Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690

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N^o 2608.
D. Papin à Christiaan Huygens.
20 août 1690¹⁾.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Elle a été publiée par E. Gerland²⁾.
La lettre fait suite au No. 2595.

de Marbourg ce 20^e/10^e Aoust 1690.

Monsieur

Je me donnay l'honneur, il ij a environ deux mois³⁾, de Vous ecrire pour Vous rendre tres humbles graces du precieux present que vous mavez fait de vos deux Traittez; et je prenois en mesme temps la liberté de Vous demander quelque eclaircissement sur certaines choses que j'ij avois remarquées: depuis cela je n'ay pu ij faire d'autres observations ne voulant pas refuser vostre livre à quelques vns de M.^rs nos Professeurs qui souhaittoient fort le voir et qui me l'ont gardé depuis cela les vns apres les autres: ainsi Monsieur, ce qui me fait prendre la liberté de Vous ecrire à present n'est pas pour Vous proposer de nouveaux doutes, mais seulement pour Vous supplier de me faire sçavoir si Vous avez receu ceux que je Vous ay desjà envoyez. J'aurois aussi esté bien aise de voir ce que Vous avez trouvé à dire au calcul touchant la machine de Mr. Perrault: mais je sçay, Monsieur, que ce ne sont pas lá des choses qui meritent de Vous detourner de vos autres occupations et je doibs attendre vostre loisir et vostre commodité aussi long temps qu'il vous plairra: seulement je Vous supplie, avec toute la soumission que je doibs de daigner me faire vn mot de reponse afin que je scache si la poste ne m'a point fait quelque mauvais tour. Je ne sçay par quele fatalité il se trouve que j'ay icij des ennemis fort puissants et à qui il est facile de faire retenir mes lettres à la poste: de sorte qu'ayant eu depuis peu quelqu'autre rencontre qui me donne du soupçon de ce costé lá, je souhaitterois extremement en estre mieux eclairci afin de prendre mes precautions. J'ay depuis peu envoyé à Lipsik vne nouvelle maniere de faire le vuide que je trouve plus commode et de moins de depense que ne seroit la poudre a canon⁴⁾: c'est par le moien de l'eau qui se rarefie en vapeurs; et outre

1) La lettre, transmise à Huygens par J. Gousset, n'a été reçue que le 9 septembre. Voir la note a de la Lettre N^o. 2618.

2) Leibnizens und Huygens' Briefwechsel mit Papin, p. 154.

3) Voir la Lettre N^o. 2595.

4) L'article parut dans les Acta Eruditorum du mois d'août 1690, p. 410, sous le titre:
Dion. Papini Nova Methodus ad Vires Motrices validissimas levi pretio comparandas.
Dans cet article Papin ne cite pas Huygens comme l'inventeur de la machine à poudre à canon, dont la machine à vapeur de Papin était une modification, mais il renvoie à une lettre imprimée dans les ‘Acta’ de septembre 1688, où il dit en parlant de la machine de Huygens: ‘Lectores igitur monendos hic arbitror, mihi tunc temporis id honoris obtigisse, ut in regia Bibliotheca apud Illustrissimum Dominum Hugenium degerem, ipsique ad ejusdem molimina meam praestarem operam; ipse ego experimentum coram Domino Colberto institui’. Consultez, sur ce dernier article de Papin, la note 1 de la pièce N^o. 2425.
Très probablement cette collaboration n'a pas été étrangère à l'idée de Papin de remplacer la force motrice de la poudre à canon par celle de ‘la vapeur de l'eau raréfiée’. Dès l'origine de ses travaux à l'Académie de Paris, Huygens s'était proposé d'étudier successivement ces deux forces motrices. Consultez la pièce N^o. 1568.

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la commodité et l'epargne ell'a encor vn grand avantage en ce qu'elle fait le vuide parfait; au lieu que la flame de la poudre à canon laisse tousjours quelque quantité d'air: ainsi je ne fais pas de doute que cette force ne pust s'appliquer fort avantageusement à bien des vsages, pourvu que ma lettre n'ayt point esté perdue je m'asseure que cela paroistra bien tost dans les Acta, et j'espere Mon.^r, que Vous aurez aussi la bonté de m'en dire vostre pensée quand vostre commodité le permettra. Cependant je Vous supplie tres humblement, Monsieur de m'honorer seulement d'un mot de response et de me dire aussi en deux mots quand vostre Dioptrique pourra paroistre: je doibs traitter cette matiere l'année prochaine, conformement aux loix de nostre Academie, et ainsi s'il ij avoit moien d'avoir vostre ouvrage avant ce temps je donnerois ordre à vn libraire à Frankfort de faire les diligences pour cela. J'ay de la confusion d'agir si librement avec Vous, mais je me souviens tousjours des bontez que Vous m'avez temoignées et je me flatte que Vous daignerez tousjours me les continuer. Je seray toute ma vie avec vn tres profond respect

Monsieur

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur D. Papin.

J'ay prié mon cousin Gousset⁵⁾ ministre refugié a Dort de vous envoyer son addresse: Ainsi Monsieur, si vous avez la bonté de me faire response il n'y a qu'á la luy envoyer et il me la fera tenir.

A Monsieur Monsieur Christien Hugens de Zulichem chez Monsieur de Zulichem A la Haye.

5) Jacques Gousset, né à Blois le 7 octobre 1635. Il étudia à l'Académie de Saumur. Il fut nommé pasteur à Poitiers et refusa le professorat qui lui avait été offert à Saumur. La révocation de l'édit de Nantes en 1685 le força de quitter la France. Il s'établit d'abord en Angleterre, puis comme pasteur à Dordrecht. Les curateurs de l'Université de Groningen le nommèrent professeur en théologie, philosophie et langue Grecque. Il occupa cette chaire du 9 avril 1691 jusqu'à sa mort, le 4 novembre 1704.