Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659
(1889)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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et m'y trouuant cité en des termes si obligeans et si honnorables. Je vous en ay vne obligation veritablement immortelle puisque ce Traitté est d'vne trempe et d'vne constitution à ne mourir jamais. Il faudra essayer de ne m'en pas monstrer indigne, par la justice que je rendray toute ma vie à vostre scauoir et à vostre vertu. C'a esté vne tresbonne methode de commencer par l'histoire de vos Obseruations d'vne Planette si eloignée, et de la connoissance que vous aués euë de cette lune en l'obseruant. Ce que vous y dittes de la difference de vos Telescopes est vn effet de vostre candeur et de vostre jugement. Je croy que celuy de vingttrois pieds et demy est le plus long qui soit en l'Europe. Il me semble pourtant que vous auiés dessein d'en fabriquer vn de trentesix pieds pour auancer tousjours dauantage dans le Ciel et pour nous en rapporter tousjours plus de nouuelles. Cette refutation que vous faittes apres des diuers Systemes qui ont esté faits de cette Planette estoit absolument necessaire, et je suis demeuré persuadé que vous les aues tous conuaincus de faux. Pour la maniere dont vous establissés le vostre autant que je l'ay peu comprendre, elle m'a paru concluante, nonobstant les objections de la bizarrerie de l'anneau dans les termes de la Nature et de ce manque de reflexion de lumiere par le bord externe de cet anneau posé par vous assés espais pour la renuoyer, auxquelles vous satisfaittes a mon auis suffisamment pour ceux qui voudront estre commodes et raisonnables. Quand à ce que vous supposés que les deux surfaces du plan de l'anneau doiuent estre vnies ou du moins plates, je l'approuue bien en tant qu'il n'y doit point auoir de monts et de vallées notables mais non pas en tant que lisses et polies comme vne glace de miroir, parce quelles ne reflechissent les rayons lumineux qu'en vn point de mesme que la mer calme et que par consequent on ne les verroit point; mais je croy que vous l'entendés ainsi. J'auois esperé qu'apres auoir contemplé Saturne de nostre Terre vous en auriés fait la Theorie en contemplant le Monde de cette Planette mesme, comme Kepler a fait de la lune dans sa SelenographieGa naar voetnoot4) et vous aues marque sur la sin que cela seroit en quelque sorte necessaire. Vous vous en estes dispensé pourtant et l'aues laissé à dautres, comme facile à qui s'en voudroit donner la peine sur vos principes. Je pensois que la Lune de cette Planette seroit dauantage meslee dans les preuues du Systeme conceu auec l'anneau. Elle s'y rencontre neantmoins assés pour y seruir vtilement et pour contribuer à sa vraysemblance. Il sera malaisé que vos Riuaux s'empeschent de vous repartir et qu'ils soient assés candides pour auouer la dette. Mais leurs defenses et leurs attaques mesme ne seront bonnes qu'a vous donner vn plus beau champ de monstrer vostre force et la fermeté de vos fondemens. Continués, Monsieur, dans cette noble carriere et conserués vous y le rang eleué que | |
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vous vous y estes si legitimement acquis. Les nouuelles Meditations sur la Dioptrique et l'Art de former et polir les verres qui doiuent seruir aux Telescopes seront sans doute des choses rares et dvn vsage singulier. Deuant que Monsieur Descartes eust publié le Traitté qu'il en a fait, je vis entre les mains de FerrierGa naar voetnoot5) fameux artisan de ces sortes de Lunettes vne longue lettre qu'il venoit d'en receuoir par laquelle il luy mandoit en termes propres et de sa main que sil suyuoit exactement l'ordre qu'il luy auoit donné pour la formation des verres il ne doutoit aucunement que par leur moyen on ne descouurist dans le corps de la lune s'il y auoit des habitans ou nonGa naar voetnoot6). Mais jamais cet ordre na peu estre mis en execution ni par luy ni par quelques Anglois qui se sont ruïnés dans cette entreprise. Pour vostre projet des Parelies et des Couronnes je n'en attens rien de commun et de mediocre pour vostre gloire. Monsieur de Monmor a qui sans luy decouurir vostre sin, suyuant vostre desir, j'ay demandé de vostre part cette figure du Parelie de sept soleils obserués a Rome en 1630. par Scheiner, apres l'auoir cherchée dans les Manuscrits de feu Monsieur Gassendi m'a respondu qu'elle n'y estoit pas et m'a promis d'en escrire a Lion a lhommeGa naar voetnoot7) du Defunt pour scauoir s'il la veuë et s'il ne la point, et pour l'obliger a la luy enuoyer au cas qu'elle soit en sa puissance. La Machine Arithmetique de Monsieur Paschal m'a tousjours passé pour capable de seruir aussi bien a la multiplication et diuision qu'à la Soustraction et Addition et je croy qu'il me l'a dit luy mesme, adjoustant si je ne me trompe qu'il ne desesperoit pas de la porter au point de seruir aussi aux fractions. Quand vous la verrés et que vous l'aurés exercée, suyuant le Dessein par escritGa naar voetnoot8) que vous en aués, je suis assuré que vous ferés grand cas de ce genie et dautant plus que vous le trouuerés plus semblable au vostre. Cest par vous que j'apprens la publication de ses lettres GeometriquesGa naar voetnoot9). Retiré du monde comme il est je ne croyois pas qu'on pust rien tirer de luy de semblable matiere. Il a vne grande quantité dautres Traittés prests a donner de Problemes curieux, mais qu'il tient supprimés auec assés de cruauté. Peu a peu lon gaignera sur luy qu'il les souffre paroistre. On en auoit formellement esperé celuy du vuideGa naar voetnoot10) duquel il publia il y a sept ou huit ans vne ebauche | |
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legereGa naar voetnoot11). Mais la deuotion et ses infirmités l'ont retenu jusqu'icy de labandonner au jour. Ce fut luy qui inuenta la Colonne d'air pour rendre raison de ce qui arriuoit a la descente du Mercure de dedans le tube jusques à vn certain nombre de pieds et de pouces. Monsieur Heinsius m'a envoyé la ResponseGa naar voetnoot12) faitte au ManifesteGa naar voetnoot13) de l'Ambassadeur de Portugal. Je luy escris et vous supplie de luy vouloir faire tenir seurement ma lettre. L'accident arriué a la famille de Monsieur nostre Ambassadeur apres nous auoir extremement troubles tout ce qu'il a icy de seruiteurs sinceres commence a nous moins affliger par le bon train que prend la guerison des blessés et des malades. Si vous tombés sur ce discours là auec son Excellence faittes moy la faueur de luy dire que personne n'en a esté plus sensiblement touché que moy ni qui ait plus pris de part a la peine qu'il en a soufferte. Pour vous croyés bien que je suis a toute espreuue
Monsieur
Vostre treshumble et tresobeïssant seruiteur Chapelain. De Paris ce 15. octobre 1659.
A Monsieur Monsieur Christianus Hugens Gentilhomme Hollandois A la Haye. |
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