Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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† Lettre MCLV.
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Ga naar margenoot+calamité; ce que nous avons entendu avecq aultant de regret et desplaisir, tant pour y estre notamment intéressé, que pour l'amitié plus que paternelle que nous vous portons, qu'il nous a semblé à [l'entresuyte] de tant de maux dont tout le pays est menaché, ne debvoir obmectre aucune chose par où vous en puissiez estre garantiz, et pour ceste occasion nous avons prié le docteur Junius, personnaige très-prudent et bien zèlé au publicq, d'estre porteur de ces présentes, quy vous sçaura très-bien réprésenter (oultre ce que vous trouverez fondé sur ce meisme subject en ceste lettre) le précipice auquel vous allez tomber, sy Dieu, par sa grâce et bonté, prenant pitié de la désolation et misère publicque et particulière que vous regarde, n'affermist voz jugemens, pour, à l'exemple des périlz passez, quy doibvent guider voz actions présentes, vous servir et rendre prévoyans en l'entremise, résolution et conduite de voz affaires; dont considérant par adventure la grandeur ou craignant l'évènement incertain d'icelles, vous allez précipiter dans ung feu brûlant; vous désunissant par une légéreté trop grande des aultres provinces, avecq lesquelles estes liez par serment et fidélité, chose si déplaisante à Dieu, vengeur du serment rompu et mesprisé, que pour nulle commodité il n'est permis aux gens d'honneur de vertu de l'enfraindre, encores plus en se perdant comme vous faictes; sans aucune doubte debvez vous estre esloignez de tel pensement, estans en oultre espécialement obligez en nostre endroict d'un aultreGa naar voetnoot1 rćent, remarquable et solemnel, dont la conséquence de l'infraction ne pourroit apporter qu'ung triste événement. | |
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Ga naar margenoot+Vous debviez abhorrer et du tout estre affranchiz d'un si mauvais party; et, quant bien vous ne seriez retenuz par vostre propre conscience, quelle seureté attendez vous des Espaignolz, que vous avez chassez honteusement, meurtris et tuez en tous les endroictz de vostre ville, spolliéGa naar voetnoot1 le Roy d'Espaigne de son propre héritage; abbattu de voz portaux etlieux plus éminens, rompu et brisé ses armoiries, esleu, choisy et receu ung aultre Prince et Seigneur, estably nouvelles loix, ordonnances et conseil, osté l'exercice de la religion Catholicque, dont il est très [pernicieux] observateur et protecteur, vendu publicquement les biens ecclésiastiques et ses domaines? brief, il ne luy est resté parmy vous marcque aucune que d'un mespris et offence si grande que, pour s'en ressentir et venger, tous moyens luy sont honorables et sans reproche. Quel traicté et capitulation donc vous sera asseurée, principalement pour l'exercice de vostre religion? Avez-vous perdu la mémoire quel fut l'entretènement de la pacification de Gand, dont la cire du traicté juré par Don Jan en son nom est encoires chaulde, et pour quelz le père et le filz vous ont tenuz, et comment ilz vous ont traicté? Quelle seureté ont eu les grandz et le peuple quy se sont fiez en sa promesse, à son sceau et seing, sinon par ung eschafault aux ungs, où ilz ont honteusement perdu leurs testes, et les aultres misérablement meurtriz et saccagez? Avez-vous les yeux si bendez et l'entendement tellement estouffé pour ne cognoistre qu'il vous voeult avoir pied à pied, pour tout d'un coup désuniz, demeurans sans force ny appuy quelconcques, estre entièrement accablez par une prompte et inévitable ruine? et lors vous porterez en effect la paine attendue | |
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Ga naar margenoot+d'ung légier et mauvais conseil, par une cruaulté, ravaige et saccagement publicq non jamais ouy; car ilz se souviendront que, pour ne vous avoir exterminez entièrement, eulx-mesmes courent fortune. Et sont encoires au commenchement, sy vous demeurez fermes, comme vous debvez, en l'union que vous avez promise, à quoy nous vous prions doncq et exhortons estre résoluz, sy vous aymez vostre patrie, honneur, et réputation et repos. Vous avez sy longtemps résisté aux forces Espaignoles et de voz seulx moyens soustenuz les effortz furieulx d'un si grand prince; est-il raisonnable, maintenant que la France vous regarde de sy bon oeil, d'amollir vos coeurs et deffaillir de couraige; vous entre aultres, quy avez osé maintenir voz loix et libertez avec les armes contre les plus grandz Princes, quant ilz les ont volu abastardir et opprimer. Croyez que nous ne vous défauldrons en ce besoing et que l'occasion commode à vostre secours ne sera nullement retardée, ains advancée de tout nostre pouvoir; comme desjà nous y avons commencé, espérans de vous aller bientost délivrer, les armes à la main, de l'oppression que vous est maintenant faicte; ainsy que le vous confirmera et asseurera le dit docteur Junius, et que les Srs de la Mouillerie et Asseliers le tesmoigneront par leur retourGa naar voetnoot(1); cependant nous vous prions très-instamment, comme estant vostre propre bien et salut, de vous maintenir courageusement, ainsy que vous avez tousjours faict, allencontre de voz ennemiz communs, avecq lesquelz par nul expédient vous ne pouvez ny debvez prendre aucune confiance ny seureté, et nous n'espargnerons aucune chose dépendant de nostre pouvoir et | |
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Ga naar margenoot+authorité, ny meismes nostre propre vie, que nous exposerons à tout hazard pour vostre conservation et salut; à quoy nous prions au bon Dieu vous vouloir assister et inspirer par Sa grâce, et estre tousjours en voz conseilz, afin qu'avecq eulx puissiez résouldre et déterminer ce que sera juste et nécessaire pour vostre bien, et qu'Il vous ayt, très-chers et bien aymés, en Sa très-saincte et digne garde. A Chasteau Thierry, ce 29me jour de mars 1584. Françoys. A nos très-chers et bien aymez, premier Eschevin et Conseil de la ville de Gand. Le Pin. M. d'Espruneaux donnoit aussi de bonnes nouvelles. Quelques jours plus tard (12 avril stylo veteri) le Comte Guillaume Louis lui répond: ‘J'ay receu ces jours passez deux lettres de vous, par lesquelles me mandés les particularitez et nouvelles du secours qui se prépare en France, pour le soulagement de ces pouvres païs; dont je vous remercie bien affectueusement, espérant que cela donnera occasion aux provinces de prandre tant plustost une bonne résolution et telle que nous puissions sortir une fois de ces perplexitez et joindre les forces contre le commun ennemy’ (*ms. p.a.f. 8792). La réconciliation du Roi de France avec son frère étoit vue de fort mauvais oeil en Espagne. L'Ambassadeur Longlée écrit de Madrid, le 31 mars, à Henri III: ‘L'on n'a pas faict trop bonne interprétation pour le bien des affayres du Roy Catholique en Flandres, d'avoir veu que Monseigneur le Duc d'Anjou soit venu trouver vostre Maté, au temps que les Estats avoyent leurs députez auprez de Son Altesse. Mays c'est la coustume de deçà de prendre soubson de toutes choses. Si leurs artifices peuvent ayder à la mauvaise volonté d'aulchuns des subjects de vostre Maté à remectre la guerre dans son royaulme, leurs affaires et principalement celles de Flandres s'en establyront beaucoup mieux; car le premier dessein qu'ils ont, c'est de divertir les forces qui pourroient y passer soubs le nom de mon dict seigneur’ (ms. p. st. g.-h. 228). - Certes il faut | |
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Ga naar margenoot+avouer que, pour Philippe II, la conduite du Roi de France ne pouvoit être au dessus du soupçon. |
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