Oeuvres complètes. Tome VIII. Correspondance 1676-1684

[p. 429]

N^o 2307.
Christiaan Huygens à J. Gallois.
22 juillet 1683.

La minute et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse au No. 2287.

Monsieur Gallois.

22 Juil. 1683.

Monsieur

Selon ce que je vous avois mandé par mes precedentes je devois estre a Paris il y a plus d'un mois ou deux, et peut estre vous serez estonnè de me voir reculer ainsi mon voiage. Peut estre aussi que Monseigneur Colbert en aura parlè et qu'il trouve a dire de ce que je prolonge encore le congè qu'il m'a donnè si liberalement. C'est pourquoy Monsieur j'ay cru necessaire de vous faire scavoir la cause de ce retardement, et de vous assurer sur tout que je n'ay pas perdu animum revertendi. Je vous ay mandè¹⁾ lors que je demanday de pouvoir rester encore quelque temps en ce pays que c'estoit pour avancer l'invention des Longitudes par le moyen de mes horologes en estant requis par la Compagnie des Indes Orientales. Je ne croiois pas que cette affaire me deust retenir si longtemps. Cependant je n'en suis pas encore entierement venu a bout non pas a cause de quelque difficultè qui se rencontre dans l'invention, mais plustost par ce qu'elle est trop bonne et qu'elle promet un trop bon succes. Car les deux horloges vont desia et d'une justesse admirable, quoy que non pas encore entierement achevées pour les pouvoir porter sur mer.

Vous scavez l'avanture que m'arriva a Paris a l'occasion de l'invention des Pendules de poche²⁾. C'est maintenant une rencontre fort semblable qui me traverse, dont vous scaurez quelque jour le detail, car je ne veux pas vous importuner par un trop long recit. Je ne scay pas si vous aurez dit a Monseigneur Colbert que je travaillois a cette Invention, parce que je me souviens, que pour certaine raison, vous en faisiez difficulté. Mais je crois qu'il sera necessaire de luy dire ingenument ce qui en est, puis que d'autres excuses ne seroyent point veritables et peut estre aussi moins valables. Car il scait que cette affaire est tres considerable, et vous voudrez bien je m'asseure luy dire les raisons que j'ay eues pour l'entreprendre pendant mon sejour en ce païs; des quelles je vous ay parlè dans mes precedentes, scavoir l'offre de ceux de la Compagnie des Indes,

1) Dans une lettre que nous ne connaissons pas. Voir la Lettre N^o. 2287, note 1.

2) Consultez, entre autres, la pièce N^o. 2008.

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l'habilitè de l'ouvrier³⁾, l'envie de m'occuper utilement a quelque chose &c. Je ne scay ce que diront Messieurs mes Confreres de l'Academie Royale de cette longue absence, et s'ils ne seront pas scandalisez de ce que je n'escris a personne d'entre'eux. Mais j'auray a mon retour tant de choses a leur faire voir de mon travail pendant ces deux dernieres années qu'ils me pardonneront comme j'espere, si je me suis abstenu du commerce de lettres, sur tout estant seur de les aller retrouver, et estant de temps en temps informè de leurs occupations parce que j'en vois au Journal de Mr. l'Abbè de la Roque⁴⁾.

Mr. Auzout a passè icy en venant d'Angleterre, s'il vous voit a son retour, comme je n'en doute point il vous pourra faire raport de mon Automate Planetaire⁵⁾ et touchant les grandes lunettes de nostre facon⁶⁾ dont il a vu l'effect, et dont il est fort bon juge. J'espere qu'au plus tard dans six semaines ou deux mois je pourray me mettre en chemin. Cependant je me recommande a vous, et demeure parfaitement

Monsieur

Vostre &c.

3) Van Ceulen; voir la Lettre N. 2255.

4) Le Journal des Sçavans.

5) Voir, entre autres, la Lettre N^o. 2272.

6) Consultez la correspondance entre Christiaan et Constantyn Huygens, à partir de la Lettre N^o. 2254.