Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669
(1895)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 1705.
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plus besoing de taster, & calculer minute par minute la longueur des foijers, mais prenant le foijer le plus court de sorte que la difference entre celuij & le plus long ne soit sensible, ie trouue incontinent de combien de degrez & minutes on peut ourir le verre objectif. Pour les oculaires caues le calcul est peu different mais il le faut faire tout au rebours & par fois est plus difficile parce qu'il faut auoir esgard a l'espaisseur du verre. Je ne vous enuoije pas la proportion entre l'objectif & l'oculaire duquel l'un corrige le defaut de l'autre, parce qu'il faut de necessite, qu'elle soit differente de la vostreGa naar voetnoot5), puisque le resultat de nostre calcul differe tant; Toutes fois i'aij fait faire, vn oculaire cauo conuexe, dont les proportions estoijent a peu pres conformes a ma speculation, pour ma lunette de trois pieds & aijant descouuert tout l'objectif le quel est enuiron d'une pouce & demij de largeur, il me represente les objects beaucoup plus claires & distinctes qu'auparauant de sorte que ie puis lire des lettres plus loing qu'auec des autres oculaires. Quant a mes remarques sur les Principes de la PhilosophiaGa naar voetnoot6) de Monsieur Des Cartes, ie monstre premierement qu'on ne peut pas par caprice doubter de toutes choses sans en auoir quelque raison, & que nous n'en pouuons trouuer aucune pour pouuoir doubter de nostre existence nij de celle de nos sens. Car la raison qu'allege Monsieur Des Cartes pour cela, voire que les sens nous trompent par fois, soit en vielle, soit en sommeil, contient plus tost vne demonstration du contraire, puisque il faut de necessite que nos sens existent, aussi bien que nous, puis que nous sommes trompez par eux; Puis ie monstre que les sens ne nous peuuent pas tromper, puisque leurs perceptions sont simples, & que nos erreurs ne prouiennent point d'eux mais de la precipitance de nostre jugement lors que nous trop presomptueusement voulons decider des choses dont nous n'auons pas assez de connoissance; Puis i'examine son Hijpothese de ce mauvais & trompeur Genie, & ie preuue qui si on pouuoit supposer cela qu'il faudroit de necessite deuenir Sceptique, mais ie demonstre que l'Hypothese est impossible. De la ie commence a examiner la nature des Idees, & de quelle façon nos pensees se forment, ou ie trouue que nous n'auons aucune idee implantee, mais qu'elles sont tous sans exception engendrees par le mouuement des nerfs, & que l'ame ne peut pas faire autre chose, sinon les dites idees composer, diuiser, & diuersement changer, selon les regles des proportions, le quel est l'Vnique fondament & la seule Methode pour paruenir a quelque science; Je me trouue aussi engagè a rechercher la nature de l'Infini aussi bien que du rien; et ie preuue que quoy que nous ne les pouuons connoistre si non negatiue c'est a dire seulement ce qu'ils ne sont pas & par consequent n'auoir aucune idée d'eux, neantmoins nous pouuons | |
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comprendre tres clairement aucunes proprietez qu'ils ont, Tout de mesme comme dans vne Aequation Algebrique, nous pouuons connoistre plusieurs qualitez de sa racine sans la cognoistre; En suite je responds aux questions du l'infini aux quelles Monsieur Des Cartes auoüe de ne pouuoir pas satisfaire, par cette occasion ie donne aussi la solution du Paradoxe de Galilee, monstrant comme il est possible, qu'un Centre puisse estre esgal a sa Circomference, c'est a dire rien a l'Infini, & ie conclu en suitte, que nous ne pouuons pas auoir, aucune idee de Dieu, & que nous ne le pouuons congnoistre, sinon a posteriori, c'est a dire comme la cause par ces effets, & seulement en qualite d'Auteur de la Nature, & de tout l'Vniuers, mais aucunement en qualite, d'Essence infinie ou infiniment parfaite, & que nous aurions toujours ignore cette qualite, aussi bien que sa Trinite & ses autres Attributs incomprehensibles, si luij mesme qui seul se connoist, ne les eut par sa grace reuele aux mortels. De la ie passe a la seconde partie. & d'abord ie descouure vn paralogisme qu'il commet, lors qu'il veut prouuer, que la durete, & les autres qualitez sensibles, sont separables du corps, car pour toute raison il dit, qu'il pourroit ariuer, que nous ne sentirions pas sa durete, car si quelque corps dit il auroit l'esprit de fuir toujours, toutes les fois que nous le voudrions approcher, nous ne sentirions pas sa durete, mais pour son fait il deuoit prouuer, que le corps pourroit absolument perdre toute sa durete, ce que nij Monsieur Des Cartes nij personne monstrera iamais, car ie preuue que son essence consiste dans la durete seulement puisque par cette seule qualite il est sensible, puisque son extention seule ne la rendroit pas sensible, luij estant commune auec le vuide ou le simple Espace que quelques uns sans raison appellent Imaginaire; Et ie soustiens que non seulement la durete mais aussi les autres qualitez, sont inseparables du corps, Et que mesme l'air seroit visible si nous auions vne lunette la quelle pourroit aggrandir les objects vn million de fois ce qui ne pourroit pas arriuer s'il n'auoit point de couleur. Puis ie preuue par demonstration qu'il nij a aucune chose, laquelle soit si necessaire a la conseruation du l'Vnivers, tel qu'il est, que le uide, puisque sans cela il seroit tout d'une Masse beaucoup plus solide que l'Or, & beaucoup plus dure qu'un Diamant, & qu'il seroit impossible, qu'il ij auroit aucun mouuement; Et que sans cela les Phenomenes de la rarefaction & condensation, nij les Experiences de la Machine Magdeburgique, ne peuuent estre expliquez, Et que sans cela Monsieur Des Cartes ne peut auoir eu aucun concept clair & distinct, de sa matiere subtile, car il est impossible qu'aucune matiere soit subtile, si elle n'est diuisee, c'est a dire vne partie separee de l'autre, le quel sans cela est incomprehensible. Apres ie monstre, qu'en cas que Dieu anniehiloit le contenu d'un flacon, qu'il peut neantmoins retenir sa figure, & que quand il seroit assez fort, pour resister a la pesanteur du l'air, qu'il ne court aucun risque d'estre brisee. J'aij pitie de luij, voijant de quelle façon il se tourmente, pour desinir le mouuement, a fin de pouuoir preuuer, que la Terre a plus de mouuement dans l'Hijpothese | |
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de Tijcho, que dans celuij de Copernicus, le quel ie trouue si ridicule, que je croij qu'il se mocque de nous; Aussi commet il vne grande faute, lors qu'il dit qu'il faut autant d'action, pour estre sans mouuement, que pour le mouuement mesme, car il est manifeste, qu'a l'un il faut infimentGa naar voetnoot7) plus d'action qu'a l'autre, Puis aijant monstrè que de tous ces regles du mouuement de corps, lors qu'ils se rencontrent, il nij a que la premiere, la quelle soit conforme a la verite, ie donne les veritables lesquelles sont effectiuement le fondament de la nature. A la fin ie monstre, qu'il n'a pas bien compris, le mouuement d'une pierre dans la fronde ou d'vne boule dans vn canal droit, puisque c'est per accidens seulement deGa naar voetnoot8) dans ces cas le corps s'eloigne du centre, & non pas par la nature du mouement car ie demonstre la raison pourquoij que cela arriue, & ie definis la figure d'un canal, dans lequel vne boule vistement tournè, au lieu de s'eloigner du centre, s'aproche auec rapidite. Et de la sorte croijant auoir sappe les fondamens du Monde Cartesien i'attends sa ruine, si ce n'est que n'aijant aucune solidite, il puisse mesme sans fondements, subsister dans Espace imaginaire, a la guise des Palais Magiques du temps de jadis. Peut estre que depuis i'entreprenderaij, l'Examen de son Sijsteme, ou ie le combattraij auecq ses propres armes, monstrant qu'il ne peut pas subsister, mesme supposant ses propres principes. Mais Monsieur i'abuse de vostre bonte, et ie diraij pour toute excuse, que si ce n'estoit pour vous obeir, ie n'auraij iamais eu l'ardiesse, de vous enuier auec vne si longe lettre, puisque ie suis auec passion Monsieur Vostre Treshumble & tresobeissant Seruiteur le Baron de Nulandt. |
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