No 1038.
Christiaan Huygens à [Lodewijk Huygens].
27 juillet 1662.
La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
le 27 Julii 1662.
Apres avoir escrit a Mon PereGa naar voetnoot1) et a vousGa naar voetnoot2) je fus extremement faschè la sepmaine passée que mon pacquet arriva d'un moment trop tard a la Poste, et d'autant plus qu'il y avoit encore une lettre de ma soeur, la quelle grossira maintenant ce pacquet icy. J'y joins aussi celle que je vous escrivis apres y avoir effacè un articleGa naar voetnoot3) qui n'estoit plus de saison. Pour celle de Mon Pere elle n'est pas a mon grè avoir estè escrite trop a la haste, et je croiois aujourdhuy luy en faire une a loisir mais le temps m'a estè derobbè premierement par des gens qui me sont venu veoir le matin, et apres diner par le cousin Martin ZueriusGa naar voetnoot4) qui est arrivè aujourdhuy et a disnè ceans avec sa seurGa naar voetnoot5) Hamel et son maryGa naar voetnoot6). De plus j'ay escrit une longue lettreGa naar voetnoot7) a Monsieur Thevenot que je luy envoie icy avec l'ExtraitGa naar voetnoot8) de la
relation Chinoise. n'ayant donc point de temps de reste je suis bien aise qu'il n'y a pas des choses importantes dans vostre lettre sur les quelles il faille beaucoup raisonner ou mediter pour y respondre. Je vous remercie des nouvelles, des quelles celle de la soeurGa naar voetnoot9) cachée a Tours m'a le plus surpris. Mais dites moy un peu comment vous estes maintenant avec la Signora MarGa naar voetnoot10). y allez vous encore ou estes vous exclus depuis que ce Seigneur Comte y regne.
Je scavois tresbien qui estoit Mademoiselle de l'EnclosGa naar voetnoot11), et Monsieur de BoisrobertGa naar voetnoot12) m'a plus de trois fois promis de m'y mener, mais tousjours il y est venu quelque empeschement. Il me monstra un tableau ou elle estoit peinte toute nuë, lors qu'elle estoit encore raisonnable, mais a cet heure elle est passée,
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et converse, à ce qu'on dit, avec les femmes honnestes apres que l'age luy a fait quiter son premier mestier. Mon Pere la voit assurement pour l'amour de la musique et je n'en veux point avoir d'autre penseeGa naar voetnoot13).
Hier nous disnasmes chez la Tante de St. AnnalandtGa naar voetnoot14) ou ma soeur fit lecture de vostre lettre. Quand on y voit ces descriptions de beaux lieux que tous les jours vous allez visiter, l'on juge que vous passez le temps le plus agreablement du monde, et encore vous vous plaignez. Adieu, vous aurez de l'argent bientost puisque el Signor Padre nous envoie une lettre de change de 800 ℔. |
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voetnoot1)
- Nous ne possédons pas dans nos collections cette lettre à Constantyn Huygens, père: au reste, elle n'a pas été expédiée.
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voetnoot4)
- Martin Suerius, fils de Jacob Suerius et de Johanna Lopes. Voir la Letrre No. 78, note 4.
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voetnoot6)
- Gerard Hamel Bruyninx. Voir la Lettre No. 919, note 5.
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voetnoot7)
- Nous n'avons pas trouvé dans nos collections cette lettre à M. Thevenot.
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voetnoot11)
- Anne, dite Ninon de l'Enclos, fille d'un gentilhomme Tourangeau, grand joueur de luth, naquit en 1615 à Paris, où elle mourut le 17 octobre 1705. Elevée par son père dans la philosophie épicurienne, elle entra en 1631 dans sa longue carrière galante, qu'elle poursuivait encore en 1690.
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voetnoot12)
- Sur Francois le Metel, seigneur de Boisrobert, voir la Lettre No. 604, note 14.
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voetnoot13)
- Arago, dans son esquisse biographique de Christiaan Huygens (voir les OEuvres Complètes de François Arago par J.A. Barral, 1855, in-8o, Tome III, page 321), dit: ‘Huygens dans un de ses voyages à Paris, connut Ninon de Lenclos, et lui adressa des vers peu irréprochables sous le rapport de la pensée et de la forme. Voltaire a eu la malice de nous les conserver, et ils sont souvent cités par ceux qui prétendent établir l'incompatibilité du génie en matière de sciences et du talent poétique. Une telle conclusiou, il faut l'avouer, est peu logique lorsqu'elle a pour base quatre mauvaises rimes mises en balance avec ce que l'esprit humain a produit de plus ingénieux.’ Cette défense d'Arago est superflue, car il est prouvé aujourd'hui que les vers en question ne sont pas de Christiaan Huygens, mais de son père Constantyn. L'erreur vient de Fontenelle qui, dans ses ‘Mémoires sur la vie de Mademoiselle de Lenclos’, attribue le quatrain à Christiaan Huygens; celui-ci l'aurait écrit pendant le séjour qu'il fit à Paris, ‘lorsqu'il eut été nommé ambassadeur des Etats-Généraux en France de 1661 à 1665.’ Or, cet ambassadeur est Constantyn Huygens, père.
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