Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665

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N^o 1241.
J. Chapelain à [Christiaan Huygens].
12 juillet 1664.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

Monsieur

J'ay donné vne grande joye à nos Amis de deça par l'auis¹⁾ de vostre heureuse arriuée chés vous; mais personne ne l'a euë egale a moy qui m'interesse plus qu' aucun autre en vostre conseruation, et qui suis dauantage touché de ce qui vous regarde soit pour vostre santé soit pour le bien de vos estudes.

Vous le reconnoissés vous mesme fort obligeamment par les termes que vous aués employés pour cela dans vostre lettre, et je vous assure que vous ne vous abusés nullement dans l'opinion que vous en aués. Vous le connoistrés encore mieux par l'aueu que je vous fais que pour agreable que me fust vostre presence et vostre conuersation lors qu'on vous auoit parmi nous, je me resjoüis neantmoins de ce que nous ne vous possedons plus, puisque cela estoit necessaire a l'accroissement de vostre reputation et que pour auancer et parfaire vos trauaux il faut que ce soit vostre Cabinet qui vous possede. I'ay impatience, Monsieur, de voir meurs les fruits que nous en attendons et qui acheueront de vous mettre au dessus de tous les grands Physiciens et Mathematiciens de nostre Siecle. I'en seray particulierement aise a cause que l'addresse que vous en ferés au Roy justifiera les tesmoignages auantageux que je luy ay fait rendre de vostre rare merite, et vous aquitera enuers Sa Majesté de celuy qu'Elle vous a donné de ne le pas ignorer. Vous y serés sans doute excité de nouueau par la nouuelle marque que vous receurés bientost de la continuation de son estime et que vous eussiés receue des icy si vos Muses ne vous en eussent point arraché. Nous auons depuis quelques jours Monsieur Vossius²⁾ auquel j'espere de faire auoir la mesme grace encore aussi bien qu'a nostre cher Monsieur Heinsius et a ces autres Messieurs qui furent considerés³⁾ par le Roy l'année passée sur mes offices.

Vous pouués penser quelle satisfaction ce me sera d'apprendre de temps en temps par vous mesme de vos nouuelles et de celles de l'Estat ou vous aurés mis vos grands projets. Mais j'en souhaite tant la perfection que je n'entens pas que ce soin que vous voulés prendre vous en destourne le moins du monde, et si vous m'escriués

1) Nous n'avons pas trouvé cette lettre de Chr. Huygens à J. Chapelain.

2) Is. Vossius, qui était en voyage et venait de l'Angleterre (consultez la Lettre N^o. 1208), demeurait à Paris au Pavillon Royal, Rue de la Monnaie, près du Pont Neuf.

3) Consultez la Lettre N^o. 1150, note 9.

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quelquesfois comme je vous en prie que ce soit s'il vous plaist a vostre loysir, et lors que vous aurés besoin de vous delasser l'esprit. I'en excepte le succes qu'aura eu le Pendule qui est allé a la Iamaïque⁴⁾, sur le point des Longitudes, dont je ne scaurois estre trop tost informé et par le menu, auec la liste des Obseruations de chaque jour pareille à celle⁵⁾ que vous me communiquastes de la nauigation de Londres a Lisbonne. Assurés je vous supplie Monsieur vostre Frere⁶⁾ de mon seruice et me faites la mesme faueur aupres de Messieurs de Beuningh⁷⁾ et de Viquefort⁸⁾. Ie vous dois auertir que Monsieur de Fermat Conseiller au Parlement de Toulouse et l'excellent Mathematicien que vous scaués s'est ciuilement plaint à vn de ses Amis par lettres de ce que vous ayant escrit et proposé quelque Probleme⁹⁾ de consideration vous ne l'aués pas jugé digne de vos reflexions et qu'il n'en auoit point eu de response. A toutes fins j'ay respondu que vous attendiés d'estre chés vous en liberté et hors de tout ce tumulte, ou le repos et les liures vous manquoient. Vous vserés de l'auis selon vostre bon jugement et je ne croy pas que vous vouliés negliger vn homme de ce poids qui nous tient lieu d'vn autre Vieta. Ie suis auec ma passion ordinaire

Monsieur

Vostre treshumble et tres obeissant serviteur Chapelain.

Je vous prie denuoyer a Messieurs Elzeuirs l'incluse¹⁰⁾ a M. Heinsius et de la fort recommander.

De Paris ce 12 Juillet 1664.

4) Consultez la Lettre N^o. 1173.

5) Probablement une copie de la pièce N^o. 1174.

6) Lodewijk Huygens.

7) Koenraad van Beuningen, qui avait été à Paris comme ambassadeur des Provinces Unies.

8) Il semble que Chapelain n'a jamais eu correspondance directe avec Abraham de Wicquefort.

9) Nous ne possédons pas de lettres de P. de Fermat à Chr. Huygens datées de cette époque. Les pièces N^o. 949, de la fin de 1661, et N^o. 991, de janvier 1662, sont les dernières lettres de P. de Fermat qui se trouvent dans notre collection.

10) Cette lettre de J. Chapelain à N. Heinsius avait été écrite le 27 juin.