Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659

N^o 632.
Ch. Bellair à Christiaan Huygens.
Appendice au No. 631.

La pièce se trouve à Leiden, coll. Huygens.

Explication de la Machine de Monsieur Pascal par laquelle on pratique l'Arithmetique¹⁾.

Celle que j'ay entre les mains n'est que pour les nombres entiers. Elle ne peut s'estendre que jusques aux dixaines de mille: C'est a dire que le plus grand nombre qu'elle puisse monstrer est 99999.

Cette machine a l'exterieur paroist comme vne petite cassette de cuiure bordée par haut et par bas de deux petites moulures d'Ebene, et soutenüe sur 4 petites pommes aussy d'ébene.

La feuille marquée Premiere figure montre la grandeur du dessus de cette cassette et ce qui y paroist.

Les lettres A, B, C, D, E marquent 5 cercles qui sont vn peu éleuez sur chacun desquels les 10 caracteres des chiffres sont escrits, et ces cercles sont fixes.

Au dedans de ces cercles les lettres F, G, H, I, K marquent autant de roues, qui ont chacune 10 crans et dont chaque cran (la roüe demeurant en sa liberté) se met toujours vis à vis de quelqu'vn des chiffres.

On fait tourner ces roues contre lordre des chiffres (car elles ne sçauroient aller

1) Une machine de Pascal, nommée Pascaline, est conservée au Musée de Clermont Ferrand.

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de l'autre costé) mettant vn petit baston dans lequel des crans l'on veut. On ne leur fait jamais faire vn tour entier sans leuer le baston, car on rencontre en chemin la piece marquée L qui est fixe.

La roüe F est pour les nombres; la roüe G pour les dixaines, &c.

Au dessus et vis a vis de chacune de ces roües il y a vne ouuerture deux fois aussy longue que large aux endroits marquez M, N, O, P, Q, a chacune desquelles ouuertures il paroist vn tambour qui est enfermé dans la cassette et qui en tournant decouure diuers chiffres.

Il y a vne regle de cuiure marquée R qui coule dans les fentes S, T, en la poussant par ses deux bouts V, X, qui sont retroussez et tournez comme Y, Z. Cette regle est pour cacher tousjours la moitié de chacun de ces trous. Car quand on veut faire l'addition on la pousse enhaut pour decouurir les chiffres d'embas, quon y voit ponctuez. Et quand on veut faire la soustraction on decouure ceux denhaut. Par exemple en faisant aduancer la roüe F d'vn cran au lieu de I qui est sous M il viendra O, et au lieu de ce 8 il viendra 9 car ce n'est qu'vn mesme tambour comme il se verra plus clairement dans la seconde figure; ou il est a remarquer que ces chiffres sont sur la partie denhaut de chaque tambour dans vn ordre contraire a ceux dembas.

La seconde figure represente le dedans de la cassette comme si on la voyoit ouuerte par le costé marqué Y dans la premiere figure. On voit aussy le profil du dehors car a, a, sont de petites moulures d'ebene enhaut et embas; et b, b, des pommes de mesme bois.

Le haut de cette figure depuis c jusques a, d, est le profil de la premiere figure veue par le costé Y. A de cette seconde figure est l'epaisseur du cercle A de la premiere. F est l'epaisseur de la roüe F. L est l'arrest L de la premiere figure veu par le costé. e, est louuerture marquée dans la premiere figure au dessous de M. g, est le tambour sur lequel sont escrits les chiffres qui paroissent les vns apres les autres par cette ouuerture. Je n'ay point icy figuré le profil de la regle R.

Maintenant pour expliquer le dedans, il est visible qu'en faisant tourner la roüe F on fera aussy tourner la roüe h, et par son moyen les roües i, l, m, qui sont toutes trois sur vn mesme axe; et ensuitte la roüe n, tournera et le tambour g. Toutes ces roües ont chacune dix pointes ou dents, horsmis la roüe i, qui en a 20, mais elle fait la mesme chose que si elle n'en auoit que dix, car la roüe h, en prend tousjours deux a la fois.

La 3^e. figure represente le dedans de la cassette comme si le deuant en estoit ouuert. Il n'est pas besoin d'vne particuliere explication de chaque piece, si ce n'est d'vne dont il n'a point encore esté parlé; car pour les autres on les entendra facilement, parce qu'elles se voyent toutes par le costé dans la seconde figure. Cette piece est dans la feuille de la 3^e. figure cottée par les lettres r, et s. La lettre r la represente veüe par le dessus; et la lettre s, par le costé.

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Elle se met aux endroits t, et, u de la seconde figure; en sorte que t, et u, de la seconde figure representent t, et u, de la piece r; et elle a son mouuement fur l'axe x.

Cette piece s'appuye sur les pointes de la roüe l, de la seconde figure vers le haut de cette roüe, permettant a cette roüe de tourner dvn costé, et l'empeschant de tourner de l'autre. Lon en voit 5 figurées par le costé dans la 3^e figure.

Il ne reste plus qu'vne piece a expliquer qui est la plus dificile de toutes. Je ne sçay si je pourray bien la faire entendre. Elle est representée dans la feuille de la seconde figure en 2 manieres, A, la fait voir par le dessous, et B par le costé. Elle sert a faire passer le mouuement d'vne roue a l'autre par sa pesanteur.

Les endroits + et de la figure A, se mettent aux endroits marquez + et dans laxe des roües i, l, de la seconde figure; et l'endroit marqué se place entre les 2 roües i, l, en sorte que lors que ces roües tournent, la barre qui est entre les deux marquée ✱ se met dans le cran de la figure B et la leue: Puis l'autre barre marquée ⇸ entre les 2 mesmes roües prend la mesme piece par lendroit ♒ et la leue encore plus haut; et si ces roües continuent de tourner cette piece s'echape et tombant embas va se reposer par l'endroit marqué ϕ sur lappuy marque ϕ dans la seconde figure.

Mais il faut remarquer que la petite piece ♓ ♈ ♉ est mobile sur laxe ♓, qu'elle est pressée par vn ressort ∆ ♑ qui la pousse tousjours vers le centre, et que cette piece glissant par sa concauité ♈ ⋀ sur les pointes de la roüe qui dans la machine des dixaines est semblable a la roüe l dans la machine des nombres, a tousjours son extremité ♓ ♈ appuyée contre vne des dents de laditte roüe, ce qui fait que lorsque toute la piece tombe par son poids cette extremité ♓ ♈ pousse cette seconde roüe d'vn cran. Il y a 4 pieces comme celle là: La premiere est appuyée sur la machine des nombres, et sert a pousser celle des dixaines. La seconde est appuyée sur la machine des dixaines et pousse celle des centaines. La 3^e est appuyée sur celle des centaines et pousse celle des mille. Et la 4^e est appuyée sur celle des mille et pousse celle des dix milles. D'ou il arriue que quand toutes ces pieces sont leuées et prestes a tomber (qui est lors qu'aux trous de laddition tous les 9 paroissent) si on adjouste 1, cest a dire, si on fait marcher la roüe des vnitez F de la premiere figure vn cran toutes ces pieces venant a tomber les vnes apres les autres font passer tres promptement ce mouuement de la premiere roüe jusques a la derniere. Et au lieu de tous les 9 qui paroissoient il vient des zero en leur place.