Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690
(1901)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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d'imitateurs dans vn temps aussi malheureux que celuy cy: Pour moy je serois l'un et l'autre si ma capacité s'estendoit jusques à traitter les choses d'une maniere qui requiert tant de force et de penetration; mais il faut que je me contente de chercher plus superficiellement, et puisque Vous temoignez avoir la bonté de daigner m'honorer de quelques vnes de vos lettres, je Vous supplie tres humblement, Monsieur, de vouloir bien me lever quelques scrupules qui me sont venus en lisant vos additions au traitté de la Pesanteur. Vous ij dittes, pag. 159, que Vous croyez que la pesanteur est la mesme au dedans de la Terre que à sa surfaceGa naar voetnoot3): je ne vois pas comment cela se peut accorder avec vostre second Theoreme de vi centrifugâGa naar voetnoot4) imprimé à la fin de vostre Horologium oscillatorium: car attribuant vne certaine vitesse à la matiere qui cause la pesanteur, il semble que celle qui se meut dans les circumferences plus proches du centre et par consequent plus petites, doibt avoir plus de force centrifuge: ainsi selon ce Theoreme les corps qui sont à la moitié de la distance dicij au centre de la Terre devroient avoir le double de la pesanteur qu'ils auroient s'ils estoient à la superficie: puisque cette matiere doibt causer vne pesanteur proportionnée à sa force centrifuge. Ce qui me surprend encor davantage c'est que Monsieur Newton met cette difference de pesanteur encor plus grande puisque selon luy les corps à la distance que je viens de dire auroient vne gravité quadruple de celles qu'ils auroient à la superficie de la Terre: je trouverois encor moins de difficulté à accorder vostre pensée que la sienne avec le Theoreme susdit, et neantmoins il semble que sa pensée s'accorde avec les observations. Une autre chose qui me fait de la peine c'est ce que vous dittes pag. 162Ga naar voetnoot5), que vous croyez que la dureté parfaitte est de l'essence du corps: il me semble que c'est lá supposer vne qualité inhaerente qui nous cloigne des Principes Mathematiques ou Mechaniques: car enfin vn atome quelque petit qu'on le prenne est pourtant composé de parties reellement distinctes et les vnes hors des autres: la moitié orientale est reellement distincte de la moitié occidentale: de sorte que si je donne un coup seulement à la partie orientale pour la pousser vers le Midy, il n'ij a aucune raison Mechanique | |
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qui m'oblige à croire que la partie occidentale ira aussi du mesme costé: ainsi il me semble que pour s'en tenir absolument aux Principes de Mechanique il faut croire que la matiere d'elle mesme n'a aucune liaison de parties, et que la dureté qui s'eprouve en certains corps ne vient que du mouvement des liqueurs environnantes, qui pressent les parties moins agitées les vnes contre les autres. Je vous seray infiniment redevable, Monsieur, sil vous plaist me donner quelque eclaircissement sur cela. Je Vous supplie aussi tres humblement de me faire sçavoir ce que Vous avez trouve à redireGa naar voetnoot6) dans mon calcul de la machine de Monsr. PerraultGa naar voetnoot7); pour moy je le trouve suffisamment exact pour la practique. J'y ay seulement obmis de parler de ce que le globe D et le levier CP, dans le temps qu'ils montent vers le
haut du cercle qu'ils decrivent, contrebalancent par leur pesanteur vne partie des poids AA, et ainsi doivent diminuer leur force dautant: mais j'ay cru pouvoir | |
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negliger cela parce que en recompense de cette resistence qu'ils font, ils aident aussi ensuitte en descendant du haut vers le bas de ce mesme cercle: et cette omission est d'autant moins considèrable que je la fais dans vne et dans l'autre disposition de la machine: de sorte qu'il se doibt tousjours trouver à peu pres mesme proportion entre les effets que je compare l'un à l'autre: or ce n'est que cette proportion que je cherche dans cet ecrit, et comme il ne paroistra desjá que trop difficile à bien des Lecteurs j'ay cru qu'il ne falloit point l'embarrasser d'autres observations peu vtiles pour mon desseing. Dans la piece qui precede immediatementGa naar voetnoot8) ce calcul dans les Acta j'ay fait vne fort grande faute en rapportant si mal ce que vous m'aviez dit de la vitesse de la matiere qui cause la pesanteur: puisque je la dis plus de mille fois plus grande que vous ne la posez dans vostre livreGa naar voetnoot9): mais je ne sçaurois dire comment il s'est pu faire que j'aye si mal entenduGa naar voetnoot10) ou que je me sois si mal souvenu: car avant d'avoir lu vostre livre je croyois fermement que vous m'aviez dit que la vitesse de cette matiere estoit 22000 fois plus grande que celle d'un point de l'Equateur à la superficie de la Terre: et ainsi, n'ayant point vu vos experiences je n'ay point eu lieu de balancer à rapporter les choses comme j'ay fait: je sçavois pourtant bien les experiences que vous dittes de la difference qui se trouve entre la longueur d'un pendule à secondes lors qu'il est proche de l'Equa- | |
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teur; ou qu'il est en Europe; mais j'attribuois cela à la chaleur, et comme tous les corps s'etendent par le chaud, je croyois que la verge qui soutient le pendule pouvoit estre plus longue soubs la ligne quoy qu'on ne s'en apperçeust pas, parce que les pieds de Roy ou autres mesures dont on se sert pour l'examiner, estoient aussi allongées de mesme: et ainsi le raccourcissement qu'on croyoit faire à cette verge la remettoit simplement à la mesme longueur qu'ell'avoit en Europe: mais apres le calcul ingenieux qui se trouve dans vostre livre il y a peu lieu de douter que le mouvement de la Terre ne soit la principale cause de ce Phaenomene, quoy qu'il se puisse faire que la chaleur y contribue aussi quelque peu, les observations ne respondant pas encor exactement au calcul. Je crois Monsieur, qu'on en pourroit faire l'experience par le moien de quelque Thermometre sceellé hermetiquement qu'on porteroit soubs la ligne pour scavoir à peu pres quel est le degré de chaleur en ces pays lá, et en suitte faire icy un pareil degré de chaleur dans quelque poesle, et l'entretenir ainsi aussi longtemps qu'il seroit necessaire pour vne telle experience, ou pour mesurer simplement la longueur de la verge du pendule avec un pied de Roy qui n'auroit pas este exposé à la mesme chaleur assez longtemps pour en estre penetré. L'estat de mes affaires, ou Vous temoignez avoir la bonté de prendre encor quelque interest, n'est pas si bon qu'on pourroit se l'imaginer. Les Princes ont tant de sortes d'occupations, qu'ils ne pensent gueres aux sciences et de plus la Cour n'est presque jamais icij: si bien que je n'ay gueres à esperer de ce costé lá: et pour ce qui est de l'Academie on peut dire que le Professeur en Mathematiques ij est tres peu vtile: parce que le peu d'Etudiants qui viennent içij ne le font que pour se mettre en estat de gaigner leur vie par la Theologie, le Droit, ou la Medecine; et de la maniere que ces sciences se traittent jusques à present les Mathematiques n'ij sont point necessaires: ainsi cette jeunesse ne veut pas s'en embarrasser. De plus les revenus de l'Academie sont fort mediocres et la guerre les rend encor plus difficiles à tirer qu'auparavant: de sorte que je crois que ce seroit faire grand plaisir à ces Messieurs de leur presenter quelque moien honneste pour se defaire de moy, et joindre cette charge à celle de quelcun des autres Professeurs qui ne recevroit que fort peu d'augmentation de gages pour cela: moy aussi je serois fort aise d'estre en lieu ou je pusse encor travailler à de nouvelles recherches, ayant quelques pensées qui, ce me semble, vaudroient bien la peine d'estre mises à execution, et n'esperant gueres de le pouvoir faire dans un lieu comme celuy cij ou je n'ay qu'à peine de quoy subsister, et ou on manque de plusieurs commoditez qui se rencontrent facilement dans les villes marchandes. Ainsi, Monsieur, s'il se trouvoit dans quelcune de vos vniversitez de Hollande quelque place propre pour moy, Vous feriez sans doute plaisir à tout le monde de me la procurer; mais à moy particulierement qui en me rapprochant de Vous me consolerois avec plaisir du malheur que j'ay eu de venir icij sur de mauvaises informations: et j'esperois aussi que ceux qui m'auroient ne s'en repentiroient pas: car j'ay fait mes Haran- | |
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gues, soutenu mes Theses inaugurales contre les Professeurs, et je m'acquitte de toutes les autres fonctions d'une maniere que personne n'y peut trouver à redire: et de plus je puis de temps en temps produire quelque nouveauté qui fasse parler de l'Academie dont je seray membre. Je prens la hardiesse, Monsieur, de Vous parler de cette maniere me confiant en la Bonté extraordinaire que vous m'avez tousjours temoignée: et je Vous supplie tres humblement de ne dire point que je Vous aye fait de telles ouvertures, crainte de donner occasion à mes ennemis de mal interpreter ce que je ne fais qu'à bonne intention: et en cas que Vous ayez à mecrire quelque chose sur cela ayez, s'il Vous plaist, la bonté de le faire par la poste en addressant vos lettres à D. Papin Professeur en Mathematiques à Marbourg, elles me seront seurement rendues. Je Vous supplie tres humblement, Monsieur, de me pardonner cette liberté et de croire que je sçay tousjours le respect que je Vous doibs, et que je seray toute ma vie avec vne profonde soumission,
Monsieur
Vostre tres humble et tres obeissant seruiteur D. Papin.
A Monsieur Monsieur Christien Hugens de Zulichem chez Mons.r de Zulichem franco. bremen A la Haye. |
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