mais vous Monsieur qui n'estes pas moins qu'eux en droit d'avoir soin de la gloire des grands hommes ne manquerez pas de rendre justice à un tel ami dans vostre Histoire des ouvragesGa naar voetnoot4)
Au reste je me rapporte à ma précédente et suis avec bien du zele
Monsieur
Vostre treshumble et tres obeissant serviteur
FIN DE LA CORRESPONDANCE. |
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voetnoot1)
- Christiaan Huygens est mort après de longues souffrances.
Les premiers symptômes de l'atteinte mortelle d'une maladie qui trois fois déjà, lors de son séjour à Paris, avait mis sa vie en danger, apparurent vers l'été de 1694. Qu'il en parle luimême dans ses lettres à Constantyn (Nos. 2855 et 2864) et même dans celles à Leibniz et à de l'Hospital (Nos. 2854 et 2859) montre bien à quel point ils l'inquiétaient. Toutefois, pour contraindre Huygens à quitter le travail, il fallut que le mal devint plus menaçant encore. C'est ce qu'atteste l'admonition qu'il semble s'adresser à lui-même par quelques vers latins, inscrits dans le livre J des Adversaria sur une page remplie de calculs et de spéculations qui doivent dater de novembre 1694. On y lit:
Strata premens dormi, venturus perditur unà
Insomni cum nocte dies, vitaeque brevis pars.
Ut valeas sit cura, minantemque effuge morbum;
Nam ratio atque animi languent cum corpore vires
Tristitia quodcunque agitat mens inficit aegri,
Nec tibi judiciis propriis tunc fidere fas est.
Nous ignorons si Huygens a pris ses vers de quelque auteur, ou bien s'ils sont sortis de sa propre pensée. On peut les traduire comme il suit:
Dormez en plein repos, une nuit d'insomnie,
Perdant le jour qui vient, abrège encore la vie.
Gardez vous sain et fort, fuyez la maladie;
Car la langueur de l'àme, - à celle du corps unie, -
Infecte la raison d'amère mélancolie
Et trompe qui alors à ses conseils se fie.
Il n'est que trop clair que Huygens, luttant contre l'abattement qui l'envahissait, éprouvait déjà la crainte poignante de ne pouvoir plus disposer de toute la force de sa haute intelligence.
L'hiver passa sans accident. Mais vers le milien de mars la gravité de son état se manifesta. Le 23, il fit venir son notaire Adam van der Smalingh pour lui déclarer ses dernières volontés. Celui-ci, dans la superscription du testament olographe, attesta que Huygens était ‘malade de corps mais parfaitement présent d'esprit, comme il nous apparut’ (sieck van lichaam edoch sijn verstant volcomentlyck maghtigh synde, soo ons bleek). Le 28 suivant, Huygens ajouta encore à son testament un codicille contenant quelques nouvelles dispositions. D'après une note consignée dans le Journal du frère Constantyn, celui-ci reçut le 1 er avril à Londres l'avis de Williet, que Christiaan s'était trouvé dans les derniers jours un peu mieux qu'auparavant. C'est encore au Journal de Constantyn que nous devons emprunter les détails suivants, quoique, pour la plupart, ils ne nous parviennent que d'une source dont la pureté laisse à désirer, savoir de la femme de Constantyn, Susanna Ryckaert, dont les commérages, rapportés dans quelques endroits du Journal, accusent un esprit dénué de toute délicatesse de sentiment.
Le 16 avril, Constantyn apprit de sa femme que Christiaan se trouvait fort mal, qu'il passait les nuits sans sommeil et vivait dans la crainte continuelle de perdre la raison. On avait dû fermer les volets de sa chambre et interdire toute visite parce que, lorsqu'il parlait beaucoup, son état empirait tout de suite. Il désirait vivement le retour de son frère, pensant que la joie de le revoir lui ferait du bien.
Les nouvelles du 26 et du 29 avril furent plus fâcheuses encore. Le malade était en proie à un désespoir que rien ne pouvait distraire. Le médecin van Liebergen, le même qui l'avait traité en 1670, déclarait que la maladie de Christiaan était la bile noire (la Melancholia Hypochrondica de la Lettre No. 1802); il avait prescrit les mêmes remèdes, les bains et le lait de chêvre.
Lorsque Constantyn revint à la Haye, le 24 mai, il apprit que les douleurs intestinales étaient devenues tellement violentes que, pour empêcher que Christiaan n'attentât à sa vie, on avait dû éloigner de lui tout objet qui pût lui nuire. Il éprouvait des hallucinations et était sujet à des délires.
Au commencement de l'été Constantyn dut suivre le Roi à l'armée. Le 3e juin, Christiaan avait passé une nuit tranquille. Cependant lorsque, le soir, Constantyn se présenta à la porte de sa chambre pour prendre congé, Christiaan lui fit dire que, s'il voulait le voir dans l'extrême détresse, il pouvait entrer, mais que, sans cela, il lui souhaitait un heureux voyage. Constantyn n'insista pas.
A l'armée, les nouvelles reçues de la Haye ne purent qu'aggraver les alarmes qui tourmentaient Constantyn. Le 17 juin, Christiaan avait passé deux ou trois jours dans le délire; le 22, il n'y avait plus d'apparence de guérison; l'amaigrissement du malade était effrayant. Mais, si la médecine était impuissante à soulager les douleurs ou à mitiger la lutte suprême, les idées religieuses du temps prescrivaient de recommander à Christiaan Huygens le secours spirituel d'un pasteur. L'insistance exercée sur le pauvre malade l'irrita au point de provoquer une crise violente.
Les souffrances continuèrent jusqu'au 8 juillet lorsque, un affaissement subit s'étant produit, la famille qui l'entourait se crut en droit de faire venir le pasteur contre la volonté du moribond. Les dernières forces de l'auteur du Cosmothéoros s'épuisèrent à repousser les exhortations et les oraisons d'un prêtre calviniste.
Enfin la mort vint le délivrer. Christiaan Huygens expira dans la matinée du 9 juillet 1695, à l'âge de 66 ans.
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voetnoot2)
- Le Landgrave Ernst de Hesse Cassel était mort le 12 mai 1693; Veit Ludwig von Seckendorf, conseiller secret de la Cour de Brandebourg, chancelier de l'Université de Halle, le 18 décembre cembre 1692; et Paul Pellisson (voir la Lettre No. 2185, note 1) le 7 février 1693.
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voetnoot3)
- Consultez les Acta Eruditorum Mensis Augusti Anni m.dc.xcv, p. 369, à l'article: ‘Addenda ad Dn. G.G.L. Schediasma Proximo mense Julio pag. 310 & seqq. insertum’, où Leibniz dit (p. 371):
‘Dum haec scribo, tristem nuntium mortis Viri incomparabilis, Christianii Hugenii accipio. Non poterant majorem jacturam pati literae illae sublimiores, quae humanae menti aditum faciunt in arcana naturae. Ego Hugenium solo tempore Galilaeo & Cartesio postpono. Cum maxima dederit, expectabantur non minora. Et spero inter schedas ejus thesaurum quendam repertum iri, qui nos utcunque soletur. Eoque magis orandus est frater ejus, vir meritis in rempublicam illustris, ut maturata editione communi utilitati pariter ac fraternae gloriae, imo suae consulare velit’.
Sous la date du 29 juillet 1695 Leibniz écrivit à Jean Bernoulli. (Gerhardt, Leibnizens Mathematische Schriften, Band III, erste Hälfte, p. 211).
‘Incomparabilem Hugenium obiisse haud dubie intellexisti. Quanta haec sit jactura, dici satis non potest, ob summum viri judicium, cum maxima profundissimaque rerum notitia conjunctum. Utinam, quemadmodum spero, reperiantur in ejus schedis, ex quibus pars eorum, quae meditatus est, erui & publico commodo produci in lucem possit. Dolendum est quod vis morbi, quae mentem obfuscaverat, non permisit ut ipse, quod optimum visum fuisset, ea de re non statuerit, atque ordinarit. Nisi forte (ut fieri solet) paulo ante mortem ad se rediit ultimamque voluntatem suam aperuit; quod si factum est, non diu latebit’.
Joh. Bernoulli, qui venait d'être nommé à Groningen, répondit le 3 sept. (l.c.p. 215):
‘Tristissimum nuncium, de obitu Incomparabilis Hugenii, jam ex Belgio acceperam. Ego ut puto, prae aliis summam feci jacturam, si vel solam eum videndi spem amissam considerem. Dnus. Hospitalius mihi scribit habuisse illum 66 annos, & Fratri suo exheredato substituisse heredes nepotes suos. Solatium nobis est, quod ante mortem de Manuseriptis suis optime disposuerit, nominavit enim, ut audio, duos Mathematicos Batavos, quibus schedas suas committi jussit, ut praestantiora typis mandentur. Quantum damnum si ea intercidissent!’
A la première nouvelle prématurée, qu'il avait reçue de de l'Hospital touchant la mort de Huygens, Bernoulli avait répondu le 23 jnin 1695: ‘La plus facheuse nouvelle que vous m'apprenez c'est la mort de Mr. Hugens; en vérité elle m'a tout a fait consterné et j'ay de la peine à me relever; car je contois dèj beaucoup par avance sur son amitié dont j'aurais pû jouir quand je seray en Hollande, en effet l'envie que j'avais de faire connaissance avec ce grand homme étoit le premier ressort qui me tirait en ce pays-là’.
Quant à de l'Hospital, dans sa lettre du 22 août 1695, il communiqua à Bernoulli l'issue fatale de la maladie de Huygens en ces termes: ‘Je ne doute pas que vous ne son de les mort de Mr. Hugens. Il était agé de 66 ans, et il a fait heritier ses nevenx a l'exclusion de son frere, et a nommé deux mathematiciens de holande pour revoir ses ecrits et avoir soin de les faire imprimer. J'en suis tres faché en mon particulier, car il me faisoit beaucoup d'amitiés. Je suis persuadé que quand il vous auroit connu il vous auroit fort estimé et rendu tous les services qu'il auroit pû. C'est lui qui vous avoit indiqué à Mrs. de Groningue qui s'etoient adressés a lui pour avoir un Mathematicien de sa main, s'etant ressouvenu de la priere que je lui avois faite sur vôtre sujet, comme il me marqua dans sa lettre’.
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voetnoot4)
- De Beauval s'est acquitté de cette tâche en écrivant, dans la livraison d'août 1695, pp. 542-547 de son Journal, un Eloge de Mr. Huygens. Après avoir qualifié Huygens comme le plus célèbre Mathématicien du siècle, il donne un résumé succint de ses principaux travaux et termine comme il suit: ‘Il aimoit la vie paisible et méditative. Souvent il se retiroit dans la solitude de la campagne pour être moins distrait & moins dissipé. Ceper dant il n'avoit point cet humeur triste & sauvage, que l'on contracte d'ordinaire dans la retraite. Ses manieres étoient faciles et humaines. Il faudroit recueillir les éloges qu'il a reçus de toutes parts, pour exprimer l'estime universelle, qu'il a méritée, & les justes regrets que doit causer dans a République des lettres la perte d'un homme si peu ordinaire. Mr. Dierkens (Président du Conseil souverain de Brab.) l'un de ses plns intelligens admirateurs lui a dressé une Epitaphe, et lui applique ce vers de Virgile:
Credo equidem, nec vana fides, genus esse Deorum’.
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