Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665

N^o 1228.
Christiaan Huygens à [Lodewijk Huygens].
26 avril 1664.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.

Paris le 26 Avril 1664.

La boete avec les 3 horologes arriva hier, et apres une longue contestation avec Blavet¹⁾, qui demandoit 50 francs pour le port et frais de douane, les quels on a reduit en fin a 18, on nous l'a delivree ce matin. l'ayant ouverte nous avons trouuè 2 des horologes en trespitoyable estat, a scavoir celle avec la caille de tortue, et celle de 8 jours; toutes les pieces de la premiere s'estant defaites, et les arbres de 3 ou 4 roues rompus. en fin le tout sans dessus dessous et confondu avec la poudre de verre brisè qui a egratignè tout le cuivre d'une estrange façon.

A celle de 8 jours le timbre est en pieces, la queue du marteau, et quelques autres pieces rompues, parce que l'ouurage s'est detachè de la platine, et a roulè ainsi par la boete, qui est aussi fort endommagee par les costez. La 3^me horologe comme par miracle est demeurée entiere, ayant estè couchée entre les 2 autres. Je ne scaurois croire que ny vous ni Pascal ayez estè si inadvisez que de mettre les 3 l'une sur l'autre sans rien entre deux, mais je l'impute a ces bestes de douaniers à Peronne, qui ne les auront pas remises en l'estat qu'elles estoient. Toutefois vous deviez avoir procurè que chacune eut eu sa boete, comme lors que vous

1) Blavet était entrepreneur de messageries à Bruxelles.

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envoiastes les autres, car du moins l'une estant rompue n'auroit pas gastè l'autre, comme il est arrivè maintenant par ce que le verre brisè est entrè partout ou il a trouuè ouuerture. J'ay fait venir Thuret avec qui ayant cherchè toutes les pieces de celle de caille de tortue, je la luy ay donnée pour racommoder. L'autre de 8 jours je la garderay jusqu'a ce que je l'aye fait veoir a Monsieur Merat²⁾, a fin qu'il en ordonne comme il voudra. Je suis tresfachè de ce malheur et veux bien promettre que je ne me chargeray jamais plus de faire venir des horologes de Hollande.

J'envoieray l'entiere au Mareschal³⁾ qui l'attend avec impatience. L'une des precedentes⁴⁾ qui estoit pour Vigarani⁵⁾ est vendue par l'entremise de Zuerius⁶⁾ a un Prestre de qui il m'a promis de m'apporter l'argent dans un jour ou deux. La Signora Anna m'a aussi demandè combien il falloit pour la siene⁷⁾, de sorte que de ce costè la il y a apparence encore que le payement suivra bientost.

J'ay rendu vostre Calotte au Perruquier pour en avoir une autre plus claire qu'il m'a promise pour la fin de la semaine qui vient.

Hier j'assistay a la dissection d'un chien chez Monsieur Bourdelot⁸⁾, Bruynestein faisant l'operation. C'estoit un des 3 que nous avions icy, vivants sans ratte, et il y avoit 6 mois, qu'on l'avoit ostee a cettuicy. Nous voulumes veoir, de quelle facon la nature auroit reparè cette perte, mais ne trouuames rien sinon que la partie d'ou on avoit coupè la ratte, s'estoit fermement attachee a la peau. Quelques uns remarquerent outre cela que la graisse du chien estoit plus blanche qu'a l'ordinaire.

Avanthier nous dinames chez Monsieur de Bonneuil⁹⁾ avec Messieurs de Mortemare¹⁰⁾, de Lionne¹¹⁾ et Nielle¹²⁾.

J'attens par le prochain ordinaire la fin de l'affaire de Mortagne, et la greine de choux¹³⁾. Adieu.

Je feray tenir les 3 livres a Monsieur Thevenot.

2) Merat était conseiller à la cour de Paris; voir la Lettre N^o. 1237.

3) Antoine maréchal de Gramont.

4) Consultez la Lettre N^o. 1223.

5) Sur la montre de Vigarani, voir la Lettre N^o. 1207.

6) Probablement le consul Suerius.

7) Consultez la Lettre N^o. 1223.

8) Pierre Michon, dit Abbé de Bourdelot.

9) De Boneuil était introducteur des ambassadeurs à Paris. On l'appelait ‘le dévot de la cour.’

10) Gabriel de Rochechouart, marquis, puis duc de Mortemart, naquit en 1600 et mourut en 1675. Attaché à la cour de Louis XIV en 1630, il devint gouverneur de Paris en 1669. Il laissa 4 enfants, tous bien connus dans l'histoire.

11) Hugues de Lionne, marquis de Berny, fils de l'évêque Artus de Lionne, naquit à Grenoble en 1611 et mourut à Paris le 1^er septembre 1671. Commis des finances sous son oncle Abel de Servien, il partagea la disgrâce de ce dernier et voyagea en Italie. Partisan de Mazarin, il devint conseiller d'état, puis prévôt et grand-maître des cérémonies, enfin en 1661 ministre des affaires étrangères sous Louis XIV.

12) Peut-ètre le fils de Charles de Nielles, pasteur à Utrecht (mort le 27 décembre 1652), le Gallus Arminianus, grand musicien et un des correspondants de Constantyn Huygens, père.

13) Consultez la Lettre N^o. 1224.