Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

N^o 1545.
Christiaan Huygens à [Ph. Doublet].
18 juin 1666.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 18 Juin 1666.

Vostre seconde reformation de la Cariolle est encore toute semblable a celle qu'on a fait icy, ou l'on ne voit point que les pieds passent plus bas que les flesches. Aussi ce n'est pas estrange que l'experience en faisant veoir les mesmes inconvenients mene a la mesme fin. La disgrace arrivee a Monsieur van Leeuwen est petite en comparaison de celles qui arrivent quelques fois icy, car l'on m'a contè de deux ou 3 personnes qui ont peri par le moyen de leurs chaises roulantes, dont il y en a qui sont tres dangereuses. Celle de Monsieur le duc de Roanez¹⁾ dont je sis mention dans ma derniere²⁾ est a peu pres de la forme que vous voiez, ayant deux pieces de bois de 4 pieds qui font angle sur le derriere des flesches et desquels la chaise est suspendue comme encore par devant de deux pieces de bois erigees sur les flesches, et qui servent en mesme temps a soutenir la chaise du cocher. le derriere de la chaise n'est eloignè que d'un pied de l'aissieu de la rouë, ce qui fait que ni l'homme ou hommes qui sont dedans, ni la chaise mesme ne pesant pas beaucoup sur le cheval, il porte encore assez aisement le cocher; et il dit que le cocher y estant la cariolle en est plus douce qu'autrement. Pour moy il me semble que cette forme approche fort de celle des carosses et qu'elle a trop de pieces. c'est

1) Artus Gouffier.

2) Consultez la Lettre N^o. 1542.

[p. 45]

pourquoy je serois plustost pour la simplicitè de celles de la premiere invention comme est la vostre.

Dans la description du Louvre³⁾ j'avois estè mal informè touchant les 2 estages de colommes de 60 pieds, car il n'y en doit avoir qu'un, et en effect c'est bien assez quand je me souuiens que nostre maison a la Haye⁴⁾ jusqu'au sommet du toict n'a que cette hauteur de 60 pieds.

L'on m'assure tousjours que l'on executera le dessein du Chevalier Bernin⁵⁾ apres que l'on aura achevè de bastir du costè des Tuilleries ou l'on est occupè maintenant.

Je fus veoir Monsieur Silvestre⁶⁾ il y a quelque jours qui me montra les ouvrages qu'il a achevè depuis deux ans, qui sont le grand carousel, les planches de Veaux qui sont tresbelles, et quelques vuës de Fontainebleau et Saint Germain grandes comme celles-la. Si vous en desirez vous n'avez qu'a m'en donner la commission. Il a achetè une maison dans le quartier ou je vay demeurer et je ne croy pas que j'y trouveray de plus belles voisines que sa femme que je consideray a loisir a cette derniere visite.

I'iray veoir cette apresdinee quel apartement on me donne dans la maison que Monsieur l'archevesque⁷⁾ à la fin a quitée il y a 3 jours.

L'on a nouuelles icy depuis mardy⁸⁾ qu'il y a combat⁹⁾ entre les 2 flottes mais jusqu'icy l'on ne scait rien d'assurè du succes. j'espere qu'aujourdhuy j'en apprendray

3) Consultez la Lettre N^o. 1542.

4) Consultez la Lettre N^o. I. (Suppl. T. IV).

5) Giovanni Lorenzo Bernini; consultez la Lettre N^o. 1542.

6) Sur Israel Silvestre, voir la Lettre N^o. 822, note 2.

7) Sur Harduin de Bérésixe de Beaumont, voir la Lettre N^o. 1542, note 7.

8) C'était le 15 juin 1666.

9) Il s'agit du combat naval, dit de quatre jours, entre les Provinces-Unies et l'Angleterre, et qui eut lieu du 11 jusqu'au 14 juin 1666.

[p. 46]

quelque chose. l'on disoit hier que l'avantage avoit estè du costè des nostres, et qu'ils avoient coulè a fonds 15 vaisseaux Anglois et pris 8. mais la nouuelle avoit passè par tant de mains que je n'oserois m'y fier. Monsieur le Comte de Guiche¹⁰⁾ et Monsieur son beaufrere¹¹⁾ auront eu de quoy contenter leur curiositè.

Ie vous remercie des particularitez de vostre visite chez D. Rembrantz.¹²⁾ Ie veux esperer que l'humeur ou vous l'avez trouuè cette fois est son ordinaire et qu'il se portoit mal lors que nous y fumes ensemble.

I'attens quel aura estè le succes de l'operation chez Monsieur de Merode¹³⁾. L'on dit qu'on luy couppe la jambe par dessus le genou, ce qui ne se fait pas sans grand danger de la vie.

Mes treshumbles baisemains s'il vous plait a mes dames vostre mere¹⁴⁾ et femme¹⁵⁾ nec non a Madame Cauw¹⁶⁾.

10) Armand de Gramont, comte de Guiche, avait épousé
Maria Louisa de Béthune-Sully, fille de Maximilien de Sully et de Rachel de Cochefilet.

11) François de Béthune, duc d'Orval, était le fils puiné de Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de Sully, et de Rachel de Cochefilet. Il naquit en 1598 et mourut le 7 juillet 1678. Il était protestant zélé.

12) Le cordonnier mathématicien Dirk Rembrandtz. van Nierop demeurait à Nieuwe Niedorp en Nord-Hollande.

13) Jan van Merode, fils de Floris van Merode et de Margaretha van Gent, était seigneur de Rummen et d'Oudelands Ambacht, bailly de Kennemerland, et mourut en 1666. Reçu en 1653 comme noble de Hollande, il eut diverses missions diplomatiques, entre autres en 1660 en Espagne. Il épousa Emilia van Wassenaer Obdam, soeur de l'amiral.

14) Geertruid Huygens.

15) Susanna Huygens.

16) Catharina Hesselt van Dinter, seconde épouse de
Iman Cau, greffier de la haute cour de justice de Hollande, Zélande et West-Frise. Le mariage a eu lieu le 25 août 1655.