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Mes Souhaits.
Ah! si, comblant un jour mes désirs et mes voeux,
Un propice destin devait me rendre heureux;
Les grandeurs, la richesse et la vaine puissance
Ne troubleraient jamais ma douce jouissance.
Quel trésor ici-bas vaut la simplicité?
Loin de moi l'opulence et la célébrité!
Que ne puis-je, inconnu, vivre libreet tranquille,
Éloigné du fracas, des ennuis de la ville,
De ces lieux où l'on voit le sourire apprêté,
Les dédains orgueilleux et la sotte fierté,
Les peines, les soucis, la noire jalousie,
L'amitié défiante et la haine polie!
Paisible en ma demeure, exempt de vains projets,
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Ma vie au sein des champs passerait sans regrets.
D'un berceau de tilleuls l'ombrage tutélaire
D'abord protégerait ma maison solitaire;
Les folâtres Zéphyrs exhalant la fraîcheur,
Répandraient à l'entour une suave odeur,
Et le bruit d'un ruisseau fuyant dans la prairie,
Porterait dans mes sens la tendre rêverie.
Quel spectacle charmant et quel vivant tableau!
Le cigne et sa compagne ici voguent sur l'eau;
Là, le coq agitant ses aigrettes flottantes,
Rassemble autour de lui ses poules glapissantes;
Plus loin, redressant l'or de son col azuré,
Le pigeon, plein d'amour, roucoule sur mon pré;
Et, d'un air caressant, tous, près de ma fenêtre,
S'empressent d'accourir à la voix de leur maître.
Les oiseaux familiers, par mille accens divers,
De leurs chants amoureux forment de doux concerts.
Admirant la nature et ses rares merveilles,
Dans un coin de ma cour j'ai voulu des abeilles.
Quel séjour convient mieux à leurs riches travaux?
Elles craignent le bruit et cherchent le repos.
Dans mon verger voisin, sur la fleur odorante,
On entend bourdonner leur troupe diligente.
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Tout près de ma maison, mon jardin est placé.
Je n'y veux point d'apprêt, point de travail forcé.
Un peu d'art seulement, secondant la nature,
Sans la rendre bizarre embellit sa parure.
C'est là que, retiré sous un ombrage frais,
Mon coeur aime à jouir des charmes de la paix;
C'est là qu'admirateur de leur touche divine,
Je relis tour à tour et Voltaire et Racine.
Quand l'air est rafraîchi par les vapeurs du soir,
J'aide mon jardinier; je reprends l'arrosoir;
Et m'occupant alors de mes fleurs, de mes plantes,
Je relève avec soin leurs tiges languissantes.
Oh! que ne puis-je encor, sur de rians coteaux,
Voir la vigne s'unir à de jeunes ormeaux,
Et des épis nombreux couvrir un champ modeste!
Voilà tous mes souhaits: que m'importe le reste?
Loin, loin de mon logis le politique Orgon,
Cet être enflé d'orgueil et vide de raison!
Et toi, fourbe Damis, amant de l'étiquette,
Ne viens pas visiter ma paisible retraite.
Insensible Mondor, ne m'approche jamais:
Le pauvre vainement implora tes bienfaits!
Mais où suis-je? où m'entraîne une sombre tristesse?
Revenez, revenez, innocente allégresse;
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Dissipez ce chagrin qui pénètre en mon coeur;
Rendez-moi ma cabane où règne le bonhenr.
Qu'un simple villageois, rustique, mais sincère,
Devienne mon voisin dans une humble chaumière:
Borné dans mes désirs, content de peu de bien,
Peut-être mon bonheur égalera le sien.
Voyez ce bon vieillard au sein de sa familie:
Un fils respectueux, une sensible fille,
Prévenant à l'envi ses goûts et ses besoins,
Sur ce père adoré répandent tous leurs soins.
Son épouse, à son tour, estimée et chérie,
Prend plaisir à charmer les momens de sa vie.
Je suivrai bien souvent cet heureux laboureur:
Qu'il est doux d'écouter le chant du moissonneur,
Lorsque, sur le déclin d'un beau jour de l'automne,
Tout le hameau gaîment le suit et l'environne!
Quand l'hiver m'ôtera ces joyeux passe-temps,
Je saurai sous mon toit employer mes instans.
Sur un ton sérieux je monterai ma lyre,
Et chanterai les vers que ma muse m'inspire:
Si des jours du printemps les attraits sont vantés,
La nature endormie offre aussi des beautés.
Mais quel bruit imprévu vient ébranler ma porte?
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J'ouvre. O ciel! qu'ai-je vu? le plaisir me transporte!
C'est mon meilleur ami qui me serre la main.
Il s'assied près de moi; nous causons; et soudain
Mille vieux souvenirs nous reviennent en foule.
J'apporte quelques mets; à grands flots le vin coule;
Et ce repas, offert avec simplicité,
Nous plaît mieux qu'un festin avec art apprêté.
‘Voici, lui dis-je, ami, l'asile solitaire
Où je veux achever ma tranquille carrière.
Cet enclos m'appartient; et les tristes soucis
N'habiteront jamais mon modeste logis.
Lorsque viendra l'instant de quitter cette vie,
Ami, j'aurai vécu sans remords, sans envie.
Alors, si le destin a conservé tes jours,
D'un ami qui n'est plus ressouviens-toi toujours.
Tu vois ce lieu paisible où ce saule s'incline?
Viens rêver quelquefois auprès de la colline;
C'est là que mon tombeau sera couvert de fleurs:
Arrêtes-y tes pas et verse quelques pleurs!’
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