Oeuvres complètes. Tome VII. Correspondance 1670-1675
(1897)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 1889.
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font imaginer des accidents et des malheurs encore pires qu'ils n'y en a dans la veritè. L'on fait icy, aussi bien que par de là, des nouuelles fausses en quantitè, et qui augmentent tousjours les pertes du costè de la Hollande. Hier on disoit, qu'a ce mesme jour le Roy devoit entrer dans Amsterdam, que Monsieur de Wit estoit mort, et qu'on cherchoit Monsieur van Beuningen pour le livrer au Roy, mais qu'il s'en estoit fui en Espagne. Quoyque tout cela puisse estre vray, je n'en croiray rien que je n'en sois assurè par vos lettres, ou par d'autres qui meritent autant de foyGa naar voetnoot1). J'apprehende extresmement ce que diront les prochaines ayant vu, par ce que vous me mandez, a quelle derniere extremitè vous en estes reduit, car si l'on force le passage que l'armée garde presentement, elle sera defaite en mesme temps, ou du moins une grande partie. Et quelle seureté alors a la Haye a Leyden et dans toute la plus part de nos villes? Je souhaiterois que ma bonne soeur, et une partie de nostre bien refugiè, fut dans Anvers, parce que peutestre les choses ne se passeront pas tousjours de la mesme façon et avec si peu de desordre qu'il y en a eu jusqu'icy dans les villes qui se sont rendues. Depuis vostre derniere l'on y compte Deventer, Zutphen, Doesburg, Nimmegen, et le fort de SchenckGa naar voetnoot2). Cela va d'une estrange vitesse, et tout le monde et les enemis mesme en sont estonnez. Si l'on eust puni avec vigueur et sans delay les gouverneurs des premieres places sur le Rhin cela auroit peut estre contenu les autres dans leur devoir. Mais de la maniere qu'on y procede l'exemple des uns excuse les autres, et vous verrez que pas un de ces poltrons n'aura le chastuiment qu'il meriteGa naar voetnoot3). Je vois que vous n'avez este guere bien informè touchant les morts et blessez | |
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du costè des FrancoisGa naar voetnoot4), car Monsieur le Prince de Condè n'a estè blessè qu'au poignet seulementGa naar voetnoot5) et le Duc d'EnguienGa naar voetnoot6) point du tout. Le fils de Monsieur le PremierGa naar voetnoot7) l'a esté a la poitrine, mais il se guerit. Outre le Duc de LonguevilleGa naar voetnoot8), Monsieur de NogentGa naar voetnoot9), de GivriGa naar voetnoot10) et le Comte de PlessisGa naar voetnoot11), il y a eu encore bien des personnes de qualité tuées, dont j'ay veu la liste, et je crois qu'a la fin vous l'aurez eue aussi. Je ne suis pas peu en peine de la blessure du Cousin ConsulGa naar voetnoot12) (car il ne perdra jamais ce nom) a cause des symptomes que vous dites luy estre survenus. J'auray bien de la joye d'apprendre qu'il ait passè ces dangers. Quel depit a luy, et a tout nos gens de mer qui se sont bien battusGa naar voetnoot13) de voir la coionnerie de nos soldats par terre. | |
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Vous avez raison de dire, qu'il faudroit donner dans cette conjoncture toute l'authoritè a Monsieur le Prince (car qui est ce qu'on pourroit prendre autrement) et luy laisser disposer de toutes choses qui regardent la defense du Païs. Les Romains ne vouloient pas deux Consuls en des pareils dangers mais faisoient un dictator parce qu'ils en voioient bien la necessitè; car il faut assurement en ces rencontres des resolutions promptes et une authoritè souveraine. Pour ce qui est de la donner in perpetuum a Monsieur le Prince comme vous dites, que quelques Villes avoient projettè, je ne scay si elles sont encore en estat de se donner. Et je ne vois pas aussi beaucoup d'apparence que cela se fasse par traitè, parce que quand le Roy de France se verra maistre de tout ou qu'il le pourra devenir, il ne se souciera plus guere des Anglois, et il n'aura pas la complaisance de quitter un si bon morceau pour le ceder a Monsieur le Prince. J'espere que vous aurez negotiè avec le Cousin Duyts pour la remise de mon aerarium, et en attens des nouuelles. Je ne doute pas que les Cousines de Wilm ne soient extremement en peine par l'apprehension d'une banqueroute generale ou nous perdrions beaucoup tous, mais elles plus que personne. Je voudrois scavoir ce que fait et ce que dit un chacun de nos parents et amis, et tant que vous m'en manderez plus de particularitez tant plus vous me ferez de plaisir. Assurez les tous que je suis extremement touché de voir les choses en l'estat qu'elles sont. Je fais ce que je puis pour n'y pas penser trop continuellement. Monsieur Perrault vous salue tres affectueusement. |
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