Les Bataves à la Nouvelle-Zemble, poème en deux chants, suivi de poésies diverses de Tollens, de Bilderdyk et du traducteur(1828)–Willem Bilderdijk, Aug. J.Th.A. Clavareau, Hendrik Tollens– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 209] [p. 209] Abel. Le soleil descendu dans le sein des vallons N'éclaire plus déjà que la cime des monts, Et de son voile immense éclipsant la lumière, La nuit, douteuse encor, commence sa carrière; Quelques nuages d'or, dispersés dans les cieux, Suivent l'astre du jour au couchant radieux. Abel, simple et naïf, dans le fond d'un bocage, A son Dieu qu'il adore offre un pieux hommage. Le feu sacré s'allume; et tandis que le ciel Accepte l'holocauste immolé sur l'autel, Rempli d'un saint respect, en ce lieu solitaire, Abel au Tout-Puissant adresse sa prière: ‘Seigneur, daigne agréer mon encens et mes voeux. Un seul de tes regards peut rendre Abel heureux. Sur la terre, ô mon Dieu! comme au séjour des Anges, [pagina 210] [p. 210] Tout, dans le monde entier, célèbre tes louanges: Les oiseaux rassemblés font entendre leurs chants Et redoublent pour toi leurs concerts ravissans; Les paisibles Zéphyrs, d'une aile caressante, Balancent les rameaux sous la feuille tremblante; Le ruisseau du vallon, dans ses rians détours, Avec un doux murmure égare en paix son cours, Et son eau qui serpente au loin dans la prairie, Exhale les parfums de sa rive fleurie. O grand Dieu! quel mortel, admirant l'univers, Pour ne pas t'adorer serait assez pervers! Ces arbres et ces fruits, cette terre féconde, Ce soleil éclatant, pompeux flambeau du monde, Cette voûte étoilée où des milliers de feux Traversent l'ombre épaisse et brillent à nos yeux, Et cet astre des nuits qui, perçant le feuillage, Blanchit de son éclat les fleurs de ce bocage: Ce spectacle étonnant de beautés, de splendeur, De ton pouvoir suprême atteste la grandeur. Mon Dieu! quand l'univers, d'un accord unanime, Chante de tes bienfaits la majesté sublime, Entends ma voix timide, écoute ma douleur: Pour un frère irrité je t'invoque, ô Seigneur! Hélas! les noirs soucis de la mélancolie [pagina 211] [p. 211] Le poursuivent sans cesse, empoisonnent sa vie. Il se plaît à nourrir ses chagrins dévorans Et dans le fond des bois porte ses pas errans. L'amitié pour Caïn n'a donc plus aucuns charmes? Mais ne l'ai-je pas vu renfermer ses alarmes, Lorsqu'Adam me serrait tendrement dans ses bras? Comment peut-il penser qu'Adam ne l'aime pas? O malheur! je suis donc accusé par mon frère De vouloir lui ravir les caresses d'un père!.,.. Au lever de l'aurore, avec ton frère Abel, Caïn, viens recevoir le baiser paternel, Viens partager des soins si chers à ma tendresse Et d'un père affligé consoler la vieillesse. La paix alors, la paix que ton coeur fuit toujours, Renaîtra dans ton ame et charmera tes jours. Mais que dis-je? en secret, rongé d'inquiétudes, Tu parcours de nos bois les vastes solitudes. Ah! reviens parminous. Pourquoi donc tant d'effroi? Le nom si doux de frère est-il affreux pour toi? Que ton oeil pour le mien n'ait plus d'aspect terrible: Si tu savais combien ta haine m'est pénible! Hélas! de nos parens n'aggravons pas l'erreur; Viens alléger nos maux et plaindre leur malheur. [pagina 212] [p. 212] Et toi, Dieu tout-puissant, exauce un voeu sincère, Et ramène Caïn dans les bras de son frère.’ Vorige Volgende