Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669
(1895)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 1568.
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Pour l'Assemblée de Physique.La principale occupation de cette Assemblée et la plus utile doibt estre, à mon avis, de travailler à l'histoire naturelle à peu pres suivant le dessein de VerulamiusGa naar voetnoot2). Cette histoire consiste en experiences et en remarques et est l'unique moyen pour parvenir à la connoissance des causes de tout ce qu'on voit dans la nature. Comme pour sçavoir ce que c'est que la pesanteur, le chaud, le froid, l'attraction de l'aimant, la lumiere, les couleurs, de quelles parties est composè l'air, l'eau, le feu et tous les autres corps, à quoy sert la respiration des animaux, des quelle façon croissent les metaux, les pierres et les herbes, de toutes lesquelles choses on ne | |
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sçait encore rien ou tres peu, n'y ayant pourtant rien au monde dont la connoissance seroit tant à souhaiter et plus utile. L'on devroit, suivant les diverses matieres dont j'en viens de nommer quelquesunes, distinguer les chapitres de cette histoire et y amasser toutes les remarques et experiences qui regardent chacune en particulier, et de ne se pas tant mettre en peine d'y rapporter des experiences rares et difficiles à faire, que celles qui paroissent essentielles pour la descouverte de ce que l'on cherche, quand bien mesme elles seroient fort communes. L'utilitè d'une telle histoire faite avec fidelitè s'estend a tout le genre humain et dans tous les siècles à venir, parce qu'outre le profit qu'on peut tirer des experiences particulieres pour divers usages, l'assemblage de toutes est tousjours un fondement assurè pour bastir une philosophie naturelle, dans laquelle il faut necessairement proceder de la connoissance des effets à celle des causes. La chimie et la dissection des animaux sont assurement necessaires à ce dessein, mais il faudroit que les operations de l'une ou de l'autre tendissent toujours à augmenter cette histoire de quelque article important et qui regardast la decouverte de quelque chose qu'on se propose, sans perdre de temps à plusieurs mesmes remarques de quelques circonstances dont la connoissance ne peut avoir de la suite; pour ne pas encourir le reproche que faisoit Seneque aux philosophes anciens: Invenissent for sitan necessaria nisi et superflua quaesissentGa naar voetnoot3). Il faudroit commencer par les matieres que l'on jugera les plus belles et utiles, dont on pourra distribuer plusieurs à la fois à autant de personnes de ceux qui composent l'assemblée qui toutes les semaines y feront le rapport et lecture de ce qu'ils auront recueilli, et ce sera ainsi une occupation reglée, dont le fruit sera indubitablement tres grand.
Huygens. |
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