Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665

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N^o 1430.
J. Chapelain à Christiaan Huygens.
9 juillet 1665.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Chr. Huygens y répondit par le No. 1444.

Monsieur

j'ay veu dans vostre lettre a Monsieur Carcaui¹⁾ la peine où vous estiés des dernieres²⁾ que vous m'aués escrittes du 20. May ce qui me fait juger que vous n'aures pas receu mon ample response³⁾ ou entre autres choses je vous donnois auis que vostre Procuration estoit arriuée à bon port et que je n'attendois que le retour de Monsieur Thuret pour essayer de traitter auec luy selon vos intentions. Il est fascheux que cette lettre se soit perduë pour moy qui auray trauaillé en vain et pour vous qui serés demeuré tout ce temps là en doute si j'ay moins de chaleur pour vostre interest maintenant que par le passé. Apparemment le valet de Monsieur Theuenot qui les porta a Monsieur Van Beuning en son quartier de Chatou nait ouuert mon paquet et n'en ait egaré vne partie car japprens de Monsieur Vossius que Monsieur Bisdommer⁴⁾ luy auoit fait rendre celle⁵⁾ que je luy escriuois sous la mesme enueloppe. Il y en auoit encore vne dimportance⁶⁾ à Monsieur Heinsius, qui ne vous aura non plus esté portée pour la faire tenir a nostre Ami en Suede dans la despesche de Messieurs les Estats. Quant a celle qui saddressoit à vous je vous en enuoye la copie⁷⁾ que mon homme auoit eu ordre de retenir a toutes fins, de sorte que le naufrage naura pas esté entier. I'ay veu depuis Monsieur Thuret et luy ay declare le pouuoir que j'auois d'entrer en negotiation auec luy sil continuoit à vouloir entendre à la Proposition que luy mesme mauoit le premier faitte. Sa response a esté premièrement qu'il vous estoit tresobligé de la preference que vous estiés resolu de luy donner, qui estoit toute la grace quil pretendoit de vostre bonté. Mais qu'auant que d'entrer en matiere il seroit bon que la machine fust icy et qu'il la pust voir, apres quoy on parleroit des conditions. On a escrit de vos quartiers, par enuie sans doute, que vous mesme

1) Nous n'avons trouvé nulle part la minute de cette lettre de Chr. Huygens à P. de Carcavy. Consultez la Lettre N^o. 1426, note 10.

2) Voir la lettre N^o. 1408.

3) Cette réponse est la Lettre N^o. 1417.

4) Sur Bisdommer, voir la Lettre N^o. 863, note 1.

5) Chapelain avait écrit, le 31 mai 1665, à Vossius sur la suppression du Journal des Scavants. Consultez Ph. Tamizey de Larroque, Lettres de J. Chapelain T. II. 1883.

6) Cette lettre de Chapelain à Heinsius, datée du 1^er juin 1665, avait pour objet de lui demander les exemplaires d'hommage de son édition de Claudianus.

7) Nous ne possédons point cette copie de la Lettre N^o. 1417, mais bien la lettre originale.

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auiés trouué des defauts dans vostre Inuention qui vous empeschoient de la publier, et de deça vous aués trouué des gens malofficieux qui ont semé la mesme calomnie; ce qui tient en suspens l'esprit de cette personne cy. Ie ne laissay pas dans l'entretien que j'eus auec luy ensuitte de descouurir son intention qui alloit à vous tenir conte d'vn certain proffit pour chaque horloge des vostres qu'il fabriqueroit sans vous obliger ni luy a vn temps limité, afin que si la vente en reussissoit bonne vous pussiés hausser le prix de la conuention et si au contraire la vente n'en reussissoit pas il en pust demander le rabais ou la dissolution. Il disoit pour monstrer la justice de sa pensee qu'aussi bien vous estiés trop homme d'honneur pour le vouloir engager a vn Traitté qui luy pust estre ruineux, et luy trop raisonnable pour que vous liassiés les mains en sa faueur et a vostre dommage. Sur le point des seuretés il me dit quil vous les donneroit telles que vous le voudriés pourueu qu'elles fussent en sa puissance. Luy ayant jetté le propos de marques, sans luy declarer ce que vous m'en auiés escrit par ce que je n'y voyois pas assés d'assurance pour vous, il me fit cette ouuerture que vous feries faire vn poinçon d'acier graue en bosse de vos armes ou de vostre chiffre compose de la maniere la plus difficile à contrefaire pour le frapper sur la principale table de ses horloges, et que de son costé il auroit de mesme vn poinçon graué du sien quil frapperoit sur la mesme table, ce qui regarde la fraude que les Estrangers y pourroient faire en les contrefaisant et qui faute d'auoir ces poinçons ne les contreferoient que fort imparfaittement et par la donneroient lieu a la confiscation et aux amandes. Pour la fraude qu'on pourroit soupçonner qu'il fust capable dy faire elle luy seroit impossible aussi bien quaux autres par ce quil n'auroit pas vostre poinçon que par exemple vous m'auries confié ou a quelquautre de vos Amis. Qu'outre cela pour se precautionner contre luy vous mettriés vne si grande peine qu'il vous plaisoit comme de deux ou trois cens pistoles au cas qu'il fust conuaincu de vous auoir trompe a quoy il se sousmettroit dans son Traitté sans repugnance, et dautant plus librement qu'estant impossible quil en pust vendre de contrefaits vne dixaine sans estre descouuert et quen ce cas la il perdroit plus outre la reputation qu'il negaigneroit dans le debit d'vne cinquantaine mesme. Si vous naues rien imaginé de mieux cette precaution ne me sembleroit pas mauuaise. Vous y penserés et en decideres, car je ne me suis point ouuert la dessus.

L'importance est que vos horloges pour la terre et pour la mer soient icy et qu'on les puisse voir. Selon cela on sera plus ou moins hardi à faire l'affaire, et dans le doute dont je vous ay parlé deuant, on n'entrera pas aisement en pourparler de rien. Ne penserés vous point au reste à la publication de ces Traittés que vous destinastes des l'année passée pour offrande au Roy, et que j'ay promis a Monsieur Colbert qui paroistront bientost, sur ce que vous men escriuistes dans vos precedentes? N'y perdés point de temps si vous m'en croyés. Ie scauois la pensée de sa Majeste pour vous euoquer en ce païs, mais je ne vous en auois rien voulu escrire parce que je lauois en confidence, et je ne vous en eusse mesme

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rien dit icy si Monsieur Vossius ne m'auoit point mandé en s'en resjouissant que vous le luy auiés appris. Ie luy mande que c'est vn Secret qui n'a pas encore toute sa façon et qu'il est à propos de le garder jusques a ce que de deça on ait trouué a propos de le laisser connoistre. Si céla s'accomplit quelle joye pour moy d'auoir fait le premier connoistre a nostre Cour ce que vous valés et jetté les fondemens d'vne affaire qui vous attireroit à nous et qui en mon particulier me seroit d'vne consolation extreme. Je ne souhaite rien dauantage et suis auec mon ordinaire passion

Monsieur

Vostre treshumble et tresobeissant seruiteur Chapelain.

De Paris, ce 9 juillet 1665.