Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659
(1889)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 651.
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un autre triangle moindre que celuy la qui auroit la mesme proprietè. S'il y en auoit un second moindre que le premier qui eust la mesme proprietè il y en auroit par un pareil raisonnement un troisième moindre que ce second qui auroit la mesme proprietè. et enfin un quatrieme, un cinquieme &c à l'infini en descendant. or est il qu'estant donnè un nombre il n'y en a point infinis en descendant moindres que celuy la, j'entens parler tousjours des nombres entiers. d'ou on conclud qu'il est donc impossible qu'il y ait aucun triangle rectangle dont l'aire soit quarrè. on infere de la qu'il n'y en a non plus en fractions dont l'aire soit quarrè. car s'il y en auoit en fractions, il y en auroit en nombres entiers, ce qui ne peut pas estre, car il se peut preuuer par la descente. Je n'adjouste pas la raison d'ou j'infere que s'il y auoit un triangle rectangle de cette nature, il y en auroit un autre de mesme nature moindre que le premier, parce que le discours en seroit trop long, et que c'est la tout le mystere de ma methode. Je seray bien aise que les Pascals et les Roberuals et tant d'autres scauants la cherchent sur mon indication. Je fus longtemps sans pouuoir appliquer ma methode aux questions affirmatives, parce que le tour et le biais pour y venir est beaucoup plus malaisè que celuy dont je me sers aux negatives de sorte que lors qu'il me falut demonstrer que tout nombre premier qui surpasse de l'unitè un multiple de 4, est composè de deux quarrez je me trouuay en belle peine. Mais enfin une meditation diverses fois reiterée me donna les lumieres qui me manquoient et les questions affirmatives passerent par ma methode a l'ayde de quelques nouueaux principes qu'il y fallust joindre par necessitè. Ce progres de mon raisonnement en ces questions affirmatives estoit tel. Si un nombre premier pris à discretion qui surpasse de l'unitè un multiple de 4 n'est point composè de deux quarrez il y aura un nombre premier de mesme nature moindre que le donnè; et en suite un troisieme encore moindre, etc en descendant à l'insini jusques a ce que uous arriviez au nombre 5, qui est le moindre de tous ceux de cette nature, lequel il s'en suivroit n'estre pas composè de deux quarrez, ce qu'il est pourtant. d'ou on doit inferer par la deduction à l'impossible que tous ceux de cette nature sont par consequent composez de 2 quarrez. Il y a infinies questions de cette espece, mais il y en a quelques autres qui demandent des nouueaux principes pour y appliquer la descente, et la recherche en est quelques fois si mal aisée, qu'on n'y peut venir qu'auec une peine extreme. Telle est la question suiuante que BachetGa naar voetnoot2) sur DiophanteGa naar voetnoot3) avoue n'avoir jamais peu de- | |
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monstrer, sur le suject de la quelle Monsieur Des Cartes fait dans une de ses lettres la mesme declaration, jusques la qu'il confesse qu'il la juge si difficile qu'il ne voit point de voye pour la resoudre. Tout nombre est quarre, ou composè de deux, de trois, ou de quatre quarrez. Je l'ay enfin rangée sous ma methode et je demonstre que si un nombre donnè n'estoit point de cette nature, il y en auroit un moindre qui ne le seroit pas non plus. puis un troisieme moindre que le second &c à l'infini, d'ou l'on infere que tous les nombres sont de cette nature. Celle que j'auois proposée a Monsieur FrenicleGa naar voetnoot4) et autres est d'aussi grande ou mesme plus grande difficultè. Tout nombre non quarrè est de telle nature qu'il y a infinis quarrez qui multipliants ledit nombre font un quarrè moins 1. Je la demonstre par la descente appliquée d'une maniere toute particuliere. J'aduoüe que Monsieur Frenicle a donnè diuerses solutions particulieres et Monsieur Wallis aussi, mais la demonstration generale se trouuera par la descente deuement et proprement appliquée, ce que leur indique, afin qu'ils adjoustent la demonstration et construction generale du theoreme et du probleme aux solutions singulieres qu'ils ont donnees. J'ay en suite considerè certaines questions qui bien que negatives ne restent pas de receuoir tres grande difficultè, la methode pour y pratiquer la descente estant tout a fait diuerse des precedentes comme il sera aisè d'esprouuer. Telles sont les suivantes. Il n'y a aucun cube diuisible en deux cubes. Il n'y a qu'un seul quarrè en entiers qui augmentè du binaire fasse un cube. ledit quarrè est 25. Il n'y a que deux quarrez en entiers lesquels augmentés de 4 fassent cube. les dits quarrez sont 4 et 121. Toutes les puissances quarrees de 2 augmentees de l'unitè sont nombres premiers.Ga naar eindb) Cette derniere question est d'une tressubtile et tresingenieuse recherche, et bien qu'elle soit concüe affirmativement elle est negative, puisque dire qu'un nombre est premier c'est dire qu'il ne peut estre diuisè par aucun nombre. Je mets en cet endroit la question suiuante dont j'ay enuoyè la demonstration à Monsieur Frenicle apres qu'il m'a aduouè, et qu'il a mesme tesmoignè dans son escrit imprimèGa naar voetnoot5) qu'il n'a peu la trouuer. | |
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Il n'y a que les deux nombres 1 et 7 qui estant moindres de l'unitè qu'un double quarrè fassent un quarrè de mesme nature, c'est a dire qui soit moindre de l'unitè qu'un double quarrè. Apres auoir couru toutes ces questions la pluspart de diuerse nature et de differente façon de demonstrer, j'ay passè à l'inuention des regles generales pour resoudre les aequations simples et doubles de Diophante. On propose par exemple 2 quarrez + 7967 esgaux a un quarrè (hoc est 2 x x + 7967 ∞ quadratum). J'ay une regle generale pour resoudre cette equation si elle est possible, ou de decouurir son impossibilitè. Et ainsi en tous les cas et en tous nombres tant des quarrez que des unitez. On propose cette aequation double 2 x + 3 et 3 x + 5 esgaux chascun à un quarrè. Bachet se glorifie en ses commentaires sur Diophante d'auoir trouuè une regle en deux cas particuliers. Je la donne generale en toute sorte de cas. Et determine par regle si elle est possible ou non. J'ay en suite restably la pluspart des propositions defectueuses de Diophante. Et j'ay fait celles que Bachet aduoue ne scauoir pas. Et la pluspart de celles aux quelles il paroit que Diophante mesme a hesitè. dont je donneray des preuues et des exemples à mon premier loisir. J'aduouë que mon inuention pour descouurir si un nombre donnè est premier ou non n'est pas parfaite, mais j'ay beaucoup de uoyes et de methodes pour reduire le nombre des diuisions et pour les diminuer beaucoup en abbregeant le trauail ordinaire. Si Monsieur Frenicle baille ce qu'il a meditè la dessus, j'estime que ce sera un secours tres considerable pour les scauants. La question qui m'a occupè sans que j'aye encore peu trouuer aucune solution est la suiuante qui est la derniere du liure de Diophante de multangulis numeris. Dato numero inuenire quot modis multangulus esse possit, le texte de Diophant estant corrompu nous ne pouuons pas deviner sa methode. Celle de Bachet ne m'agree pas et est trop difficile aux grands nombres. J'en ay bien trouuè une meilleure mais elle ne me satisfait pas encore. Il faut chercher en suite de cette proposition la solution du probleme suiuant. Trouuer un nombre qui soit polygone autant de fois et non plus qu'on uoudra, et trouuer le plus petit de ceux qui satisfont à la question. Voila sommairement le conte de mes resueries sur le suject des nombres. Je ne l'ay escrit, que parce que j'apprehende que le loisir d'estendre et de mettre au long toutes ces demonstrations et ces methodes me manquera. En tout cas cette indication seruira aux scauants pour trouuer d'eux mesmes ce que je n'estens point, principalement si Monsieur de Carcaui et Frenicle leur font part de quelques demonstrations par la descente que je leur ay enuoyees sur le subject de quelques propositions negatiues. Et peut estre la posteritè me scaura grè de luy auoir fait connoistre que les anciens n'ont pas tout sceu, et cette relation pourra passer dans l'esprit de ceux qui viendront apres moy pour traditio lampadis ad silios, comme | |
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parle le grand Chancelier d'angleterreGa naar voetnoot6), suiuant le sentiment et la deuise du quel j'adjousteray, multi pertransibunt et augebitur scientia. |
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