Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

[p. 74]

N^o 1556.
Christiaan Huygens à [Lodewijk Huygens].
10 août [1666].

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 10 Aoust.

Jusqu'icy, la femme de Monsieur François¹⁾ n'a point encore paru, ce qui me fait douter si vous luy avez bien designè la rue et la maison ou je demeure. Pour vos emplettes de tour de bras et coussinets il y a moyen de vous satisfaire; pour ce qui est de la Lunette Campanine non item. Ne scavez vous pas combien longtemps et avec quel empressement il Signor Padre me sollicite pour en avoir une, et qu'il est raisonnable qu'il soit servi le premier? La premiere que Menard a faite est vendue a je ne scay qui. Je l'ay priè d'en faire une autre maintenant et d'avoir soin que le tuyau soit mieux fait que de celle la, car il y manquoit quelque chose. Si elle se trouue bonne, je l'achepteray pour mon Pere a fin de ne le pas faire attendre plus longtemps. mais je crois qu'elles cousteront cher, par ce que le bon Sieur Menard n'ignore pas que celle de Campani a estè venduë cent escus²⁾. Si vous ne m'envoiez des lettres de change comment croiez vous que je puisse fournir a toutes vos commissions? Le meilleur seroit qu'en m'envoiant quelqu'un de vostre part comme a cette heure madame Francois, vous les chargeassiez en mesme temps de paier vos denrees, car comment autrement me faire tenir icy l'argent ou quelles commissions vous ay je a donner en eschange en Hollande? En fin pensez fratello qu'on a mieux a faire de son argent icy qu'en lieu du monde, et que si j'en avois abondamment je ne ferois nulle difficultè d'en debourser pour vous. Mais pour revenir a nos lunettes, vous voiez bien que quand j'en voudrois avoir a quelque prix que ce fut, il n'y en pourra pas avoir de prestes pour vous envoier si tost, et ce sera assurement beaucoup si par la massagere que vous m'envoiez je puis depescher celle que je destine au Pere.

Le Frere de Zeelhem³⁾ sera estonnè de ce que je ne luy envoie pas la description promise⁴⁾ de ces lunettes Campanines, mais puis qu'il en verra bien tost⁵⁾ qui sont faites apres l'original de Rome, et parfaitement bien copiées je crois que ce seroit de la peine perduë a moy de les expliquer et a luy d'estudier les figures que j'en aurois tracées. J'espere que sa petite fievre l'aura quitè bientost et baise les mains a tous.

1) Monsieur François était perruquier. Consultez la Lettre N^o. 1563.

2) Consultez la Lettre N^o. 1553.

3) Constantyn Huygens, frère.

4) Consultez la Lettre N^o. 1554.

5) Consultez la Lettre N^o. 1563.

[p. 75]

Il y a 4 jours, que Madame de Saintot⁵⁾ mourut icy d'une fievre chaude, sans que j'aye rien sceu de sa maladie.

5) Marguerite Vion épousa de Saintot. Elle avait été actrice de la Foire et fut la maîtresse du comte d'Avaux, puis de Voiture. Elle ne manquait pas d'esprit et a écrit des lettres trés recherchées.