Boileau en Hollande
(1929)–H.J.A.M. Stein– Auteursrecht onbekendEssai sur son influence aux XVIIe et XVIIIe siècles
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Chapitre VI
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auteurs nous renseignent sur le but qu'ils se sont proposé d'atteindre en écrivant leurs piècesGa naar voetnoot1). Ainsi Abraham van Mildert a publié sa tragédie Virginia (1618) ‘om dat in dees waerachtighe gheschiedenisse schuylen sommighe stichtinghen ghelyck’; Rodenburg, dans la dédicace de Melibea (1618), dogmatise comme suit: ‘Alleenlyck zal ick zegghen dat de Rym-kunsts eygenschap vereyscht, leerlycke voorbeeldinghen, stichtighe aenwyzinghe, ghelardeert met Godzalighe spreucken, aenlockende de Jeughd tot deughd, door heuschelycke berispinge van de misbruycken: waer ick immer heb ghetracht’. Govert van der Eembd, dans la préface de sa Sophonisbe (1620), veut même sacrifier la vérité historique au souci de la morale: ‘Indien wy in 't stellen deses Geschiedenis niet in alles gevolgt en hebben de Schiedenis-Schryvers die de selve beschreven hebben; dat gelooft worde, het selve niet geschied te zyn uyt waenwysheid, maer alleenlyck om ons Spel een weynigh leerings achter aen te voegen’. Il serait facile d'allonger la liste de ces citations, qui montrent toutes les soins que les auteurs prenaient de bien mettre en évidence la grande valeur morale de leurs pièces, où tous les criminels étaient invariablement punis et les vertueux récompensés. Aussi M. van Hamel termine-t-il la série des exemples qu'il allègue par la remarque suivante: ‘Nog lang na de zeventiende eeuw bleef dezelfde opvatting omtrent het doel van het tooneel voortbestaan. Geen gedachte is zoo typisch voor de Nederlandsche letterkundige theorie, geen stelling is zoozeer door elke litteraire strooming in ons land overgenomen. Stichtelijke en leerrijke kunst, ziedaar wat den Nederlander een behoefte des harten was, waarvan hij nooit afstand kon doen’Ga naar voetnoot2). Pour ce qui est des traductions des satires de Boileau, j'ai dressé la liste complète de celles qui se trouvent dans les Bibliothèques de Leyde, d'Amsterdam, de la Haye, de Groningue, d'Anvers, de Gand et de Bruxelles. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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De la Satire II, sur la difficulté de trouver la rime et de la faire accorder avec la raison, il y a une excellente traduction de la main de Sybrand Feitama (1764). C'est, comme le montre le titre, une satire littéraire d'ordre général. La Satire IV, sur la folie des hommes, n'a été traduite qu'une seule fois. On trouve ce poème dans les Dichtlievende Verlustigingen, bestaende in Veld- en Stroomzangen, Mengel- Lofen Hekeldichten en Toneel-Poezy, par Mr. M.d.R.Ga naar voetnoot1). Il existe de la Satire V deux traductions différentes, l'une dans les Dichtlievende Verlustigingen déjà signalées, l'autre dans la collection de Vyf Hekeldichten en eenige Byschriften van Nikolaas Boileau Despréaux, publiée en 1754 par Me J. Hudde Dedel, le même auteur qui, en 1773, a traduit la onzième Epître de Boileau. Sauf la neuvième, cette Epître est la seule dont j'aie pu dénicher une traduction ou plutôt une adaptation hollandaise. Dans le recueil des Dichtlievende Verlustigingen on trouve également une traduction de la Satire VII. La Satire VIII a été traduite jusqu'à trois fois. C'est la satire bien connue où le poète défend le genre satirique. La première traduction, intitulée De mensch dwaazer als het dier a paru en 1712 à Utrecht. La deuxième, sous le titre De menschelyke Dwaasheid date de 1715. La troisième est de 1754, et a été réimprimée en 1770 dans le recueil des Vyf Hekeldichten. De la Satire X il existe deux traductions. La première a été | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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publiée en 1726, sous le titre de Trouw-gevaar, dans les Schimp- en Hekeldichten uit Verscheide Poeten, gevolgt na den Roomsen Juvenalis. L a seconde est de 1754 (2e éd. 1770), et se trouve dans le recueil déjà cité des Vyf Hekeldichten de Me J. Hudde Dedel. Dans cette collection on trouve, en outre, une traduction des Satires XI et XII. D'ailleurs, la XIe Satire avait déjà été traduite plus tôt, c'est-à-dire. en 1716, sous le titre de De valsche Eer, par un auteur anonyme. La Ière Satire, sur la vie à Paris, n'a pas été traduite en hollandais. Le sujet traité ne pouvait intéresser que les Français, et surtout les Parisiens. Il en est de même pour les autres satires sociales, soit pour la IIIe, intitulée Festin d'un homme de goût faux et extravagant, et pour la VIe sur Les embarras de Paris. Celle-ci avait d'abord fait partie de la Ière Satire, mais a ensuite été publiée à part. Il n'existe pas non plus de traduction de la fameuse Satire IX, le martyrologue des poètes médiocres, où Boileau détruit une trentaine de réputations usurpées, comme nous l'avons déjà dit ci-dessus. Il est aisé de comprendre pourquoi ces satires n'ont pas trouvé de traducteurs. C'est que les sujets traités ne disaient rien à des étrangers. Passons en revue les différentes traductions des satires, épîtres et épigrammes de Boileau, dans l'ordre chronologique de leur parution. Il va sans dire que tous ces ouvrages n'ont pas la même valeur littéraire. S'il y en a d'insignifiants, il y en a aussi de très remarquables et qui ouvrent de larges perspectives sur la mentalité des traducteurs et sur celle de leur temps.
La première en date de ces traductions est celle de la Satire VIII par P. Le Clercq, né 1692 à Naarden, mort à la Haye en 1759, auteur de plusieurs poésies lyriques, de quelques ouvrages historiques et d'une comédie intitulée De Trommelslager of het Huisspook. En 1712, il a traduit la Satire VIII sous le titre De mensch dwaazer als het dier. Nous y trouvons plusieurs | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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passages curieux. Ainsi les deux textes nous montrent la conception différente des deux poètes sur le genre satirique, selon Boileau trait d'esprit, selon Le Clercq marque de mépris. Le premier s'exprime ainsi: Ces propos, diras-tu, sont bons dans la satire
Pour égayer d'abord un lecteur qui veut rireGa naar voetnoot1).
Le Clercq traduit librement: Dat zulks zich zeggen laat, als in een Hekeldicht
Men wil verachten 'tgeen het waardigste is te prijzenGa naar voetnoot2).
Pour donner à son travail un air plus hollandais, le traducteur a supprimé tous les noms de Français. Il remplace les trois philosophes Senault, La Chambre et Coëffeteau par le seul Sénèque, qui du reste les vaut tous les trois. Quand Boileau parle du guerrier intrépide dont la folle valeur sera exaltée dans la Gazette, Le Clercq lui fait plutôt offrir un médaillon frappé par Chevallier, le fameux médailleur d'UtrechtGa naar voetnoot3). Du reste, il remplace à plusieurs reprises le nom de Paris par celui d'Utrecht, où cette traduction a été imprimée. Il est probable que Le Clercq y demeurait alors; plus tard il est allé demeurer à Amsterdam, où la plupart de ses ouvrages ultérieurs ont paru. Voici un passage qui montre comment il a adapté sa traduction au goût hollandais. Le vers de Boileau: Prends, au lieu d'un Platon, le Guidon des Finances,
devient sous la main du traducteur: Men moet in Seneca, nog Plato, rykdom zoeken:
Lees als gy leezen wilt, van Leeuwens, Wassenaars.
Dans une note Le Clercq nous dit que ces deux auteurs étaient connus par leurs ouvrages sur l'économie politique et le notariat. Il aura probablement eu en vue Me Simon van Leeuwen (1625-1682) qui a écrit un très grand nombre d'ouvrages sur des questions de droit. Son livre le plus connu | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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est De Nederlandsche Practyk ende Oeffening der Notarissen, Leiden, 1656, ouvrage qui a été réimprimé plusieurs foisGa naar voetnoot1). Quant à Wassenaar, par ce nom on n'a pu indiquer, à mon avis, que Gerard van Wassenaar, auteur d'un livre très en vogue en ce temps-là: Praxis judiciaria, en deux volumes, parus en 1708 à Amsterdam, et dont le second est intitulé: Practyk notariael, ofte instructie tot het maken ende instellen van de voornaemste instrumenten en allerley contracten. Peutêtre aussi Le Clercq a-t-il eu en vue un certain Abel Wassenaer ou Waesenaer, professeur d'arithmétique à Utrecht, car nous lisons dans le Biographisch Woordenboek der Nederlanden de van der Aa en Schotel (XX vol. p. 57): Wassenaer of Waesenaer, Abel, rekenmeester te Utrecht, gaf in 't licht: Arithmetica door Bernardus Stockman, eertyds Fransoysche Schoolmeester in de vermaerde coopstadt Dordrecht, nu van nieu' curieus gecorrigeert ende verbetert, noch is hier by gevoecht een tafelken om te rebatteeren op sulcken tyt ofte intrest men begeert (Utrecht, 1637). Cette Arithmetica avec ses tables pour calculer les rentes me semble assez bien correspondre au Guidon des Finances dont parle Boileau. Somme toute, cette traduction n'est pas trop mauvaise et il y a même quelquefois de jolies trouvailles. Dès cette première traduction nous constatons un fait que nous retrouverons dans presque tous les autres travaux de ce genre, savoir, leur adaptation au goût hollandais et le besoin que le traducteur hollandais éprouve d'ajouter des digressions, des hors-d'oeuvre où l'on retrouve souvent son goût personnel. La conséquence de ces nombreuses digressions est naturellement que la satire hollandaise est en général plus longue que l'original. L'ouvrage de Le Clercq compte à peu près 70 vers de plus que le poème de Boileau.
En 1715 paraît, sous le titre de De menschelyke Dwaasheid | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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une autre traduction de la même satire, cette fois-ci de la main de Nikolaas van Amerongen. La traduction est précédée d'un Klinkdicht aan den Here Nikolaas van Amerongen, où P. de ByeGa naar voetnoot1) chante la gloire du traducteur et met en même temps en évidence la grande renommée du poète français en Hollande. Un des tercets de ce sonnet: Gy stelt, verlieft op 't schoon van Vrankryks grootsten dichter,
Op 't loflyk voetspoor van dien stouten zedestichter,
Der menschen dwaasheid aan uw vaderlant ten toon,
nous montre que c'est surtout de Boileau moraliste qu'il s'agit ici. Le sonnet est un éloge de van Amerongen, mais il n'en est pas moins vrai qu'il met en évidence la grande renommée du poète français en Hollande. Dans cette satire Van Amerongen suit le texte de très près. Contrairement à la traduction de Le Clercq, la sienne n'est pas une adaptation au milieu hollandais. Aucun des noms | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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propres français n'a été changé, et le traducteur n'intervient nulle part pour nous imposer ses propres idées. Le texte français lui suffit, mais, comme Boileau dit beaucoup en peu de mots, le nombre des vers français ne suffit pas au traducteur hollandais. La satire de Boileau compte 308 vers, le texte de van Amerongen, quoiqu'il suive son modèle presque mot à mot, en offre 402. Il paraît en effet excessivement difficile de rendre en hollandais toute la richesse du texte français, sans dépasser le nombre des vers de Boileau. Tous les traducteurs, à l'exception d'un seul, ont eu besoin d'un nombre de vers considérablement plus grand que celui de l'original. Ne nous en étonnons pas trop. Tous ces traducteurs vivaient à une époque où l'on n'était pas loin de considérer Cats comme un des meilleurs représentants de la poésie en Hollande. J'ai trouvé ailleurs l'occasion de montrer par des exemples que Cats était mis au niveau et même au-dessus de Vondel. Faut-il d'autres preuves pour montrer le goût déplorable des Hollandais pour le bavardage et les raisonnements à perte de vue?
Dans la bibliothèque de la Maatschappij voor Nederlandsche Letterkunde à Leyde se trouve entre autres un recueil factice très intéressant, contenant trois satiresGa naar voetnoot1). La première porte le titre: De bedorvene Zeden onzer Eeuw. C'est une paraphrase de la Sixième Ode d'Horace, de la main de Pieter Dögen, poète qui, au commencement du XVIIIe siècle, a vécu à DordrechtGa naar voetnoot2). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Les deux autres sont anonymes et portent les titres suivants: De valsche Eer et Het Nergensland. Dans l'avant-propos, le traducteur inconnu nous explique le titre curieux Het Nergensland: ‘Dit myn tweede Hekeldicht, gevolgt naar B. de Cantenac, komt mij voor, als was het van T. Morus in zijn Utopia ontleend’. Le poète, qui ne se cache même pas sous des initiales, considère de Cantenac comme un émule de Boileau, si ce n'est pour la forme, du moins pour le fond. C'est en vain, que j'ai tâché d'identifier l'auteur: ni van Doorninck (Vermomde en naamlooze Schryvers), ni Kleerkooper en van Stockum (De Boekhandel te Amsterdam) ne nous renseignent à ce sujet. De valsche Eer est la traduction rimée de la Satire XI de Boileau, adressée à M. de Valincour. Dans la traduction, très libre et adaptée aux circonstances, le traducteur donne libre cours à ses opinions personnelles. Dans la préface il nous renseigne sur la manière dont il comprend son modèle et sur le mobile qui l'a conduit à nous taire son propre nom: ‘Dit Hekeldicht, naar Boileau Despréaux gevolgt, is zoo algemeen, dat niemant het zich in het bezonder kan aantrekken; zulks zyn alle betuigingen ten dien uitzichte onnoodig.... Voor de rest heb ik het, zoo veel my mooglyk was, op onze tezamenleevinge tehuis trachten te brengen, en my niet zoo geheel aan de uitdrukzelen van den Dichter, dan wel aan zyne meeninge gehouden; teraade zynde my aan geen gelyk getal van verzen te binden, konde ik anders den zin treffen. Kwaadaardige of netelige uitzichten ten naadeele van iemant zyn geenszins oorzaake dat ik mynen naam niet by dit Dicht hebbe doen drukken, maar zulks geschiede, enkel, om in een veel minder graad dan Apelles, met hem achter myne ontleende Tafereelen te schuilen, om myne gebreken te leeren kennen, ten einde die te verbeteren in de verdere vertaalde Hekeldichten van dezen Franschen Momus, die, niettegenstaande hy van zyn voorganger de beste bloemen heeft ontleend, met recht in dat slag van dicht te roemen zy’. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Dans cette dernière phrase le traducteur nous annonce le projet qu'il a de traduire encore d'autres satires de Boileau. Malheureusement il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de découvrir si ce projet a été exécuté, puisque le poète hollandais ne nous a pas dévoilé le secret de son nom. Le passage suivant peut servir d'illustration de la façon dont il traduit de texte de Boileau. Mais, avec tous ces dons de l'esprit et de l'âme,
Un roi même, souvent peut n'être qu'un infâme,
Qu'un Hérode, un Tibère effroyable à nommer,
Où donc est cet honneur, qui seul doit nous charmer?
devient chez le poète hollandais: Neen; want benevens al die gaaven van den geest,
Of 't lichaam, kan een vorst, een koningk eerlooz weezen,
Een Nero, een Tibeer, verschriklyk en te vreezen,
Een Hendrik, een L(ouis), die dorst met bloed verslaat
En met der vroomen merg, zyn hongrig lyf verzaad.
Is 't zoo? Waar's dan die Eer die yder moest begeeren?
Ces derniers vers sont évidemment une allusion à la révocation de l'Edit de Nantes. Quant aux deux vers suivants de Boileau: Quoi qu'en ses beaux discours Saint-Evremond nous prône,
Aujourd'hui j'en croirai Sénèque avant Pétrone,
le traducteur les a tout simplement supprimés. Il est probable que, ne sachant pas que Saint-Evremond était le grand admirateur de PétroneGa naar voetnoot1). il ne les a pas compris. Les deux passages suivants nous montrent la façon dont notre poète a adapté sa traduction au milieu hollandais: Boileau: Un injuste guerrier......
N'est qu'un plus grand voleur que Duterte et Saint-Ange.
Le poète hollandais: Een onrechtvaardig held......
Is slechts noch grooter dief, dan immer te Amsterdam
Woonde in den Duivelshoek, of ooit in 't Rasphuis kwam.
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Ailleurs Boileau écrit: On livre son pareil en France à la Reynie,
Dans trois jours nous verrons le Phénix des guerriers
Laisser sur l'échafaud sa tête et ses lauriers.
Cet éloge de la Justice devient sous la plume du traducteur: Indien men op de Poort zyn weergaa kon doen zetten,
Of in de Kastleny, naar zulke gasten vraag,
Haast zou der Schouwten Schouwt, huishoudende in den Haag,
Dien Heldenfenix, een hoogduitschen beul verkiezen,
En op 't Groen Zootje, kop en lauwren doen verliezen.
Le traducteur anonyme doit avoir été protestant. Non seulement il a intercalé une allusion indignée à la révocation de l'Edit de Nantes, mais on trouve dans le texte hollandais le vocabulaire caractéristique des protestants. Les vers de Boileau: Un chrétien qui s'en sert pour disculper le vice,
Qui, toujours près des grands, qu'il prend soin d'abuser
Sur leurs faibles honteux sait les autoriser,
Et croit pouvoir au Ciel, par ses folles maximes,
Avec le Sacrement faire entrer tous ses crimes,
Des faux dévots pour moi voilà le vrai héros,
sont rendus en hollandais par le passage suivant: Een christen, die alleen de Schriften neemt te baat,
Omdat hy best door daar verschoonen kan zyn kwaat,
Een christen, die zich weet by Grooten te vertoonen,
En door hun misdaan, weet de zyne te verschoonen,
Terwyl hy hen met zorg door Bybeltaal misleid;
Altoos spreekt van berouw, straf en boetvaardigheid,
In waan, dat zyn geloof, 'twelk rust op beuzelingen,
Hem, onder 't Avondmaal, ten Hemel in zal dringen,
Wiens valsche Grondwet, 't kwaad voerd door de sterren heen,
Zulk een is 't Puikjuweel der Fynen die ik meen.
Ce n'est pas le seul vocabulaire, mais aussi le fond qui caractérise ce passage comme protestant. Ainsi le rôle que Boileau attribuait aux sacrements, est donné par le traducteur à la foi, ce qui est une des caractéristiques de la doctrine protestante. La préface nous a déjà dit que nous avons affaire à un | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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homme très prudent qui n'aime pas froisser les susceptibilités. Il a le même souci quand il s'agit du jansénisme, qu'il évite de nommer, comme le montre la traduction des vers suivants où il s'est du reste très maladroitement tiré d'affaire: Boileau: La vertu n'était point sujette à l'ostracisme,
Ni ne s'appelait point alors un Jansénisme.
Le poète hollandais: Die toen onschuldig was, behoefde 't Vaderland
Geenzins t' ontvlugten, naar een afgelegen strand;
Gelyk een guit, die Deugd te schendig had verraden.
A la fin il intercale une petite digression où se trahissent ses véritables antipathies: De valsche Godsdienst, stond, bedrieglyk van gelaat,
Met een geschooren kruin, en in een zwart gewaad
Aan haare rechter zy, met was en zegelringen.
S'il n'y avait que l'habit noir et l'air dévot, on pourrait penser à quelque Tartufe, mais la tonsure, les cierges et l'anneau montrent que l'attaque est plutôt dirigée contre les prêtres et les évêques. De valsche Eer compte 247 vers, ce qui fait 46 de plus que la satire française. Dans les exemples suivants, nous voyons comment le traducteur s'est laissé aller involontairement à des amplifications, toutes les fois que le sujet s'y prêtait. Ces passages nous montrent également avec quelle exactitude le texte français est souvent traduit: Boileau: Mais loin de mon projet je sens que je m'engage.
Revenons de ce pas à mon texte égaré.
L'honneur partout, disais-je, est du monde admiré.
Mais l'honneur, en effet, qu'il faut que l'on admire,
Quel est-il, Valincour? Pourras-tu me le dire?
L'ambitieux le met souvent à tout brûler,
L'avare à voir chez lui le Pactole rouler,
Un faux brave à vanter sa prouesse frivole,
Un vrai fourbe à jamais ne garder sa parole,
Ce poète à noircir d'insipides papiers,
Ce marquis à savoir frauder ses créanciers,
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Un libertin à rompre et jeûnes et carêmes,
Un fou perdu d'honneur à braver l'honneur même.
L'un d'eux a-t-il raison? Qui pourrait le penser?
Le traducteur: Maar deze uitweiding leid van 't pad dat ik verkoor.
Zulks keere ik my terug naar 't afgedwaalde spoor.
Myn stelling was: Dat d'Eer van elk wierd aangebeden,
By alle volkeren, hoe ongelyk in zeden.
Maar, wat's in wezen doch d'Eer die men billyk roemt?
Wat is doch d'eigenschap van 't iet aldus genoemt?
Heerschzuchtigheid, steld haar in moorden, rooven, branden;
Een Vrek, in Peruus schat te woekren in zyn handen;
Een Waanheld, in 't gezwets van wondren, nooit gehoord;
Een snood Bedrieger, in 't nooit houden van zyn woord;
Een Dichter, in 't dwaas bekladden van veel' bladen;
Een Jonker, in door kunst schuldeisschers te verraadden;
Een Vrygeest, in den draak te steeken met de Kerk;
Een Bygeloovige, in zyn dwaas schynheilig werk;
Een eerrelooze Zot, in d' Eer steeds te braveeren;
Een Smots, schoon half verrot, in nieuwe en schoone kleeren;
Een Zuiper, in het sterk verzwelgen van den wyn;
Een Vechter, in gereed met zyne kling te zyn;
Een Dobbelaar, in koel by 't spel zich te gedraagen;
Heeft een van allen d'Eer die z'alle kan behaagen?
Le vers de Boileau: Tout n'est pas Caumartin, Bignon ni Daguesseau
est remplacé par la sentence plus ou moins ironique: Ze zyn niet alle vroom, van wien men zulks gelooft.
Somme toute la traduction hollandaise a été faite avec beaucoup de soin, mais elle n'échappe pas au danger qui menace toute traduction, savoir que la copie ne vaut jamais l'original. Cette traduction met une fois de plus en évidence la belle et claire concision de Boileau, qui se distingue si favorablement de la prolixité des traductions.
Chez l'éditeur Tyme van Nes à Hoorn a paru en 1698 un ouvrage, intitulé: Schimp- en Hekeldichten uit verscheiden | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Poeten, gevolgt naar den Roomsen JuvenalisGa naar voetnoot1). J'ai trouvé cet ouvrage dans un recueil factice constitué de plusieurs poèmes parus entre 1726 et 1779 chez des éditeurs différents. Il contient entre autres des Schimp- en Hekeldichten uit verscheide poeten (Tyme van Nes, Hoorn, 1726), des Hekeldichten en eenige Byschriften van den Heere Nikolaas Boileau Despréaux, in Nederduitsche vaerzen overgebragt (Gerrit Bom, Amsterdam, 1770), ensuite quelques poésies de circonstance et plusieurs poésies composées en vue d'un concours institué en 1775 par le cercle poétique: Kunstliefde spaart geen vlyt à la Haye, où il s'agissait de composer un traité sur l'éducation des enfants, sans dépasser le nombre de 300 vers. Le deuxième poème de ce recueil moralisateur est une traduction de la Satire X de Boileau sous le titre: Trouwgevaar, ofte Aanmerkingen over den Huwelyken staat aan den Heer Alcippus Bruydegom. La traduction, qui n'a pas de préface, est anonyme, et les hors-d'oeuvre y alternent avec les coupures. Voici quelques spécimens de la traduction hollandaise qui nous convaincront facilement que le texte primitif est bien plus élégant et plus riche que la copie: Boileau: Je vieillis, et ne puis regarder sans effroi
Ces neveux affamés dont l'importun visage
De mon bien, à mes yeux, fait déjà le partage.
Le traducteur: ....,..... ik,
Die voor myn welstand waak, beschouw niet zonder schrik
Hoe myne Neven, die vast hongren na myn schyven,
Myn goed al deelen, eer de dood my komt ontlyven.
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La traduction suivante n'est guère plus heureuse: Boileau: Et tous ces lieux communs de morale lubrique,
Que Lulli réchauffa des sons de sa musique.
Le traducteur: En verdre Deuntjes meer, dien toon niet ongelyk,
Daar SchenkGa naar voetnoot1) mee toovert door de kracht van zyn muzyk.
Que cette satire hollandaise ainsi que toutes les traductions dont j'aurai à parler, soient inférieures au texte français, nous n'en sommes nullement surpris, mais ce qui est plus grave, c'est que parfois le poète hollandais n'a pas du tout compris les vers de Boileau. Prenons le passage où le poète français parle de la femme qui se livre à la passion du jeu et qui ne fait que Se plaindre d'un gano qu'on n'a pas écouté,
Ou querellant tout bas le Ciel, qu'elle regarde,
A la bête gémir d'un roi venu sans garde.
Le traducteur, se trompant sur la signification du mot la bête, qui indique un jeu de cartes, tout comme les termes lansquenet, bassette, ombre, employés plus haut, nous donne l'absurde interprétation suivante: Dus, op den Hemel zelf al preut'lende in haar geest,
Waar naar zy oogt, zit zy te grynzen als een beest,
Dat zonder lyfwagt voor een koning is gekomen.
Comme nous le voyons, le sens de l'expression ‘un roi venu sans garde’ lui échappe également. Un peu plus loin, le traducteur, voulant rendre les vers de Boileau: Seulement, pour l'argent un peu trop de faiblesse,
De ces vertus en lui ravalait la noblesse.
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rimaille les deux alexandrins suivants, qui ressemblent à une poésie d'écolier: Maar voor het geld alleen een weinigje te zwak,
Dat zelf den luister van zyn adel gaf een krak.
Il a sa manière à lui de voir les choses. Ainsi il rend le vers: Le pain bis renfermé d'une moitié décrût,
par: Haar half verschimmelt brood voor yder opgesloten,
Wierd in het uiterst van den honger slegs genoten.
Il est clair que ces deux vers ne rendent pas du tout la pensée de Boileau, et que le vers du poète français est bien plus pittoresque que le délayage hollandais. Le joli portrait satirique du mari dominé par sa femme est supprimé dans Trouwgevaar, ce qui est bien dommage. Dans la Satire X, on trouve une foule de portraits. Au XVIIe siècle le portrait littéraire était à la mode. Tout le monde en faisait; l'oeuvre de Molière en contient une véritable galerie; qu'on se rappelle l'album intéressant que Célimène nous met sous les yeux dans le Misanthrope. Les Précieux raffolaient des portraits moraux, et les romans de Mademoiselle de Scudéry en étaient remplis. Avant eux Régnier, grand peintre qu'il était, avait déjà intercalé dans ses Satires des portraits dont quelques-uns avaient un relief merveilleux. Qui ne connaît la fameuse Macette de la Satire XIII, l'hypocrite doucereuse, qui, sur un ton dévot, prêche le vice? La Rochefoucauld, La Bruyère ont cultivé le portrait à l'envi; le cardinal de Retz en a fait dans ses Mémoires, Madame de Sévigné dans ses Lettres, et toute la société mondaine du XVIIe siècle les a lus avec plaisir et cherché derrière les noms fictifs les personnages vivants visés par les auteurs. Les uns y voyaient un simple jeu d'esprit, les autres une mode, pour tous c'était un amusement que même le Roi-Soleil ne dédaignait pas. N'est-ce pas lui qui a fourni à Molière les portraits du fâcheux et celui du grand veneur pour sa galerie de l'Impromptu de Versailles? Les grands orateurs de la chaire | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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payaient eux aussi leur tribut à la mode des portraits. Bourdaloue en faisait à tout moment. Il illustrait ses sermons d'exemples empruntés à la réalité des moeurs contemporaines, non pas pour le vain plaisir de divertir ses auditeurs, mais pour l'utilité de son enseignement. Boileau se réclame du grand prédicateur pour faire à son tour des portraits: Nouveau prédicateur aujourd'hui, je l'avoue,
Ecolier, ou plutôt singe de Bourdaloue,
Je me plais à remplir mes sermons de portraits.
Si le traducteur hollandais avait pénétré plus avant dans l'esprit français, il aurait gardé cette allusion à la manie des portraitsGa naar voetnoot1). Mais son ouvrage porte tout à fait un cachet hollandais, où le mot ‘prédicateur’ se rend par le terme protestant ‘proponent’, où ‘le singe de Bourdaloue’ se change en ‘de aap van Kats’, où les portraits sont remplacés par des récits ou des anecdotes: Elk weet zyn ambagt; wij gaan met ons praatje voort,
Gelyk een proponent voor de eerste maal gehoort,
Of een scholier, te vroeg zyn onderwys ontlopen,
Uit wiens sermoen niet veel byzonders is te hopen;
Of als een aap van Kats, opdat ik my vermaak,
Dus met vertellingen te styven myne zaak,
Die 'k geloofwaardig houw, en waardig des beschreven.
La deuxième partie de la Satire X, où Boileau peint successivement la savante, la précieuse, la dévote, l'hypocrite et son directeur de conscience, la fantasque, la maligne, l'impertinente, la mégère, la pédante et la superstitieuse, pour terminer en insistant sur la difficulté qu'il y a à se séparer d'une femme qui tient à s'acharner après vous, a été supprimée par le poète hollandais, qui remplace ces portraits par une série d'autres types, sans doute plus connus en Hollande, ne fût-ce que par la satire et la comédie: la buveuse, la médisante, la lascive, la viveuse, la demi-mondaine, la plaideuse, celle qui se marie | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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pour couvrir une vie coupable, etc. A la fin, au lieu de traduire littéralement les vers: Ma plume ici, traçant ces mots par alphabet,
Pourrait d'un nouveau tome augmenter Richelet,
le poète fait allusion à un poème assez long de sa propre invention: Maar 'k zouw op deze wys in al het huiskrakeel
Te treden, hier wel haast, een tweede of derde deel
Gaan aan de Huwlyxvloek, of Lof der Vryheit maken.
L'ouvrage satirique indiqué par le poète est un poème en trois parties, dont la première, intitulée Huwlyxvloek of Lof der Vryheit, est une traduction libre de la satire sur les femmes, attribuée à tort à Boileau et commençant par le vers: On me veut marier et je n'en ferai rien.
Il ne faut pas confondre cette satire avec la Xe de Boileau, qui commence ainsi: Enfin, bornant le cours de tes galanteries,
Alcippe, il est donc vrai, dans peu tu te maries.
La satire qu'on veut mettre à tort sur le compte de Boileau, est une espèce d'éloge de l'amour libre; le ton et le fond pourraient, même sans le démenti de Boileau qu'on trouve dans le Catalogue de ses oeuvres, placé à la suite de la préface de l'édition de 1715, éveiller des doutes sur son authenticité. Notre poète badine souvent, mais il n'est jamais vil ou immoral. Célibataire, il se méfie du mariage, comme le montre la satire X, mais le poème dont on veut lui attribuer la paternité, va beaucoup plus loin, il préconise l'amour libre: Un contract me déplaît, on fait mieux son affaire,
Sans l'avis d'un curé, ni le seing d'un notaire.
Quand on a prononcé ce malheureux oui,
Le plaisir de l'amour est tout évanoui, ....
Et l'on aime bien plus par choix que par devoir.
Le légitime enfin ne fait point mon affaire ...
L'on n'a pas ces contracts qui peuvent engager,
Et si l'on n'est pas bien, l'on peut au moins changer.
Les deux autres parties de la satire hollandaise, intitulées, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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l'une: Lof der Vryheit of Huwelyxvloek, et l'autre: Lof der Vryheit of Huwelyks-ongemak, brodent sur le même sujet de l'amour libre. Ce poème peut servir d'échantillon du genre satirique en Hollande à la fin du XVIIe siècle. Une comparaison superficielle suffit à montrer la grande distance qu'il y a entre Boileau et les représentants de la satire en Hollande. On ne trouve rien de plus grossier, de plus ordurier même que les satires hollandaises; par endroits c'est de la scatologie pure. Cette critique s'applique surtout aux satires sur les femmes et sur le mariage, sujets qui se prêtent mieux que les autres à des amplifications scabreuses. Nos satires littéraires ne valent souvent pas mieux que les satires sociales. Voici ce que Te Winkel remarque entre autres à propos des satires inspirées par le Poëtenoorlog: ‘De kleingeestige persoonlijkheden, de lompe scheldwoorden en de lasterlijke aantijgingen, waarvan de meeste hekeldichten wemelden, en die aan den strijd veeleer het karakter van een boerenruzie met dorschvlegels, dan van een tornooi met speer en ridderzwaard gaven, mogen ons aesthetisch en ethisch gevoel onaangenaam aandoen, zij mogen ons niet blind maken voor de historische beteekenis van dezen Poëtenoorlog’Ga naar voetnoot1). Nous arrivons maintenant au recueil le plus intéressant des traductions de Boileau: Vijf Hekeldichten en eenige Bijschriften van Nikolaas Boileau, paru en 1754 à la Haye et réimprimé en 1770 à Amsterdam. Cet ouvrage de la main de Me J. Hudde Dedel, contient la traduction des satires V, VIII, X, XI et XII et celle des épigrammes XXVII-XXIX et XVIII-XXIV. Dans un très curieux Berecht aan den Leezer, où le poète nous dit ‘waerom ik op deeze vyf hekeldichten boven alle andere het oog heb laeten vallen’, il commence par faire l'éloge de Boileau, comme pour nous montrer qu'au milieu du XVIIIe siècle, le législateur du Parnasse n'avait encore rien perdu de sa renommée en Hollande: ‘Onze dichter heeft in | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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het algemeen zoveel opgang in de wereld gemaekt, en in het byzonder zo grooten naem onder de geleerden verkregen, dat ik in alles, wat ik tot zynen lof zou kunnen bybrengen, nogh oneindigh te kort zou schieten. Dit eenige zy genoeg, ik houde my verzekerd, dat er in gansch Europa zeer weinig boekkamers, van de eerste tot de geringste (ik spreek van luiden, die de fransche taele verstaen) gevonden worden, waarin zyne werken niet geplaatst zyn, tot verstand der welken de leezer nogh dient te weeten, dat hy een groot voorstander der oude Grieksche en Latynsche schryveren was, tegen het gevoelen aen van sommigen, die beweeren wilden, dat de hedendaegsche de oude overtroffen (allusion à la Querelle des Anciens et des Modernes); en wyders, dat hy in den twist tusschen de Janssenisten en de andere Roomschen de zyde der eerstgenoemden gekozen heeft en met yver gehouden’Ga naar voetnoot1). Le poète a préféré ces cinq satires aux autres, parce qu'elles sont les moins personnelles. Il lui aurait été facile de remplacer les noms des auteurs attaqués par des noms d'auteurs hollandais, mais il n'aime pas à désobliger ses confrères: ‘Onze fransche dichter kan geenen kreupelen schryver ontmoeten zonder hem aan te vallen, of, om buiten de gelykenis klaerder te spreken, zonder hem met naem en toenaem te noemen, 't welk in deeze vyf minder, dan in een van de andere voorkomt. Aan de naemen van deeze luiden zou de nederlandsche leezer weinig hebben, en anderen van onze schryveren in derzelver plaetse te stellen (dat anderszins niet onmogelyk zyn zou, want men mag wel denken, dat wy onder ons ook Kotyns, Korrassen, Perryns, Chapelains en diergelyke genoeg vinden) zou een heet hangyzer zyn om aen te tasten en zekerlyk geen vrienden baeren, volgens de bekende spreuk by Terentius “Obsequium amicos, veritas odium parit”, de gedienstigheid baart vrienden, de waerheid haet’. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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En général, la traduction de Hudde Dedel suit le texte d'assez près. Il s'en écarte seulement dans la satire XI, sur l'Honneur, où il avait ses raisons pour ne pas se borner au texte de Boileau. Voici ce que la préface nous dit à ce sujet: ‘Men zal my mogelyk berispen, dat ik in het elfde hekeldicht, waer van hier onder nogh nader gesproken zal worden, die zelfde omzichtigheid, van my naemelyk stipt aen de overzetting te bepaelen, niet betracht, maer het zelve op onze tyden en zeden toepasselyk gemaekt heb. Doch men overweege eens ernstigh en gemoedelyk, of ieder waer kristen niet bevoegd, ja verplicht is om de dweepery, wanneer men dezelve met groote schreeden, als in den jaere 1752, in Gods kerke ziet indringen, met macht tegen te gaen, dewyl zy de dochter der onwetendheid en de moeder van duizend bysterheden is.’ Le poète a ajouté à la satire XI une digression d'environ 80 vers, contre Molinos et le Quiétisme, dans le but ‘de dweepery met kracht tegen te gaen’. La préface, là où elle traite de la satire X, sur les femmes, montre la même circonspection que lorsqu'il s'agissait des poètes médiocres du temps. Me Hudde Dedel est un homme très courtois, qui n'aime pas à désobliger les femmes. Pourtant il tient à traduire la satire X où elles ne sont nullement ménagées. Heureusement la préface est là pour conjurer l'orage qui en pourrait résulter: ‘In het tiende hekeldicht worden de vrouwen zo afschouwelyk uitgebeeld, dat ik in goeden gemoede God daer voor dankende, betuigen moet, het zelve ten meeste opzichte, naer myn gedachten, op de vrouwen hier te lande niet toepasselyk te zyn... Het kaertspel blyft tot nogh toe onder onze schoone sex, ten minste voor het grootste gedeelte, binnen de paelen van geoorloofd tydverdryf. Het blankettenGa naar voetnoot1) is mede nogh weinig, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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of in 't geheel niet, by myn weeten, in het gebruik. Doch de cocquetterie (waer aen ik geen nederduitschen naem weet te geeven, ten blyke, dat dit quaed van hier niet oorspronkelyk is) moet ik met leetweezen toestaen, dat by onzen landaert niet ten eenen maele meer onbekend is’. Puis, pour dorer la pillule, le poète continue: ‘Op dit stuk dunkt het my vreemd dat Boileau noit iets tegen de heeren geschreeven heeft. Deze moeten niet denken dat zy van cocquetterie vry zyn, omdat men op hun niet gewoon is dien naem toepasselyk te maeken’. Pour nous signaler un cas de coquetterie d'homme, il nous fait un portrait très détaillé du petit maître, portrait qui ferait honneur à La Bruyère: ‘Wilt gy eens, gunstige leezer, het gedrag van zulk eenen petit maître afgeschetst zien, zo sla met my het oog op Leander, een der welleevenste faineants dat is grove diamantslypers, die te Parys bekend is, en die deshalven anderen best ten voorbeeld kan strekken. Hy laet zich 's morgens ten tien uure, dag of geen, opwekken, gebruikt kort daer op, nogh te bed leggende, wat kalfsnat, om den ganschen dag een fris gelaet te vertoonen, staet te half elven op en neemt zyn ontbyt tot quartier over elven, ondertusschen neurt hy een deunt op de dwarsfluit of ander speeltuig, of bestudeert een stuk uit de Opera, dat hem daegs te vooren door een operatrice gegeeven is. Ten half twaalven komt de Pruikmaeker, die hem kapt, dat is het hair, of de pruik op zyn hoofd, met een heet yzer knypt, kamt, krult en poedert, dit duurt tot quartier over twaalven, wanneer hy zich netjes kleedt, etc. etc.’Ga naar voetnoot1). Ce portrait ressemble assez au type du jeune homme coquet | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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que Justus van Effen décrit dans le Hollandsche Spectator: ‘Ten uitersten nieuwsgierig om Narcissus wat meer van naby te leeren kennen, reed ik op den bestemden tyd naar hem toe. Hy was nog niet opgestaan, doch liet my voor zyn bed komen, en verschoonde zyn luiheid met te zeggen, dat hy een goed gedeelte van den nacht had besteed aan het afschilderen van een waeyer, die hy een der voornaamste Dames zou vereeren. Onderwyl had hem zyn knecht een bouillon gebragt, en terwyl hy bezig was dat in te slorpen, liet ik myn oogen weiden door zyn kamer, die my wegens haar keurlyke zinlykheid als aanlachte.... Een welgemaakte jonge knaap, die de functie van kamerdienaar waarnam, bragt een zwart fluweelen rok, met roode zyde gevoerd, en met een dubbele ry goude knoopen bezet, dien hy, terwyl hy zyn heer ophielp, zeer voorzichtig zo lang over den rug van een stoel hing. Het zoude U verveelen, Heer Spectator, indien ik U net wilde afmalen hoe veel werks hy had eer hy in de plunje raakte’Ga naar voetnoot1). Ailleurs, dans un autre portrait du petit maître, Van Effen raille ainsi l'abus des termes français fait par les Hollandais: ‘Onze President zou men het grootste ongelyk doen, zo men niet erkende dat het een Heer is de riche taille, fait au tour, en van een weergaloze mine, en daar by zo fleurig en teer van teint, dat kwaadsprekende menschen, met de gruwelykste temeriteit, hebben durven uitstroyen, dat hy, met zyn Maitresse, zig uit de zelfde potjes smeert, en daar uit zyne schoone couleuren ontleend. Zo zulks al waar was, wat was daar veel aan verbeurd? waarom is het meer gepermitteert, door middel van Pomade en poeder, zyn hair te blanketten en zelfs in plaats van lokken van zyn eige gewas, het hooft met gekogte krullen te bedekken, en te orneeren, dan door het leggen van rood en wit de doodsche en livide verf van het aanzigt te verlevendigen, en te enlumineeren. Dog het zy eene faiblesse in dien groten Man, de zelve is hem ligt te pardon- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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neeren in faveur van zyne andere uitmuntende begaaftheden, en inexprimable talenten’Ga naar voetnoot1). Il sera intéressant de mettre à côté de ces portraits hollandais celui que La Bruyère nous dessine dans le personnage d'Iphis. Cette comparaison fera de nouveau ressortir la clarté et la concision de l'auteur français, qui en quelques mots en dit plus long que les auteurs hollandais en plusieurs phrases: ‘Iphis a la main douce, il l'entretient avec une pâte de senteur. Il a soin de rire pour montrer ses dents; il fait la petite bouche, et il n'y a guère de moments où il ne veuille sourire; il regarde ses jambes, il se voit au miroir; l'on ne peut être plus content de personne qu'il l'est de lui même; il s'est acquis une voix claire et délicate, et heureusement il parle gras.... Il met du rouge, mais rarement, il n'en fait pas habitude. Il est vrai aussi qu'il porte des chausses et un chapeau, et qu'il n'a ni boucles d'oreilles ni collier de perles; aussi ne l'ai-je pas mis dans le chapitre des femmes’Ga naar voetnoot2). Le passage de Boileau sur les directeurs de conscience, où le poète vise les abbés de cour, a été généralisé par le traducteur, qui l'applique à tout le clergé, erreur provenant probablement d'un préjugé protestant. Du reste, l'avant-propos ne laisse aucun doute sur les idées religieuses de l'auteur: ‘Omtrent het twaelfde (hekeldicht) heb ik niets te zeggen, dan alleen, dat er in het zelfde eenige regels voorkoomen, waer in hy van de kettery (zo als hy die noemt) der protestanten spreekt, waer omtrent ik in beraed gestaen heb of ik ook eenige verandering wilde maeken, maer ik bevond, dat ik niets in der zelver plaetse kon stellen, en dat er die geheel uit te laeten eene groote gaeping en veel verwarring zou veroorzaekt hebben. Daer en boven zal de Leezer bevinden, dat het slechts haetelyke woorden zyn, en geen zaeken van belang die hy hun verwyt; als namelyk de stelling, dat de leeraers of priesters trouwen mogen, dat een iegelyk den bybel mag leezen, en dat de | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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opperhoofdigheid der Kerke aen geenen sterffelyken mensche toekomt, hoe ver deze stellingen tot hun nadeel gehouden en geduid moeten worden, zal een ygelyk naer zyne gezindte beoordeelen. Het is ondertusschen merkwaerdig, dat een Roomsche zo opentlyk met den beeldendienst den spot dryft, en de vervolging, in 't byzonder den Paryschen moord, verfoeit als Boileau in dit hekeldicht doet. Trouwens men moet den Janssenisten tot hunne eer nageeven, dat zy veel meer ervaren zyn in de Heilige Schrift, en oneindigh minder bygeloovig, dan de rest van 't pausdom, zelf heb ik verscheiden schriften hunner leeken geleezen, die my ten volle overtuigen dat de schryvers omtrent het stuk der rechtvaerdigmaeking en het doen der goede werken, als vruchten van het geloof en ter eere en uit liefde van God het genoegzaem met de gereformeerden eens, en kundige, eerlyke en door en door godvruchtige luiden geweest zyn’Ga naar voetnoot1). Ce qui forme une des parties les plus intéressantes de cet ouvrage de Hudde Dedel, ce sont les notes au bas des pages. Pourtant les détails curieux qu'il y donne nous semblent parfois sujets à caution. Ainsi dans la satire V, le poète nous dit, à propos des mots Alfane et Bayard ‘twee naemen van paerden by de Romanschryvers bekend, doch voor zo veel my bewust is, het gros van onze natie geen liefhebber van romans zynde, en gevolglyk die naemen niet kennende heb ik gemeend den zin klaerder uit te drukken met “het schoonst en moedigst ros op de aerde”.’ Est-ce que vraiment les Hollandais de son temps n'auraient pas connu et aimé le roman? Et est-ce que les Quatre fils Aimon et leur fameux cheval Bayard, qui pendant des siècles a servi d'enseigne à maint cabaretier, leur auraient été inconnus? Ce n'est pas très probable. G. Kalff arrive à une tout autre conclusion que celle de Hudde Dedel au sujet de la vogue des romans au XVIIe siècle. Voici son opinion: ‘Gedurende de gansche XVIIe eeuw werden ook te Amsterdam steeds verkorte proza-bewerkingen der oude ridderromans | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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herdrukt, die van het laatste der XVe eeuw af adel en burgery hadden vermaakt en langzamerhand afdaalden tot de minder gegoede klassen des volks’Ga naar voetnoot1). J. van Effen, né en 1684, nous raconte qu'à l'âge de sept ans, il savait par coeur les récits des Quatre fils Aimon et de Valentin et Ourson. Au XVIIIe siècle les romans n'avaient rien perdu de leur popularité. Ils étaient même très nombreux et amusaient un public avide de scandale. On dévorait les romans d'aventures et les romans de moeurs. A côté des romans originaux de P.L. Kersteman: De Hollandsche Minnaer (1758), De vermakelyke Avanturesse (1754)Ga naar voetnoot2), De vrouwelyke Lakei (1754) circulait une foule de traductions de romans français et anglais. On ne se contentait pas de traduire le Grand Cyrus et Clélie, mais en 1700 parut une première édition hollandaise du Télémaque, en 1736 de Gil Blas, en 1732 du Diable boiteux, en 1760 de Marianne, en 1762 du Paysan parvenu. En 1768 on traduisit les romans de Voltaire Candide, l'Ingénu, la Princesse de Babylone. Aux Anglais on empruntait le Tale of a Tub de Swift (1735), Gullivers Travels (1727) et le Robinson Crusoe de Defoe (1720). A mesure que se développait le goût pour les romans à thèse, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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on se mettait à traduire Richardson, Fielding et Goldsmith. Le grand nombre de romans qui circulaient aux XVIIe et XVIIIe siècles montre assez que l'assertion de Hudde Dedel est inexacte. Dans une autre note l'auteur définit la Sorbonne: ‘een huis, waer in zes en dartig hoog leeraers in de Godgeleerdheid woonen, en maekende dus een gedeelte van het hooge school te Parys uit’. A propos des vers de Boileau: Qu'est-ce que la sagesse? Une égalité d'âme
Que rien ne peut troubler, qu'aucun désir n'enflamme,
Qui marche en ses conseils à pas plus mesurés
Qu'un doyen du Palais ne monte les degrés,
le poète tâche d'expliquer, dans une note, le mot ‘doyen’: ‘Het dekenschap is eene aenzienlyke waerdigheid onder de Rooms-geestelyken in Vrankryk’. Cette note est inexacte, car il s'agit évidemment non pas d'une dignité ecclésiastique, mais d'une dignité dans la magistrature. Le mot indique ici le plus ancien des membres du barreau, le ‘deken der advocaten’. La note de Hudde Dedel est, en outre, incomplète, car ce n'est pas seulement en France que ‘het dekenschap’ (actuellement on dira plutôt dekenaat) est une dignité ecclésiastique. Il en est de même en Hollande. Le poète n'a pas compris le terme ‘ruelle’. Le mot se rencontre dans les vers suivants de la satire XII: Tes bons mots, autrefois délices des ruelles,
Approuvés chez les grands, applaudis chez les belles,
Hors de mode aujourd'hui chez nos plus froids badins,
Sont des collets montés et des vertugadins.
Voici de quelle façon ridicule ces vers sont rendus en hollandais: Uw snedigheen, 't vermaek van straet en steeg voor deezen,
By grooten goedgekeurd, by 't jufferschap geprezen,
In onbruik thans geraekt zelf by den platsten snaek,
Zyn kraegjes en kledy van ouderwetschen smaek.
Il faut bien que le poète ait été fort peu au courant de ce qui se passait en France au XVIIe siècle. Tout ce qu'il dit p.e. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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de Port-Royal, c'est que c'était ‘een vrouwenklooster dicht by Versailles, lustpaleis van den koning van Vrankryk’. Nous sommes en 1754, et le traducteur aurait bien pu nous dire que la célèbre abbaye avait été détruite le 27 novembre 1709 et qu'elle était autrement importante qu'un simple couvent de religieuses. La traduction du terme ‘Précieuse’ l'embarrasse visiblement, car il dit simplement: ........... 't is een van die schoonen,
Die met gemaekte tael haer kunde en wysheit toonen.
Et dans une note il ajoute le commentaire suivant: ‘Dit heb ik niet anders dan door een omschryving konnen vertaelen. Een klaere blyk, dat wy onder ons zulke waengeleerde vrouwen niet hebben’. Le raisonnement n'est pas très fort. Si on peut élever des griefs contre la traduction de Me Hudde Dedel, c'est surtout à cause de l'animosité qu'il montre continuellement contre tout ce qui se rapporte à la religion catholique. On s'explique que le poète n'aime pas les catholiques, et personne ne lui en voudra, mais lui qui est si courtois envers les dames, si prudent envers les auteurs médiocres, ses confrères, si aimable envers les protestants et les jansénistes, ne recule pas devant les raisonnements absurdes, quand il s'agit de ridiculiser ceux qui, à ses yeux, sont les représentants par excellence du fanatisme. Ce qui, dans les satires de Boileau, était d'une ironie fine et spirituelle, prend sous la plume de Hudde Dedel un caractère partial et injuste, et par là odieux. C'est que Boileau obéissait, en écrivant, à une conviction intime, tandis que Hudde Dedel était la victime d'un préjugé. Vers la fin de la satire VIII, Boileau parle des anciens peuples païens qui adoraient des idoles ou des animaux: Mais, cent fois la bête a vu l'homme hypocondre,
Adorer le métal que lui-même il fit fondre,
A vu dans un pays les timides mortels
Trembler aux pieds d'un singe assis sur leurs autels,
Et sur les bords du Nil les peuples imbéciles,
L'encensoir à la main, chercher les crocodiles.
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Dans ce passage, le poète parle de l'ère païenne, et non de l'ère chrétienne, comme le prouvent les vers qui suivent: Mais, pourquoi, diras-tu, cet exemple odieux?
Que peut servir ici l'Égypte et ses faux dieux?
Le traducteur ajoute au texte un détail, de manière à en faire une attaque directe contre les catholiques: Maer wel honderd mael zag 't beest met mededogen
Den mensch voor 't steenen beeld, zyn maeksel, neergebogen,
Zag voor het outer, by het preevlen van een paep,
Den stervling sidd'ren voor de voeten van een aep,
En 't bygeloovig volk godvruchtigh met verlangen
Langs de oevers van den Nyl de krokodillen vangen.
Ce ‘preevlende paep’ forme, dans l'ère païenne, un fameux anachronisme. Le cas se présente de nouveau dans la satire XII, où Hudde Dedel confond une seconde fois l'époque du paganisme avec l'ère chrétienne. Dans cette satire sur l'Equivoque, Boileau signale entre autres l'ambiguïté des anciens oracles: Ce fut toi (l'équivoque) qui partout fis parler les oracles;
C'est par ton double sens, dans leurs discours jeté,
Qu'ils surent en mentant dire la vérité,
Et, sans crainte rendant leurs réponses normandes,
Des peuples et des rois engloutir les offrandes.
Et après s'être longuement étendu sur ce sujet, Boileau continue en disant qu'avec la venue du Christ tout cela changea de face: Pour tirer l'homme enfin de ce désordre extrême,
Il fallut qu'ici bas, Dieu fait homme lui-même,
Vînt du sein lumineux de l'éternel séjour
De tes dogmes trompeurs dissiper le faux jour.
A l'aspect de ce Dieu, les démons disparurent,
Dans Delphes, dans Délos, les oracles se turent.
Il est donc bien évident que Boileau, dans les vers qui précédaient, parlait des temps antérieurs à la naissance du Messie. Pourtant cela n'empêche nullement le poète hollandais de traduire comme suit le passage sur les anciens oracles: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Door uwen dubblen zin, gemengd in tael en woord,
Bracht, liegende, elke paep ook zelf de waerheit voort.
Dans une note assez naïve, le traducteur commente ces deux vers de la manière suivante: ‘Hoezeer Boileau zelf van den Roomschen Godsdienst was, komt het my voor, dat hy in deeze regels niet weinig, doch behendig teffens, den beeldendienst en het bygeloof van het Pausdom te keer gaet’. Il est vrai que le mot ‘paep’ a, surtout dans le style soutenu, souvent le sens général de prêtreGa naar voetnoot1). Mais les commentaires que Hudde Dedel a ajoutés à sa traduction, nous montrent qu'il n'a pas pris le mot ‘paep’ dans son sens étymologique, mais dans la signification péjorative que le peuple attribuait à ce mot. Quand Boileau, parlant des premiers siècles du christianisme, nous dit que ......... dans plus d'un aveugle et ténébreux concile
Le mensonge parut vainqueur de l'Evangile,
il nous apprend, dans une note, qu'il a en vue les nombreux | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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conciles des Ariens de 318 à 360. Le traducteur, qui a copié pourtant la plupart des notes de Boileau, a supprimé celle-ci, et il s'est contenté de traduire les deux vers: En zelf in meer dan een Koncili won de logen
Op de Evangelileer de zege voor elks oogen.
La suppression de la note peut facilement nous induire en erreur et rendre le passage équivoque. L'expression de Boileau: ‘la plus dangereuse et terrible morale que Lucifer ait jamais enseignée aux novices démons’, est traduite très exactement en ces termes ‘de allergruwlykste en gevaerlykste leere die immer Lucifer den nieuwelingen heeft geleerd van zyn gebroed’. En effet, le mot ‘novice’ n'a ici d'autre signification que celle de ‘nieuweling’. Cependant le poète hollandais y voit encore un sens plus spécial: ‘in 't fransch staet ‘aux novices démons’, het komt my voor, dat Boileau het een of ander geestelyk genootschap in 't oog heeft gehad, dewyl die geenen, die zich in 't klooster begeeven, de twee eerste jaeren ‘novices’ genaemd worden’. Après tout, la traduction de Hudde Dedel a des mérites très réels, quoiqu'il s'écarte trop souvent du texte pour donner libre carrière à ses propres idées. Voici par exemple la curieuse digression qu'il a introduite dans la XIe satire pour prendre à partie le Quiétisme: Maer laet ons in den grond de waerheid na gaen speuren.
Een fyne, die met een neerslachtig oog loopt treuren,
Zo 't hart niet recht is, zal den Heere een gruwel zyn.
De Schrift zeit nergens tot het kristendom: wees fyn;
Maer wel: zachtmoedig en oprecht in uwen wandel.
't Verschil der kristenen en fynen in hun handel
Gaept wyder, dan van een de beide poolen staen.
'k Versta hier niet door fyn den zulken, die in 't gaen
Zich laet op 't spoor van Voet of Mark godvruchtig leiden:
't Zy Voets, 't zy Koccejaensch, 'k stel geen verschil in beiden.
Een eerlyk kristen is geduurigh in myn oog,
Gelyk gelouterd goud, te schatten dier en hoog:
Maer die Molinos in zyn leer tracht na te treeden:
En dus zich zelf verbeeldt, dat door angstvalligheden,
Benautheid, druk of pyn de mensch bevinding krygt
Van zyn bekeering; (schoon de bybel hier van zwygt)
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Dat die benaeutheid van Gods geest word ingegeven;
Dat hy voortaen dan vry mag onbekommerd leeven,
En, door die teeknen op zyn zaligheid gerust,
Mids vroom in schyn, den toom kan vieren aen zyn lust.
Nous sautons seize vers Hoe deze leer dit slagh van menschen kan behaegen,
Leert de ondervinding ons genoeg in onze dagen.
Niet vreemd, de meesten gansch onkundig in Gods woord,
En veel te lusteloos, om dat, gelyk 't behoort,
Te leezen, na te gaen en te overweegen, minnen
Al wat het meeste werkt op de uiterlyke zinnen.
Wanneer nu iemand, door een zenuwziekte licht
Getroffen, of ontroerd van herssens, een gezicht
Te zien zich zelf verbeeldt, of wel een stem te hooren,
Of angsten voelt, die hem noit quelden van te vooren,
Vindt hy het uur van zyn bekeering, waent terstond,
Dat hem Gods geest bewerkt, en houdt dat voor den grond
Van zaligheid: geloof, hoop, liefde, en alle plichten,
Die al, wie kristen heet, gewilligh moet verrichten,
Niet kennende, als hy dan hoort zeggen in 't gebed
Uw kinderen bidden u, (een styl, recht strydig met
Het heilig voorschrift van den Heer, die door de woorden
Van wy en ons zyn kerk met zuivre liefdekoorden
Te saemen bindt) of onder 't preken kindren Gods
Geroepen heiligen hoort schreeuwen, zal hy trots
Dit passen op zich zelf, en andren in gedachten
(Gelyk de Farizeeu den tollenaer) verachten
Als onbekeerd, om dat van hun herboorte 't wis
En zeker oogenblik hun niet gebleken is.
Dat alzo dwaes is, of we als ongeboren stelden
Al, wie van zyn geboort' het uur niet weet te melden.
Het smart my dan te zien der heilge Apostlen trant
En preekstyl roekeloos verwerpen aen een' kant
En onvoorzichtiglyk door nieuwerwetsche toonen
De dweepers in hun zonde en booze drift verschoonen
En styven. Want, gelyk het vast en zeker gaet,
Dat iemand, recht bekeerd, van zyn herboren staet
Uit vruchten van 't geloof; als lust tot goede werken
En afkeer van het quaed, de zekerheid kan merken,
Zo is 't aan de andre zy niet minder klaer en waer,
Dat waenbekeerden, die, onkundig van 't gevaer,
Met angstbevinding zyn gewoon zich zelfs te vleien
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Zich jammerlyk met hunne ontroeringen misleien
En waenen met een hart, verslaefd aen euveldaên,
Vol hoogmoed, haet en nyd ten hemel in te gaen.
Ik zwyg van Leeraers, die ontstichten met hun leeven,
Doch door een zuivre leer de kerk nogh stichting geeven.
'k Ga zulken ook voorby met opzet, die het lied
Van koning Salomon misbruiken tot verdriet
Der rechte godvrucht, en zelf onder het bedeelen
Van 't heilig nachtmael, 't oor der zedigheid verveelen.
Men duldt, doch pryst hen niet. Maar zulk een, die in 't stuk
Der weergeboorte plooit, en 't hecht aan angst of druk,
En door geestdryvery den volke wil behaegen,
Om de eer van grooten hoop zeeghaftigh wegh te draegen,
En domme dweepers slechts in plaets van kristnen maakt,
Word by my, waerde heer, in 't openbaer gelaekt.
On comprend qu'avec des digressions pareilles le nombre de vers de la traduction hollandaise est considérablement plus grand que celui de la satire française. Hudde Dedel a fait suivre les cinq satires de la traduction de quelques épigrammes de Boileau, dont les premières se rattachent plus ou moins à la satire XII sur l'Équivoque. A la fin de cette satire Boileau avait fait allusion au Journal de Trévoux, rédigé par les Jésuites: ....... si plus sûrement tu veux gagner ta cause,
Porte-la dans Trévoux, à ce beau Tribunal
Où de nouveaux Midas un sénat monacal,
Tous les mois, appuyé de ta soeur l'lgnorance,
Pour juger Apollon tient, dit-on, sa séance.
Hudde Dedel, commentant ce passage, nous dit, après avoir expliqué ce que c'est que Trévoux, que Boileau ne partageait pas l'opinion des Jésuites sur certaines questions de morale. Il avait exposé ses idées dans une lettre en basant ses arguments sur plusieurs citations empruntées aux anciens. Dans le JournalGa naar voetnoot1) d'octobre 1703, les Jésuites avaient reproché à | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Boileau d'avoir rempli sa lettre de trop de vers latins. Il va sans dire que le poète attaqué riposta assez vivement, ce qui amena un duel d'épigrammes: ‘Dit gaf aanleiding tot eenige byschriften, die ik mede vertaald heb, en hier achter laete volgen. De pais wierd echter gemaekt, doch des niet tegenstaende klampten zy hem, op drie of vier plaatsen van haer boekzael weder aan boord, 'twelk oorzaak tot deze laatste regels (van de XIIe satire) gegeeven heeft’Ga naar voetnoot1). Dans l'épigramme XXVII, Boileau s'adresse ‘aux révérends Pères qui l'avaient attaqué dans leurs écrits’. Il leur conseille de ne plus le provoquer, car, en ce cas, il aurait de nouveau recours à Horace et à Juvénal pour les confondre. Il termine son épigramme par les vers suivants: Apprenez un mot de Régnier,
Notre célèbre devancier:
‘Corsaires attaquant corsaires
Ne font pas, dit-il, leurs affaires’
traduits en hollandais par Denkt aen Regniers waerschuwing vry,
Van 't zellefde ambacht ook als wy,
Zeeroovers, slaende met zeeroovers, naer zyn oordeel,
Doen zelden op elkandren voordeel.
Le père De Rus répondit par une épigramme à Boileau (également traduite par Hudde Dedel), où l'auteur fait allusion au caractère païen d'Horace: Zo weinig laeken ze u, dat gy tracht na te streeven
Die groote mannen, die gy, vol van zwier en leeven
Bevallig overzet op meer dan eene ste,
Dat zy om uwen wil wel wenschten, dat al me
Horatius had van de liefde Gods geschreeven.
Boileau, piqué au vif, lança l'épigramme XXVII, où il reproche aux Jésuites de ressembler sous ce point à Horace: Ik vind niet meer den plicht der liefde Gods gepreekt
In hunne, o Vaders, dan in een van uwe boeken.
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Et il ajouta l'épigramme XXIX sur Le livre des Flagellants. L'abbé Jacques Boileau, frère de Nicolas, avait publié en 1700 un livre intitulé Historia Flagellantium, dont les Jésuites avaient fait la critique dans le Journal de Trévoux de juin 1703. Dans l'épigramme XXIX, Boileau leur répondit que son frère n'avait nullement condamné la flagellation qui se fait en secret et par pure mortification, mais seulement celle qui se pratique en public et qui choque la pudeur d'autrui: Het wraekt als boos alleen dit misbruik, dat ontsticht,
Van bloot te stellen vor 't gezicht,
't Geen de eerbaerheid beveelt, dat elk bedekken moete.
Les trois épigrammes de Boileau contre les Jésuites sont suivies des épigrammes XVIII à XXIV contre Perrault, à propos de la Querelle des Anciens et des Modernes. Boileau, fervent admirateur des Anciens, lance contre Perrault l'épigramme XVIII: ‘Ter gelegenheid, dat in de Akademie der fransche taele een gedicht geleezen was tegen Homerus en Virgilius’. Les épigrammes XIX à XXII traitent toutes du même sujet. Surtout la dernière est très mordante: D'où vient que Cicéron, Platon, Virgile, Homère,
Et tous ces grands auteurs que l'univers révère,
Traduits dans vos écrits nous paraissent si sots?
Perrault, c'est qu'en prêtant à ces esprits sublimes
Vos façons de parler, vos bassesses, vos rimes,
Vous les faites tous des Perraults.
Voici la traduction à peu près littérale de Hudde Dedel: Hoe komt, dat Cicero, Meonides, Virgyl
En Plato, zo geeerd by elk in alle landen,
Door U vertaeld, zo zot zyn in ons oog van styl?
Perrault, 't is dat gy die roemruchtige verstanden
Uw trant van tael en rym, en laegheid overdoet,
En maekt ze tot Perraults, al zyn zy nogh zo goed.
Perrault se plaignit de l'ingratitude de Boileau, qui avait été guéri de deux graves maladies par le docteur Perrault, oncle de la victime du satirique. Boileau lui répondit par l'épigramme XXIII, que Hudde Dedel a rendue par ces quatre vers: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Uw oom, zegt gy, de moordenaer,
Heeft van een ziekte my geneezen,
Maer dat hy noit myn arts geweest is, blykt zeer klaer,
Dewyl men my nogh ziet in wezen.
En général Hudde Dedel s'est efforcé de donner des traductions qui se rapprochent le plus possible du texte français. Ce sont de véritables traductions, à l'exception de la satire XII qui est plutôt une adaptation. Aussi c'est là qu'on trouve le plus de notes, qui ont souvent pour seul effet de nous induire en erreur sur les idées que Boileau a voulu exprimer luimême, en sorte qu'on peut parfois appliquer aux commentaires de Hudde Dedel le reproche qu'il adresse à certaines notes de Boileau sur le Jansénisme: ‘De text word veeltyds door de glos beroofd van dag’. Dans l'avant-propos de son livre, le traducteur nous apprend qu'il a emprunté la plupart de ses notes personnelles au Dictionnaire de Moréri ou à Bayle: ‘Die de fransche taele machtig is mag er Baile op na zien’, dit-il dans une note, à la même page où il nous donne sa profession de foi protestante: ‘De volgende beschuldiging tegen de protestanten, te weten de vryheid van gewisse, het wraeken van de opperhoofdigheid van den Paus in de Kerk en het leezen van den Bybel zyn van dezelfde natuur (que l'accusation que les pasteurs protestants peuvent se marier). Gelukkig, dat men niets ergers tegen de hervorming weet in te brengen, dewyl alle deze stellingen niet alleen in Gods woord gegrond zyn, maer zelf ook op de reden steunen, trouwens de waere godsdienst moet een redelyke godsdienst weezen’Ga naar voetnoot1). Les notes de la satire nous donnent des renseignements sur toutes sortes de fondateurs de sectes religieuses; Molinos, Arius, Valentin, Pélage, Calvin, Luther passent tour à tour la revue; Hudde Dedel nous apprend que ce sont Nikolaes Storch, Markus Stubner et Thomas Munzer qui ont été les | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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fondateurs de la secte des Doopsgezinden; il nous explique que les Puritains ne sont au fond que des Réformés, à qui on a donné un surnom odieux; il nous dit ce que c'est que les Déistes, et fait allusion aux guerres de religion en France, qu'il attribue aux persécutions que les Huguenots avaient à souffrir de la part des Catholiques. A propos de l'opinion de Boileau dans la XIIe satire sur le Jansénisme, Hudde Dedel fait la remarque suivante: je ne crois pas que Boileau ait voulu traiter d'équivoque les cinq fameuses propositions. Pour cela il était lui-même trop attaché aux Jansénistes. Il faut donc considérer comme une plaisanterie les vers suivants de notre poète: J'aurai beau condamner, en tout sens expliqués,
Les cinq dogmes fameux par ta (l'Equivoque) main fabriqués;
Blâmer de tes docteurs la morale risible,
C'est, selon eux, prêcher un calvinisme horrible;
C'est nier qu'ici-bas, par l'amour appelé,
Dieu pour tous les humains voulut être immoléGa naar voetnoot1).
Le commentateur continue en disant: ‘Ik besluit dan, dat deeze aenmerking enkele boert is, en dat Boileau op de leerstukken der Remonstranten, die in deezen omtrent van het zelfde gevoelen zyn, als de Jezuiten, het oog heeft gehad’Ga naar voetnoot2). La remarque est curieuse et amusante. L'ensemble des commentaires nous montre que Hudde Dedel est très prudent quand il s'agit de questions littéraires, mais sincère et intrépide quand les discussions se transportent sur le terrain de la religion. On sent que c'est un protestant honnête et convaincu, qui a le courage de son opinion. Un pareil auteur mérite notre respect et notre estime. Quant à la valeur littéraire de ses traductions, les quelques spécimens que j'en ai donnés montrent que le poète Hudde Dedel occupe une place honorable parmi ceux qui, au XVIIIe | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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siècle, ont essayé de nous rendre plus accessibles les chefs-d'oeuvre français. Si son ouvrage n'est pas parfait, Dedel garde toujours le mérite d'avoir osé entreprendre un travail ingrat et difficile et de s'en être tiré à son honneur. Il n'a pas honte de reconnaître qu'il n'a pas toujours réussi à trouver l'équivalent qu'il faut, et on sent derrière l'effort scrupuleux pour bien rendre le texte français la profonde admiration du traducteur pour son illustre modèle. Dans un recueil de poésies, intitulé Dichtlievende Verlustigingen, par Me M.d.R., publié à Leyde en 1762, nous trouvons entre autres la traduction des satires IV, V et VII de Boileau, de l'épître IX et d'une épigramme contre Saint-Sorlin. Ce sont des imitations plutôt que des traductions, tellement M. de RuuscherGa naar voetnoot1), qui se cache sous les initiales M.d.R., a adapté ses satires à la vie en Hollande. Ainsi ‘l'avare idolâtre et fou de son argent’ devient dans la satire hollandaise ‘een gier'ge Gerard die een God maakt van zyn schyven’. Le ‘gier'ge Gerard’ est probablement une allusion à une comédie publiée par les soins de Nil Volentibus Arduum, sous le titre De malle Wedding of gierige Geeraardt, à moins que ce ne soit un type de convention dans la farce hollandaise. Tous les noms d'auteurs français médiocres sont remplacés dans la satire de De Ruuscher par des noms d'auteurs hollandais que, du reste, il ne ménage pas plus que Boileau n'a ménagé les rimailleurs français. Chapelain devient v.L., probablement van Leuve, un poète que nous avons déjá rencontré dans notre chapitre sur les traductions de l'Art Poétique. Tout aussi bien que Chapelain, van Leuve est bafoué de tout le monde, mais Dit raakt hem niet, hy kan het dichten toch niet laten,
Maar zet zich op Parnas voor Vondel en voor PootGa naar voetnoot2).
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L'épigramme de Boileau contre Desmarets de Saint-Sorlin se trouve méchamment tournée par De Ruuscher contre DrosteGa naar voetnoot1), qui avait fait en 1716 une épopée sur le roi David. L'épigramme qui ressemble assez à l'original, se termine par ces vers: Ja, maar Myn Heer gelieft te weten,
Kreeg ik hier op weer tot bescheid,
Dat die gehele druk noch in myn winkel leit
En van de wormen word gevreten.
Outre l'épopée sur le roi David, Coenraet Droste, dont il a été question plus haut, a composé une foule d'autres ouvrages poétiques ou en tout cas rimés: De Haegsche Kermis; Harderskouten; de Odyssea van Homerus berymd; de Ilias van Homerus berymd. C'est pour cela que son nom revient dans les satires du temps avec la même régularité que celui de Chapelain dans les satires de Boileau. Dans la satire V, De ware Adel, nous trouvons un exemple de la manière dont De Ruuscher a essayé d'apporter un peu de couleur locale hollandaise à sa traduction. Nous n'avons qu'à comparer les deux textes suivants:
Il va sans dire que le cheval, qui chez Boileau porte la malle et tire la charrue, tirera, dans le texte hollandais, le coche d'eau: Men spant het voor den ploeg, of 't moet de schuiten trekkenGa naar voetnoot3).
Le passage suivant de Boileau sur le blason et les armoiries: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Aussitôt maint esprit, fécond en rêveries,
Inventa le blason avec les armoiries;
De ses termes obscurs fit un langage à part,
Composa tous ces mots de cimier et d'écart,
De pal, de contrepal, de lambel et de face
Et tout ce que Segond dans son Mercure entasseGa naar voetnoot1)
a évidemment fort embarrassé le traducteur, qui, ne comprenant pas tous ces termes techniques a gardé tout simplement les mots français. Il sera superflu de faire remarquer que le second alexandrin n'est qu'un contresens: Een ander was bedacht om fransche bastertwoorden
Te vinden voor die kunst, die menschen zoude moorden,
Als pal en contrepal, lambel, tenants, écart,
By hen is gueule rood, en sable hiet het zwart,
Daar 't in gemeene spraak plach rouge en noir te wezen.
La dernière partie de la satire V, l'apostrophe à Dangeau, a été supprimée par le poète hollandais comme étant hors de saison. Dans la traduction de la satire VII, de Ruuscher nous fait un tableau intéressant des auteurs médiocres de son temps. Voici quelques fragments du poème hollandais: Myn dichtaer is verdroogt, myn verzen zonder murg
Zyn harder in myn zin als die van SwanenburgGa naar voetnoot2),
et ailleurs: 'k Weet voor de namen niet, waar ik my bergen zal.
Zy overstelpen my, en elk wil de eerste wezen,
Hier geeft zich van der St.... in myn gedicht te lezen,
Met DrosteGa naar voetnoot3), Schr...., Jan van GysenGa naar voetnoot4), HogeveenGa naar voetnoot5),
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Daar doen zich duizent op, al zoek ik er maar eenGa naar voetnoot1).
Dans la traduction de l'Epître IX, nous rencontrons de nouveau quelques noms de poètes: Droste, K...b..., L... La tirade finale sur ‘Condé, qui ne s'offenserait pas d'un éloge sincère’, a été supprimée, en sorte que les deux derniers vers: Ses vers, jetés d'abord sans tourner le feuillet,
Iraient dans l'antichambre amuser Pacolet,
perdaient donc également leur raison d'être. De Ruuscher les a remplacés par les vers suivants, insignifiants et vides de sens: Gy hielt met lezen op, verschrikt van zulk een taal,
En zond met de eerste post hen wis naar Portugaal.
Dans les différentes traductions de l'Art Poétique, nous avons trouvé les noms de la plupart des poètes attaqués par De Ruuscher et ç'a été le moment de les étudier d'un peu plus près. En général De Ruuscher nous a donné une traduction exacte et minutieuse. On n'y trouve pas le délayage qui caractérise et dépare tant d'ouvrages de cette nature. Je n'ai découvert qu'un seul endroit où le poète se soit permis une petite digression, c'est dans la satire V, ou il rend les quatre vers de Boileau: Cependant, à le voir avec tant d'arrogance
Vanter le faux éclat de sa haute naissance,
On dirait que le ciel est soumis à sa loi
Et que Dieu l'a pétri d'autre limon que moi!
par le passage que voici: Intusschen die hem hoort van hoogmoed opgeblazen
By ieder een van zyn doorluchtige afkomst razen,
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Zou menen dat hy zelfs den hemel had verheert,
En dat de Schepper zulke uit ander klei boetzeert
Als my en myns gelyk: zyn zotheid doet hem denken
Dat ieder een zo straks moet vliegen op zyn wenken.
Laat buigen als die wil, ik zal hem niet ontzien
Maar met een bars gelaat 't punt onder de oogen biên.
Les quatre derniers vers sont superflus; au lieu de mieux faire ressortir la pensée de Boileau, ils ne servent qu'à en affaiblir l'impression. Quoique le style de De Ruuscher soit en général assez sobre et qu'il ait su se garder des expressions amphigouriques si chères à ses contemporains, on rencontre pourtant de temps en temps des images fausses, comme dans la traduction du vers: Tu ne te repais point d'encens à si bas prix
Ep. IX, v. 13.
par: Gy mint geen wierook, die men voor de varkens smyt.
La traduction du vers: Le Normand même alors ignorait le parjure
Ep. IX, v. 120.
par: Zelfs wist de Noorman noch geen valschen eed te zweren.
est inexacte: De Ruuscher confond le Normand avec le Northman. La version suivante d'un passage pris au hasard dans l'Epitre IX nous donnera une idée de la façon dont De Ruuscher comprenait son rôle de traducteur et nous convaincra en même temps que nous avons affaire à un traducteur compétent et habile dont l'ouvrage mérite une place parmi les meilleures traductions hollandaises de Boileau.
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Nous arrivons à l'excellente traduction de la Satire II, parue en 1764 dans les Nagelaten Dichtwerken de Sybrand Feitama. Ce recueil ne contient pas seulement des poésies originales, mais aussi des Vertalingen uit Verscheiden parmi lesquelles la satire indiquée de Boileau. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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FeitamaGa naar voetnoot1), qui était considéré comme un poète distingué et un critique compétent, a appliqué cette satire littéraire de Boileau aux poètes hollandais, ce qui fait de sa traduction un document curieux et important pour l'histoire littéraire du temps. La satire de Feitama est moins une traduction qu'une imitation de Boileau, comme le montre e.a. le passage suivant que je prends au hasard: Boileau:
Si je veux d'un Galant dépeindre la figure,
Ma plume pour rimer trouve l'abbé de Pure;
Si je pense exprimer un auteur sans défaut,
La Raison dit Virgile, et la rime Quinault.
Feitama:
Wanneer ik Vondel om zyn kunst en gladden toon
Wil roemen in myn dicht, dan hort het rym op BoonGa naar voetnoot2),
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Of eenen Treurpoeet, wiens werk men mag beproeven,
De Reden noemt Corneille, en 't rymwoord van der HoevenGa naar voetnoot1).
Feitama ne partageait nullement l'admiration générale que presque tous les Hollandais du XVIIe et du XVIIIe siècles montraient pour les oeuvres de Cats. Les vers suivants: Indien ik, om het Rym, een des al niet te min,
Een stoplap dulden kon, of laffen tusschenzin,
'k Zou, zonder lang gepeins, als andren, vloeyend rymen
sont évidemment une allusion aux desalniettemin de Cats, chez qui les chevilles signalées ici sont si fréquentes. Le poète continue en écrivant: Door zulk een ydle praal van woorden....
Zou licht een woordenbeul, noch grootsch op zulke lappen,
Een Kats, een Swanenburgh, en VosGa naar voetnoot2), tot hutspot kappen.
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Le passage de Boileau contre Scudéri devient une attaque contre le malheureux Coenraet Droste: O Droste, die zo snel Homeer volgt in zyn vaart,
En uit uw vruchtbaar brein zo menig Treurspel baart!
De drift doet (ik beken 't), u 't Rym wel rofflend smeden
In spyt des Helikons, in weerwil van de Reden;
Terwyl dat kunstloos werk, waarmee ge uzelven streelt,
De Poezy onteert, en 't grootst geduld verveelt....
En als gy maar het Rym aan 't einde eens regels lascht,
Wat gaat het u dan aan of 't ov'rig daar niet past,
Zo ge, als van LeuveGa naar voetnoot1), slechts met de eigen rymelstuipen
Wel blindlings, doch vernoegd, in Pindus' slyk moogt kruipen?
Te Winkel considère cette satire de Feitama comme un chef-d'oeuvre d'imitation; en effet le poète a si habilement adapté sa traduction aux circonstances hollandaises qu'on est tenté de la prendre pour un ouvrage originalGa naar voetnoot2). En 1773, Me Hudde Dedel, alors bourgmestre de la Haye, fut nommé membre honoraire du cercle littéraire connu sous | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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le nom de Kunstliefde spaart geen vlijt. A cette occasion il lut devant les membres une traduction de l'Epître XI de Boileau, qu'il avait fait imprimer à ses frais sans nom de libraire ni d'éditeur. L'ouvrage présente tout-à-fait le caractère d'un poème de circonstance. C'est une espèce de discours de réception prononcé à l'occasion de son installation solennelle. Le poème est précédé d'une allocution très intéressante ‘aen den Heeren Leden des Genootschaps, in derzelver Algemeene Vergaderinge, gehouden in 's Gravenhaege, den Vden van Oogstmaend, 1773’. Après s'être adressé d'abord aux autres membres honoraires, Hoog, Boetzelaer, Bleiswyk, FagelGa naar voetnoot1), puis au reste de l'assemblée, il passe à l'éloge de Boileau: Gy zult dien Fenixdichter hier
Gemeenzaem met zyn' Hovenier
Van vlyt en luiheid hooren spreeken.
Dus zag men Davus ook weleer,
Een slaef, met Flaccus, zynen heer,
Vrymoedigh praeten en belagchen 's volks gebreken.
Myn dichter volgt alom dit spoor,
Vult noit met wind een kundig oor,
Maer tracht steeds zaekelyk te weezen.
Geen klatergoud bekoort zyn zin,
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Hy zoekt al 't hoog verhevene in
De eenvoudigheid. - Niet vreemd: hy had Longyn geleezenGa naar voetnoot1).
Sur le modèle de Boileau, le poète hollandais s'entretient également avec son jardinier. Boileau, parlant de la nouvelle dignité que le roi lui avait conférée et de ses fonctions d'historiographe, s'exprime ainsi: Mais non; tu te souviens qu'au village on t'a dit
Que ton maître est nommé pour coucher par écrit
Les faits d'un Roi plus grand en sagesse, en vaillance,
Que Charlemagne aidé des douze pairs de France.
Tu crois qu'il y travaille, et qu'au long de ce mur,
Peut être en ce moment il prend Mons et Namur;
Que penserais-tu donc, si l'on t'allait apprendre,
Que ce grand chroniqueur des gestes d'Alexandre,
Aujourd'hui méditant un projet tout nouveau,
S'agite, se démène et s'use le cerveau
Pour te faire à toi-même, en rimes insensées
Un bizarre portrait de ses folles pensées.
Hudde Dedel a appliqué ce passage à l'événement solennel pour lequel il a traduit cette epître, en remplaçant l'historiographe par le membre honoraire: Maar neen, men heeft misschien te Ryswyk u verteld,
Dat ook uw heer tot Lid, eershalve, is aengesteld
Van 't Kunstgenootschap, dat, in 's Graevenhaeg gezeten,
Zyn hoogty vieren zal met Neerlands puikpoëten.
Nu denkt gy ligt, dat hy, door yvervuur geblaekt,
Een lofgedicht tot roem van die Homeeren maekt.
Doch wat stond gy verzet, ging hy u eens vertellen,
Dat hy dit opzet uit zyn hoofd heeft moeten stellen,
Schoon hy daerme voorlang bezwangerd is geweest,
Als zynde veel te groot voor zyn bekrompen geest,
En dat hy, bezig op een nieuwe stof te denken,
Zich afmat, om aen u in dwaeze tael te schenken
Een misselyke schets van zyn verkeerden waen!
Hudde Dedel s'était proposé d'écrire: Een werk, om kort te gaen.... dat het oor
Van Bleiswyk of van Hoog niet quetste door 't gehoor,
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pourtant son poème n'est pas toujours également harmonieux; pour s'en convaincre il suffit de lire les vers suivants: Maer 'k vind geen pak zo zwaer en lastig, buiten kyf,
Dan dit moeilyk gemak van yverlooze menschen,
Die uit hun botheid, byna beestlyk, nimmer wenschen
Te treen, en torschen, in hun traegheid, tot hun straf,
(Vrywilge slaeven van hun vadsigheid, zo laf)
Den Zwaeren last van niets te doen, naer niets te trachten.
Ici, comme partout dans la traduction de cette epître, on sent trop l'effort d'un auteur dont la veine poétique commence à tarir.
En résumant ce chapitre, nous voyons que de 1712 à 1754 il y a eu de nombreuses traductions des satires morales de Boileau. On ne s'est pas contenté de les traduire, on les a adaptées à l'usage des Hollandais et on les a plus d'une fois imitées. Il est permis d'en tirer la conclusion que non seulement on admirait les satires de Boileau, mais qu'en outre on reconnaissait en lui un des maîtres du genre et un modèle à suivre. Après cette étude plus détaillée des différentes traductions de Boileau, il reste à faire une observation intéressante: il est certain que la sphère d'influence de Boileau a été la plus grande entre les années 1680 et 1730. Or, il est très curieux de constater que, tandis que les traductions des satires morales datent toutes de 1712 à 1754, les traductions de l'Art Poétique sont de beaucoup postérieures. La première, celle de Labare, est de 1721, la deuxième, de Cammaert, de 1754; ce sont des traductions flamandes. Toutes les autres traductions de l'Art Poétique, de même que celle de la Satire II, qui n'est pas morale mais littéraire, sont d'une époque où l'influence de Boileau avait, pour ainsi dire, fait son temps. Que faut-il en conclure? Tout simplement qu'on a surtout étudié les théories littéraires de Boileau dans l'oeuvre originale, et non dans des traductions hollandaises. Les satires morales, qui servaient de lecture édifiante, | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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trouvaient un cercle de lecteurs bien plus grand que les ouvrages de doctrine littéraire. Ces derniers étaient seulement lus et étudiés par les savants, les hommes de lettres, les gens du métier, qui préféraient puiser directement à la source plutôt que de se servir d'une traduction médiocre. Pourtant le fait que la première traduction vraiment hollandaise de l'Art Poétique paraît seulement en 1768, donne à penser et permet un certain scepticisme en ce qui concerne l'influence de Boileau au commencement du XVIIIe siècle. Il est vrai que ceux qui s'intéressaient à Boileau avaient à leur disposition le texte français, mais si le poète français a été, en effet, tellement à la mode, pourquoi n'a-t-on pas traduit plus tôt son principal ouvrage? Ne vivait-on pas à une époque où on constatait en Hollande une véritable manie de traduire les chefs-d'oeuvre français et où les théoriciens de Nil Volentibus Arduum proclamaient la supériorité des traductions aux ouvrages originaux? |
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