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La Fille coupable.
Non, non, n'arrête point tes larmes,
Jeune victime de l'amour:
A quoi te serviraient tes charmes?
Ta joie et ton bonheur sont perdus sans retour!
Toi, naguères encor l'honneur de ton village,
Tu ne l'es plus en ce moment;
Toi qu'avec tant d'orgeuil recherchait maint amant,
Aujourd'hui, repoussée, on te raille, on t'outrage...
Non, non, n'apaise point tes douloureux regrets:
La fleur de ta jeunesse est fanée à jamais.
L'amour a donc glissé son poison dans tes veines!
Quoi! cette passion qui subjugue les coeurs,
Peut-elle enfanter tant de peines,
Préparer tant de maux, causer tant de malheurs?
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Ce sentiment si doux où le bonheur se fonde,
Qui du sort inflexible affronte les rigueurs,
Qui nous verse l'oubli de nous-même et du monde,
Fait-il répandre tant de pleurs?
Toi, qui gémis dans les alarmes,
Non, non, n'arrête point tes larmes;
Laisse-les flétrir tes couleurs.
Ah! ta beauté n'a plus sa magique influence:
Il n'en est point sans l'innocence.
Pleure donc! que tes pleurs soulagent tes tourmens!
Pleure, lorsque tu vois les filles de ton âge,
A la prompte rougeur qui couvre ton visage,
Détourner leurs pas innocens,
Ou d'un oeil de pitié poursuivre ton passage.
Pleure, pleure de honte, à l'aspect des amans
Qui juraient à tes pieds de t'adorer sans cesse,
Et qui, de propos insultans,
Accablent anjourd'hui ta coupable jeunesse!
Pleure, quand tu les vois, pour prix de tes erreurs,
Aiguisant contre toi de douloureuses armes,
T'accueillir de leurs ris moqueurs.
Malheureuse! non, non, n'arrête point tes larmes.
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Pleure, quand la gaîté, des filles du hameau,
Anime les jeux et la danse,
Et ces cercles où ta présence
Répandait un charme nouveau.
Pleure, lorsqu'aujourd'hui tes compagnes chéries,
Foulant, d'un pas léger, les riantes prairies,
Sans toi se couronnent de fleurs,
Et ne vont plus, à l'écho qui t'oublie,
Redire avec leurs chants le nom leur amie.
Malheureuse! non, non, n'arrête point tes pleurs.
Mais lorsque succombant sous le poids des douleurs,
Tu penses à l'ingrat qui surprit ta faiblesse,
D'un cruel abandon paya trop de tendresse,
Écouta ses désirs, et, pour comble d'horreurs,
S'amusa de ton innocence;
Maudis l'infâme objet qui ravit le repos
Et creusa sous tes pas un abîme de maux!
Oui! la vengeance t'est promise;
Implore le courroux des cieux.
Que, reconnu partout, le monde le méprise;
En signes effrayans, que son crime odieux
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Se peigne sur son front hideux!
Que ses jours soient filés par la sombre tristesse!
Que la voix du remords l'épouvante sans cesse;
Que le désespoir furieux,
Dans l'ombre de la nuit, le poursuive et le presse;
Partout qu'à ses regards troublés par la terreur,
S'offre menaçante, égarée,
Et, sorti de ton sein, que le cri du malheur
Retentisse à jamais dans son barbare coeur!
Sous le courroux du ciel que le traître succombe;
Et toi, si les chagrins t'entraînent dans la tombe,
Reposes-y ta tête: Eh! qu'importent des jours
Que désormais la honte a flétris pour toujours?
Tu n'avais que l'honneur pour orner ta jeunesse:
De la beauté l'honneur est toute la richesse.
Mais lorsque sur ton sein troublé,
Tu presseras, avec ivresse,
L'enfant qui, te rendant caresse pour caresse,
Calmera les soucis de ton coeur accablé,
Et d'un tendre regard suppliant ta tendresse,
Voudra tarir tes pleurs par ses embrassemens;
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Mais lorsqu'émue au fond de l'ame,
Tu couvriras sont front de baisers ravissans,
Et que tu sentiras une nouvelle flamme
Réchauffer ton courage et ranimer tes sens;
Quand tu savoureras, pour charmer ta misère,
Que seule connaît une mère;
Quand ta bouche muette, avec avidité,
De ton fils adoré respirera l'haleine;
Qu'une secrète joie apaisera ta peine,
Et que tous les trésors ne pourraient, dans ton coeur,
Balancer cet enfant, ton seul consolateur;
Sèche alors tes amères larmes;
Courageuse dans ton chagrin,
Apprends à bannir tes alarmes,
A surmonter tes maux, à vaincre le destin.
Et si, sur ton ame sensible,
Pèse le fardeau des besoins,
Redouble pour ton fils de courage et de soins:
A l'amour d'une mère il n'est rien d'impossible.
Oui! c'est cet amour seul qui peut, dans ton malheur,
Adoucir ta souffrance et remplacer l'honneur.
Sèche-les donc ces pleurs qui voilent ta paupière!
Écoute, dans ton ame, une sublime voix;
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Et si le monde trop sévère,
Des maux que tu souffris n'allége pas le poids,
Console-toi toujours: du monde rebutée,
Prends ton fils, ton cher fils, et dis-lui, transportée:
‘Enfant, que le malheur ne nous abatte pas!
Hélas! un traître nous délaisse;
Mais au-dessus de nous un père, avec tendresse,
Veille encore sur toi: repose dans mes bras!
Si jusques au sein de la tombe,
La honte nous suit ici-bas,
Enfant, innocente colombe,
Le ciel plus indulgent ne te condamne pas.’
Rappelle dans' ton coeur l'espérance bannie;
Oui, le coeur d'une mère est au-dessus du sort,
Quand elle embrasse, avec transport,
L'enfant qu'elle chérit et qui lui doit la vie.
Que du fond de l'abîme où te plonge une erreur,
Naisse encore pour toi des momens d'allégresse,
Et qu'un jour le destin, apaisant sa rigueur,
Dans le calice de douleur
Dont il abreuve ta jeunesse,
Mêle une larme de bonheur!
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