Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

N^o 1683.
Christiaan Huygens à [R. Moray].
[? décembre 1668].

La minute se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Elle est la réponse au No. 1668. R. Moray y répondit le 14 février 1669.

Monsieur

Si vous ne scaviez pas que les lettres qu'on adresse par voie d'amy sont d'ordinaire longtemps en chemin, vous auriez sujet de vous estonner que je ne reponds qu'aujourdhuy a la vostre du 21 Octobre. Elle ne m'a estè rendue que lundy dernier, et m'a procurè cet avantage de recevoir une visite de Messieurs Beringhen pere¹⁾ et fils²⁾ en mesme temps, qui sont assurement personnes de merite et dont je devois rechercher l'amitiè, si elle ne m'avoit estè donnee par vostre moyen. Ie vous en remercie donc tres humblement et non pas moins de ce que a cette occasion vous avez bien voulu avoir la bontè de renouveller nostre anciene correspondance, dont je me suis assez souvent reprochè une si longue interruption, et que par ma faute j'estois privè de tout commerce avec vostre Illustre et Scavante Societè.

I'ay assez tesmoignè par ma derniere³⁾ a Monsieur Oldenbourg que j'estois

1) Sur Jean de Beringhen, voir la Lettre N^o. 1666, note 1.

2) Théodore de Beringhen, fils aîné de Jean de Beringhen et de Marie de Menours, naquit en 1644. Il épousa Elisabeth Goyon, était protestant zélé, et fut persécuté et emprisonné comme tel. Finalement, en 1687, il fut expulsé, comme l'avaient été son père et plusieurs de ses soeurs. Il raconta leurs revers dans l'ouvrage anonyme:
Lettre d'exhortation et de consolation sur les souffrances de ces derniers temps. la Haye, 1704, in-12^o.

3) Consultez la Lettre N^o. 1670.

[p. 312]

bien aise de le recommencer sur ce qu'il m'avoit demandè par ordre de la Societè Royale la communication de ce que j'ay trouvè des regles de mouvement, dont je luy envoieray quelque chose par le prochain ordinaire, n'ayant pu estre prest pour cettuici. Ie vous prie comme je l'en ay priè aussi de faire en sorte que l'on m'envoie en recompense les experiences sur ce mesme sujet que ceux de la Societè Royale ont faites et les consequences qu'ils en ont tirees et sur tout l'excellent Monsieur Wren, que l'on dit y avoir travaillè⁴⁾ le plus.

I'ay encore une priere a vous faire Monsieur, c'est de me faire avoir raison s'il y a moyen d'un de vos compatriotes Monsieur Gregory, de qui le procedè a fort scandalizè tous les honestes gens d'icy qui ont veu les choses qu'il a escrites contre moy sans en avoir eu sujet. Prenez s'il vous plait la peine de chercher parmy les lettres que vous avez de moy si vous les avez gardees, celle⁵⁾ ou il y a la regle⁶⁾ par logarithmes pour trouver la pesanteur de l'air dans les hauteurs donnees par dessus la terre, et de la luy montrer, apres quoy s'il n'avoue publiquement qu'il m'a accusè a tort de n'avoir jamais envoiée cette regle contre ce que j'avois assurè, je seray contraint de me justifier moy mesme et peut estre de luy dire ses veritez ainsi qu'il a meritè.

C'est dommage que cet homme qui paroit avoir de l'esprit aye une conduite si peu raisonable qui ne servira qu'on luy attire des enemis. car je vois desia que Monsieur Wallis⁷⁾ n'est guere plus satisfait de luy que moy. Il faut qu'il n'aye pas encore grande habitude avec vous, parce si cela estoit il devroit avoir profitè et de vos conseils et de l'exemple de vos vertus. Je vous prie de croire que je les honore comme j'ay tousjours fait et que je suis &c.

4) Consultez la Lettre de Wren du 17 décembre 1668 [V. st.], qui suit, comme Appendice N^o. 1696, la Lettre de H. Oldenburg du 14 janvier 1669.

5) Consultez la Lettre N^o. 1046, du 18 août 1662, et l'Appendice N^o. 1048.

6) Moray lui envoya cette copie le 14 février 1669.

7) Consultez la Lettre N^o. 1676.