Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

[p. 522]

N^o 1774.
Christiaan Huygens à Constantyn Huygens, frère.
14 novembre 1669.

La lettre et la copié se trouvent à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 14 Novembre 1669.

Vous aurez vu arriver le valet¹⁾ de Monsieur Chieze sans qu'il vous apporte vostre terre noire, quoyque je vous l'eusse mandè²⁾. J'appris apres son depart de Monsieur Romf que la boete luy estoit restée parce que l'autre ne l'avoit pu loger dans sa valise. Il m'a promis de l'envoier par la premiere commoditè qui se presentera. Cependant voicy la response sur ce que vous demandez touchant la dite Terre.

On l'amollit assez par le moyen de la glaise, pour escrire commodement sur du papier, et non pas d'avantage. Ie ne pense pas que la quantitè de la glaise y fasse rien. Monsieur Perraut pouuoit en avoir 1 ou 2 livres dans le pot ou il enfonça ses crayons.

Il n'y verse que peu d'eau, qui ne sert q'a l'entretenir humide, comme elle est en l'y mettant. Ie ne crois pas que l'eau penetre plus la glaise que nostre kleij. Il y trempe les crayons tout faits, ou bien des morceaux qui ne sont gueres espais.

Il les y laisse quelque quinzaine de jours.

Quand ils en sortent, ils ont perdu tout leur gout de vitriol, et sont insipides, et Monsieur Perraut dit, qu'ils ne durcissent plus apres. Je vous ay achetè de deux sortes, dont l'une a le goust que vous demandiez, l'autre aucun du tout. mais je doute si cette derniere ne sera pas trop molle, et pour cela j'en ay pris d'avantage de l'autre. Vous en jugerez et en aurez de l'une et de l'autre sorte tant que vous voudrez.

La femme qui en vend me dit, que celle qui est sans sel vient du païs bas, et l'autre de Bretagne. Pour la maniere de scier je ne m'en suis pas encore informé, ni comment ils la gardent.

Je vous envoie icy ma lettre pour Monsieur Bisschop³⁾. Ie n'en ay point sceu avoir de Jaback, quoyque je luy en aye demandè et envoiè pour cela chez luy plus de 3 fois⁴⁾. C'est un vray porc, dont on ne peut avoir raison. Il s'entend pourtant assez bien au dessein, a force d'en avoir veu beaucoup. Ie mande a Monsieur Bisschop, ce qu'il avoit trouvè a dire a quelques unes de ses testes⁵⁾. Il y a aussi quelques figures dont les draperies n'estoient pas bien faites a sa fantasie, ni a la mienne non plus, et mesmes les postures de quelques unes un peu plus contraintes.

Au reste toute la plus part est d'un fort beau dessein, et je les ay fait veoir a

1) Le Savoyard.

2) Consultez les Lettres Nos. 1765 et 1768 à Lodewijk Huygens.

3) Nous n'en avons pas trouvé la minute.

4) Consultez la Lettre N^o. 1765.

5) Il s'agit sans doute de l'ouvrage cité dans la Lettre N^o. 1603, note 4.

[p. 523]

plusieurs bons connoisseurs, qui les trouvent telles. Qu'est ce qu'en dit Monsieur Lilly⁶⁾.

Je ne doute pas que vous n'ayez trouuè ce peintre a vostre grè, car c'est asseurement un fort honneste homme, et qui entend bien ce qui est de son fait.

Je vous ay priè il y a longtemps⁷⁾ de m'envoier quelque chose de vostre façon a fin de le faire veoir icy, et je vous le repete encore. Puis que vostre miniature est meilleure que celle d'autrefois, vos desseins assurement le seront aussi. Je crois les portraits de Netscher meilleurs que ses ordonnances a ce que je puis juger par celle⁸⁾ que j'en ay, ou il y a bien a dire en ce qui regarde il disegno.

La Cousine Caron⁹⁾ se marie ainsi que je mande plus amplement a Mon Pere¹⁰⁾.

A Monsieur

Monsieur de Zeelhem

A

la Haye.

6) Il s'agit de Pieter Faes. Consultez la Lettre N^o. 1124, note 8.

7) Consultez la Lettre N^o. 1691, du 5 janvier 1669.

8) Consultez, sur ce tableau, la Lettre N^o. 1607.

9) Suzanne Caron épousa la Ferté, noble protestant de Normandie.

10) Nous n'avons pas trouvé la minute de cette lettre de Chr. Huygens à son père.