provinces-Unies à Paris. Voir la Lettre N^o. 1414, note 1.

3) Ontdeckinge van 't Eyland van Pines, zijnde een waerachtige Beschrijvinge van 't vierde Eylandt in 't Zuyder onbekent Lant, zo van desselfs Vruchten, Dieren, Gelegentheyt, als mede de voortteelinge der Engelse Natie, &c. op 't selve Eylandt. Uyt het Engels vertaelt. t'Amsterdam, voor Jacob Vinckel, Boeckverkooper in de Beere-straet, in de History-schrijver. 1668 in-4^o.

4) Le recit plus détaillé a aussi paru en hollandais, sous le titre:
Oprecht Verhael van 't Eiland van Pines, en des zelfs Bevolking; of laetste Ontdekking van een vierde Eiland in Terra Australis, incognita. Gelicentiseert den 27. Junij oude of den 7. July Nieuwe stijl. 1668. Gedruckt tot Rotterdam, (na de copije van Londen, bij S.G. voor Allen Bank, en Charles Harper, in de Lelij bij Cripplegate-Kerke). Bij Joannes Naeranus, in de Lomberdstraet. 1668. in-4^o.

5) Willem Boreel, l'ambassadeur des Provinces-Unies à Paris.

6) S'agit-il de M. Thevenot? Consultez les Lettres Nos. 1088, 1209 et 1245.

7) Consultez la pièce N^o. 1039.

8) Suivant son récit, George Pines, né en 1569, était teneur de livres, et partit le 3 avril 1589, avec son maître sur le vaisseau India Merchant pour un voyage aux Indes. Le maître était accompagné de son fils, de sa fille Sarah Engels, née en 1575, de ses deux servantes Mary Sparkes et Elisabeth Trevors, et d'une négresse Philippa. Après une tempête, ils firent naufrage, et Pines avec ces quatre femmes se sauvèrent seuls sur une île inconnue. En 1619, il perdit la négresse; il avait alors, de ces quatre femmes, 48 enfants, qui à troisième génération avaient procréé 560 enfants. Il les divisa en quatre nations, suivant ses quatre femmes, et les envoya dans quatre parties diverses de l'Ile, avec ordre de ne pas se marier dans la même nation. En 1634 et 1635 moururent les deux servantes, et en 1647 Sarah Engels. En 1649 il compta ses descendants, au nombre de 1789.

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mes sur le haut du rocher dans la cabane qu'ils avoient faite. Cela feroit un tableau bien agreable et je tascheray encore de le mettre en petit sur les bords dans une ovale.

l'odeur de l'huile dans la chaleur qu'il fait m'a donnè un peu de mal de teste, fans cela je vous ferois la description de nostre fontaine⁹⁾ qui va par machine et jette un pouce et demy d'eau quoy qu'il ne nous en viene qu'un pouce de chez Monsieur Colbert. la machine va toute seule et se met en train elle mesme sans qu'on y touche. Ce sera pour la premiere fois. adieu.

A Monsieur Monsieur de Moggershil

A la Haye.

9) Consultez, sur cette fontaine, la Lettre N^o. 1639.