Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695

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N^o 2745.
N. Fatio de Duillier à Christiaan Huygens.
17 mars 1692.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Elle a été publiée par P.J. Uylenbroek¹⁾.
Elle est la réponse à une lettre que nous ne connaissons pas.
Chr. Huygens y répondit par le No. 2748.

Monsieur

Je Vous rens mille graces des peines que Vous Vous étes données pour retrouver mon Traitté de la Pesanteur. Je n'espere plus de le revoir jamais ni même d'en composer un nouveau²⁾ à cause d'un degout et d'une repugnance invincibles que je me sens à rechercher une seconde fois les memes choses que j'avois déja eües. Monsieur Newton se relache déja sur l'impression de son Traitté des lignes Courbes³⁾. Sa premiere chaleur est passéc, et je croi qu'il s'accoutume peu à peu à juger qu'il n'est pas fort necessaire qu'il s'engage dans les embarras que l'impression d'un Traitté comme celui là traine necessairement aprez elle. Nous y perdrions beaucoup assurement si ce Traitté ne paroissoit point. Je ne sçai si je Vous ai dit Monsieur que Monsieur Newton y donne une Methode bien étendue de trouver la Courbe la plus simple dont depend la Quadrature d'une Courbe proposée⁴⁾. Il est certain que jusques à present il n'a encore rien paru de si beau dans la Geometrie abstraite que cet ecrit qui n'est que de quelques feuilles et qui ne seroit point trop long pour entrer dans une transaction. Si je ne l'avois pas parcouru j'aurois peut étre poursuivi les idées que j'avois en Hollande⁵⁾ et dont

1) Chr. Hugenii etc. Exercitationes Mathematicae, Fasc. II, p. 130.

2) Voir la Lettre N^o. 2582, note 9.

3) Il s'agit de la ‘Methodus Fluxionum et serierum infinitarum, cum ejusdem applicatione ad curvarum geometriam’, qui ne parût qu'après la mort de l'auteur, en 1736, et sur laquelle on peut consulter, entre autres les ‘Vorlesungen’ de Cantor pp. 168 et suiv. de l'édition de 1901, ou bien du ‘Tractatus de quadratura curvarum’, qui ne fut publié qu'en 1704 ensemble avec l'‘Enumeratio linearum tertii ordinis’ et l'Optique, réunis sous le titre ‘Optics; or a Treatise of the Reflections, Refractions, Inslections and Colours of Light; also two Treatises of the Species and magnitude of Curvilinear Figures’, London, 1704. in-4^o.

4) On rencontre, en effet, dans le ‘Tractatus de quadratura Curvarum’, le Problema III suivant: ‘Invenire Figuras simplicissimas, cum quibus Curva quaevis geometricè comparari potest, cujus ordinatim Applicata y per Aequationem non affectam (c'est-à-dire: explicitement) ex datâ Abscissa z determinatur’.

5) Voir, sur ce séjour en Hollande, la Lettre N^o. 2739, note 3.

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nous nous sommes quelquefois entretenus ensemble. Car je ne desesperois pas de pouvoir trouver tout ce qui me manquoit de la Methode de Monsieur Leibnitz et même quelque chose de plus. Ce qui n'etoit pas sans fondement vû les differentes entrées que j'avois deja à des solutions et à des Methodes qui reussissoient fort bien, et à qui il ne manquoit pas beaucoup ce me sembloit pour les rendre assez generales. Mais j'ai été glacé en voiant ce qu'a fait Monsieur Newton, et je lui ai reproché qu'il rendoit inutile mon travail et qu'il ne vouloit rien laisser à faire à ses Amis qui sont venus aprez lui. Je croi que dans la suite il ne faudra pas que j'entreprenne d'étude un peu difficile et de longue haleine sans etre assuré de sa part que l'envie ne lui prendra pas de traitter le même sujet. Monsieur Hambden Monsieur Vous fait ses trez humbles complimens. Monsieur Lock n'est pas en Ville. Il est obligé de passer tout l'hiver à la Campagne à cause de sa poitrine, qui se trouve fort incommodée des fumées de Londres. Monsieur le Conte de Monros⁶⁾ a été traitté d'une maniere si differente de ce qu'il auroit merité qu'il est bien malaisé de s'empecher de croire que des Emissaires ou des Amis de la France n'aient causé tout son malheur. Je suis avec beaucoup de respect

Monsieur

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur

N. Fatio de Duillier.

A Londres ce 7/17 Mars 1692.

6) Voir la Lettre N^o. 2739, note 7