Oeuvres complètes. Tome VII. Correspondance 1670-1675

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N^o 1910.
Christiaan Huygens à Lodewijk Huygens.
16 septembre 1672.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.

La nouuelle de la levée du siege de Groninge¹⁾ m'a d'autant plus rejoui que l'on avoit assurè icy tout le contraire, comme vous aurez vu par ma precedente.

Ce Monsieur Rabenhauft²⁾ a ce que j'en entens dire doit estre un galant homme, et a donnè bon exemple en cette rencontre. Je vois par les lettres de la cousiue D. a son amie qu'on n'a pas encore fini a punir tous les officiers coupables, et que le gouverneur de Wesel pourroit bien suivre celuy de Rijnberck et que le Sieur de Vlaerdingen s'absente aussi de peur d'inconvenient³⁾.

Je vous remercie des geneesmiddelen⁴⁾ et de l'Estampe que je garderay pour la raretè du fait si je puis la r'avoir car je l'ay prestée a Madame Perrault. Les raisonnements du petit livre ne sont pas sans fondement. L'autheur semble estre quelque ministre. Et je ne doute pas ces Messieurs particulierement ne soient bien aises de la presente revolution.

Je suis bien aise de l'avancement du Cousin de Willem et je vous prie de le luy tesmoigner de ma part dans la meilleure forme. Il ne faut apres cela qu'un bon mary a chacune de Mademoiselles ses soeurs pour rendre la joye complette. Je ne crois pas que Meerman fust assez bien avec Monsieur le Prince pour obtenir cette bonne charge⁵⁾. L'on m'a dit que de Groot est icy, et qu'on l'a veu a la

1) La ville de Groningen, investie le 21 juillet par les forces réunies des Evêques de Munster et de Cologne, formant une armée de 22000 hommes, avait au commencement du siège une garnison de 1200 hommes, renforcée bientôt par 3000 hommes de l'armée régulière. Il y avait de plus 18 compagnies de la garde civile, auxquelles se joignirent quatre compagnies de volontaires et 150 étudiants. Ces derniers, parmi lesquels se distinguèrent le capitaine Wicher Wichers, le lieutenant Rutgers ten Berge et l'enseigne Scato Gockinga, combattirent constamment aux avant-postes, infligeant à l'ennemi, logé dans les tranchées, des pertes considérables. A la levée du siège les forces de l'ennemi se trouvèrent réduites à la moitié, tant par le feu de la ville, que par les désertions des soldats découragés. L'ennemi avait jeté dans la ville plus de 5000 bombes et obus.

2) Carl Rabenhaupt, Baron von Sucha, commandant de Groningen, était un gentilhomme allemand, qui avait servi avec distinction sous le Prince Manrice. Il naquit le 6 janvier 1602, entra en 1620 au service des Provinces Unies, devint général lieutenant, et Drost de Drenthe. Après s'être retiré de l'armée, il y rentra en 1672 et mourut le 12 août 1675.

3) Voir la Lettre N^o. 1901, note 5.

4) Traduction: remèdes.

5) Johan Meerman, fils de Gerard Meerman et de Maria de Bye, né le 23 novembre 1624, mort le 27 janvier 1675, en 1653 conseiller et échevin, en 1656 bourgmestre de Leiden, en 1667 député aux Etats Généraux, très lié avec Johan de Witt, avait été envoyé, en mars 1667, avec Joan Boreel en ambassade à Londres, où il conclut la triple alliance avec l'Angleterre et la Suède. En mars 1672 il fut de nouveau envoyé en Angleterre, cette fois sans succès. Le 27 août de cette année il sut nommé administrateur des domaines de Hollande à la Haye.

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Cour, ce que pourtant j'ay de la peine a croire. J'ay oubliè de vous respondre dans ma derniere a ce que vous m'aviez proposè de la part de mon Pere de demander des lettres de Monsieur Colbert a ceux qui nous taxent a Zulichem. Je vous ay mandè desia, lors que vous voulustes que je luy parlasse de sauvegarde, qu'il ne se mesloit aucunement de ces affaires de guere, comme je le remarquay bien en effect quand je luy en parlay⁶⁾. Ces officiers et gouverneurs dependent de Monsieur de Louvoy⁷⁾ et de Monsieur de Turenne, qui comme vous pouvez scavoir ne sont pas fort bien avec nostre ministre. Il vaudroit donc bien mieux que mon Pere s'adressast a Monsieur de Turenne⁸⁾; mais comme ces taxes se font pour faire subsister les garnisons an depens du pais, j'ay peur qu'on ne luy refuse l'exemption en alleguant la consequence que cela feroit.

Je suis bien aise de la remise que vous me faites de mon argent. Je ne me souviens pas aussi d'avoir payè la relieure des livres dont vous m'envoiez le memoire. Voilà donc qui me rembourse de la perruque. Pour le reste de ce qu'on a payè pour moy, comme je n'en ay pas le compte je vous prie de le demander au frere de Zeelhem s'il en a le loisir, et de me l'envoier. Je scay seulement qu'en partant

6) Consultez la Lettre N^o. 1895.

7) Francois-Michel le Tellier, marquis de Louvois, né en 1641, mort en 1691, ministre de la guerre depuis 1654.

8) Constantyn Huygens, père, a, en effet, suivi ce conseil, au moins pour garantir le château de Zuylichem du danger d'être incendié. Il écrivit, le 6 octobre 1672, à Turenne:
‘Monseigneur, Je me trouve nécessité d'implorer la faveur de V.A. au sujet des grands feux qu'on a commencé de faire dans l'Isle de Bommel, où desjà les chasteaux de Pouderoije et de Brakel ayant sauté, on me faict appréhender que ma maison de Zulichem proche voisine de l'un et de l'autre, pourroit courir le mesme danger. C'est de quoy, Monseigneur, je ne me formaliseraij pas si elle estoit de mesme consideration que les autres et en estat de force ou de defence pour l'un ou l'autre parti. Mais comme à tout prendre ce n'est rien qu'une maison de plaisance, qui, à raison de sa foiblesse et mesme de sa situation ne sçaurait comme on dit, mordre ni ruer d'un costé ny d'autre, je supplie très-humblement V.A. d'avoir la bonté d'ordonner que ce degast inutile et tout à fait superflu n'y soit pas commis sur ce mauvais fondement que le feu et la destruction seroient grands ornements de la guerre. Je sçay, Monseigneur, que V.A. n'a jamais esté de ce sentiment, et ose me promettre d'ailleurs qu'en suitte de la bonne volonté dont elle m'a honoré de tout temps, elle daignera me tesmoigner en cette occasion qu'elle se souvient encor de ce qu'aij tousjours eu de zele pour le service et les interets de sa maison, et n'hesite point à croire que je persiste tousjours dans le mesme desir de pouvoir paroistre au moyen de mes treshumbles services etc.’
Constantyn, père, avait acheté cette propriété pour sa femme, le 10 juillet 1634, au prix de 41820 florins. Elle s'était accrue depuis par l'acquisition, au prix de 14500 florins, de deux terres, le Middelwaert et le Ruyterwaert. On trouve tous les détails concernant les possessions de Constantyn Huygens dans la publication suivante:
Bijdrage tot de kennis van het karakter van Constantijn Huygens, ontleend uit aanteekeningen volgens het beheer zijner goederen. 's Gravenhage, bij A.D. Schinkel. 1842. in-8^o.
La planche à la fin de ce volume représente le chàteau de Zuylichem, d'après un dessin de Rademaker.

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je laissay 320 ducatons a ma soeur et que depuis on y a adjoustè quelque 148 ℔ que Monsieur Hudde a envoiè⁹⁾. Si les 50 ℔ de ma rente a vie escheus en Octobre 1671 y sont aussi je ne le scay pas bien. Les autres 50 ℔ du dernier mois d'Avril sont encore a recevoir, et je vous prie de m'envoier la quitance a signer pour cela. Le billet cy joint contient ce que j'ay deboursè icy en commissions, &c.

Messieurs Perraut vous baisent les mains. dans peu nous allons faire un tour a Viry.

J'apprens qu'on a confisquè icy les biens de Monsieur le Ryngrave. Quand la paix se fera tout cela se retrouvera comme nos plats d'argent.

J'attens tousjours les remarques de mon Pere sur ce que je luy ay envoiè de musique.

9) Consultez la Lettre N^o. 1843.