Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695

N^o 2783.
Constantyn Huygens, frère, à Christiaan Huygens.
30 décembre 1692.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse à une lettre que nous ne connaissons pas.

Whitehall ce 30. de Dec. 1692.

J'ay receu la vostre du 23. décemb. et ayant consideré ce qu'il y aura à faire dans cette affaire de Zuylichem¹⁾ (je dis pour le Ministere) je croy que le plus court et le meilleur sera de suivre l'advis de Mr. Verbolt et de presenter au nom de dieu ce van Holten, car de croire qu'on pourrait faire escrire le Roy a la classe je croy que ce seroit se tromper et de la peine perdue de l'entreprendre. Je croy que cet homme la y estant mis de la main de Verbolt susd^t. se gouverneroit par ses conseils et selon ce qui est de nos interests et que d'autre costé on pourroit eviter toutes ces fascheuses disputes touchant le droit de Presenter, etc. duquel droit estant une fois estant [sic] en possession ils ne pourront pas bien nous le disputer à l'avenir.

Depuis nostre retour en cette ville, je n'ay point eu de conversation avec Mess.^rs de la Societé R., ny veu aucune de leurs Transactions²⁾. Je m'informeray pourtant pour scavoir si lon en a imprimé depuis quelque temps, et scauray par le moyen du d.^r Stanley si ces Mess.^rs ont eu quelque relation particuliere touchant le σεισμὸς de Jamaicque³⁾ pour vous en faire part.

Je n'ay rien appris non plus touchant ce qu'ils ont fait de mon verre⁴⁾ dont je leur ay fait present n'ayant point veu d.^r Flamstead, lequel je ne scay si je vous

1) Voir la Lettre N^o. 2764.

2) En 1692 il n'en parut qu'un seul numéro, celui du 19 octobre. La publication régulière n'en fut reprise qu'avec le numéro de janvier 1693.

3) On ne rencontre rien à ce sujet, ni dans le numéro du 19 octobre, ni dans ceux de 1693.

4) Voir les Lettres N^os. 2725, 2729 et 2731.

[p. 381]

ay mandé qu'il est marie icy apres le depart d'icy du Roy. Je croy que cela causera de l'interruption a ses observations nocturnes.

Touchant les affaires de Zuylichem et s'il sera a propos d'en venir a l'admodiation que l'on propopose [sic] je m'en rapporte entierement a ce que vous avec les Freres trouverez bon de faire.

J'ay esté l'autre jour chez ce Beverland²⁾, qui a demeuré quelque temps avec Vossius, et a escrit le livre que vous scaurez de Peccato Originali, pour lequel il fust banny de l'Hollande. A l'intercession de Monsieur Halewijn³⁾ et autres il aura sa grace du Roy. Il me fist voir sa Bibliotheque qui est de livres choisis, et un grand nombre de tailles douces parmy les quelles il y en a de belles. de desseins il n'en a point.

Pour Monsieur de Zeelhem.

2) Hadrianus Beverland, né à Middelburg en 1653 ou 1654, avocat et écrivain licencieux et satirique. Entre autres publications, ce fut surtout la suivante qui excita l'indignation des orthodoxes: ‘Peccatum originale ϰατ´ ἒξοχην sic nuncupatum Philologice πϱοβληματιϰῶσ nuncupatum a Themidis alumno. Vera redit facies, dissimulata fierit. Eleutheropoli, extra plateam obscuram, sine privilegio Authoris, absque ubi et quando’ in-12. A la fin de l'ouvrage on lit: In Horte Hesperidum. typis Adami Evae Terrae filii 1678. Dans cet ouvrage il soutenait que le péché original d'Adam et Eve consistait dans l'union charnelle. A cause de cet écrit il fut cité devant le tribunal académique, condamné à retracter ses opinions, à une amende de 100 ducatons d'argent; de plus il fut rayé de la liste des étudiants et banni des provinces de Hollande et Zélande. Beverland s'établit ensuite à Utrecht, d'où le scandale de sa conduite et de ses pamphlets, dirigés contre les professeurs de Leide, le fit bannir encore. Il se rendit en Angleterre, où antérieurement il avait fait un stage à Oxford, et y fut accueilli par Isaac Vossius, qui lui procura des fonds de l'église un revenu modique. Beverland s'acquit une collection de livres, de tableaux et dessins, ainsi que d'objets d'histoire naturelle.
Dans un âge avancé il publia une ‘Admonitio de fornicatione cavenda, sive Adhortatio ad pudicitiam et castitatem’, dans lequel il témoigna son repentir de sa conduite déréglée. Après la mort de Vossius il tomba dans la plus profonde misère. En 1712, errant en Angleterre, il se crut poursuivi par des ennemis attentant à sa vie. Il périt en quelque lieu inconnu.

3) Simon van Halewijn, seigneur d'Abbenbroek, né à Dordrecht, où il occupa plusieurs charges importantes, entre autres celle de bourgmestre. Il fut partisan zélé de Willem III, jusqu'à l'avènement de celui-ci au trône d'Angleterre. Depuis, il ne put approuver la politique belliqueuse du roi, et une mission politique l'ayant mis en relation avec un agent secret de la France, Robert de Piles, il crut pouvoir agir en faveur de la paix. Sa correspondance saisie par les autorités hollandaises lui attira un procès qui se termina en 1693 par sa condamnation à l'emprisonnement pour la vie. Il sut s'évader en 1696 du château de Loevestein, où il était détenu, et se rendit à Suriname, où il mourut.